Le président du Mucem, Pierre-Olivier Costa, répond aux questions de Gomet’, à la suite de la lettre que lui ont adressée les représentants des agents du musée, lui reprochant ses choix, sa méthode et son organisation. Das cet entretien accordé jeudi 14 décembre, Pierre-Olivier Costa assure : « Nous allons mener un travail de fond sur l’administration générale de ce musée. »
Quelle est votre réaction à la suite de la lettre de revendications que vous ont adressé les agents au sein du Mucem ?
Pierre-Olivier Costa : Je souhaite remettre les choses dans leur contexte. Tout d’abord, il existe un dialogue social au Mucem qui s’exerce fréquemment et sans publicité extérieure. Dès réception du courrier, j’ai reçu les représentants syndicaux et je leur ai rappelé que mon bureau est toujours ouvert, qu’ils voient la responsable des ressources humaines toutes les semaines et qu’ils avaient rendez-vous avec la nouvelle administratrice générale deux jours plus tard.
Je leur ai également dit que certaines allusions contenues dans le courrier étaient de nature à tronquer la vérité. Il est notamment évoque « une vague de départs » depuis mon arrivée alors que chacun sait, au sein du Mucem, que ces personnes voulaient partir depuis des années. Ils ont obtenu pour la plupart des promotions. Ces mobilités professionnelles n’ont aucun lien avec moi.
Quels sont les points que vous souhaitez clarifier ?
P-O C : Depuis mon arrivée, j’ai proposé un changement d’orientation dans la sociologie des visiteurs du Mucem afin qu’elle ressemble plus au territoire. Il est en effet étrange de constater que nous avons une sociologie de visiteurs proche de celle d’un musée situé au centre de Paris !
Lorsque vous amorcez des changements dans des établissements de cette ampleur, une partie des agents peut se crisper, se poser des questions, avoir des doutes. C’est logique. Il nous faut accompagner ce changement pour qu’il soit plus rassurant qu’inquiétant.
Depuis peu, par exemple, la médiation, la communication et même une partie de la programmation sont présentées pour avis consultatif à un conseil des publics qui réunit des personnalités représentatives de ceux qui viennent peu ou pas au Mucem. L’idée est de leur poser la question : « Est-ce que ceci vous parle ?», « Est-ce susceptible d’intéresser ceux que vous représentez ? ». C’est très nouveau et novateur et je comprends que cela puisse surprendre. Mais cette démarche est nécessaire pour aller vers ces publics qui ne viennent pas.
Je suis arrivé il y a un an, en novembre 2022, et durant la moitié de cette année, il n’y avait pas d’administration générale. Une administratrice est arrivée il y a seulement deux semaines.
Avec l’exposition « Populaire ? » qui vient d’ouvrir et qui va être, je l’espère, un grand succès public, on me reproche de faire passer l’émotion avant le scientifique. Mais c’est la première fois en dix ans que l’ensemble de l’équipe scientifique participe à un projet commun ! Les 15 conservateurs du musée ont signé le commissariat de cette exposition ! Je n’oppose pas l’émotion au scientifique. L’émotion, c’est le propre de la culture ! C’est la seule chose qui est partageable par tous. Et nous souhaitons nous adresser à tous.
Nous allons mener un travail de fond sur l’administration générale de ce musée. Il y a eu des problèmes chroniques d’emplois, de fiches de poste qui n’ont pas été révisées, de politiques salariales mal équilibrées.
Nous allons aussi lancer un diagnostic sur les risques psychosociaux au sein de l’établissement même si nous n’avons pas d’éléments précis qui viennent corroborer une difficulté particulière (comme le nombre d’arrêts maladie).
« Nous sommes dans cette période d’échanges. Evidemment, c’est plus long que tout décider seul.»
Pierre-Olivier Costa
Les agents du Mucem pointent le fait que la programmation scientifique ne soit pas, clairement formulée. Recevez-vous cet argument ?
P-O C : Il ne peut pas y avoir d’inflexion scientifique globale sur la programmation puisque seule l’exposition permanente « Populaire ? » a été décidée sous mon mandat. Nous pouvons seulement faire évoluer l’adresse aux publics au travers de la communication, souvent par le titre des expositions dans le but de les rendre un peu plus accessibles.
J’ai créé un conseil de programmation où, pour la première fois depuis 10 ans, les conservateurs viennent porter un projet, débattre avant que toutes décisions ne soient prises. Nous sommes dans cette période d’échanges. Evidemment, c’est plus long que tout décider seul.
Le conseil des publics a-t-il un rôle à jouer dans cette programmation ?
P-O C : Non, c’est le conseil de programmation qui décide, nous présentons la programmation des expositions au conseil des publics, mais ce dernier ne se prononce pas sur l’orientation scientifique. Il se prononce sur l’adresse au public. Le cas échéant, nous pouvons adapter notre communication.
Le deuxième reproche principal que les syndicats font est celui des dysfonctionnements en matière d’organisation. Vous évoquez l’urgence, mais eux évoquent un système parallèle de décisions et de management à travers des consultants, que répondez-vous ?
P-O C : Ce qu’ils appellent des dysfonctionnements d’organisation nous conduisent, en huit mois, à ouvrir une exposition « Populaire ? », que je vous invite à venir voir. Ce que nous sommes arrivés à faire est exceptionnel, cela nécessite une mobilisation mais aussi une certaine efficacité dans l’organisation.
Lorsque j’ai évoqué la programmation pour les 10 ans, je savais que nous aurions besoin de renfort. J’ai donc fait appel à deux personnes qualifiées pour aider à la création de ces événements. J’ai un management collaboratif. J’organise des réunions tout en collégialité. Nous avons un comité de direction, qui réunit l’ensemble des chefs de service, toutes les semaines et un conseil de programmation. J’ai également réuni le personnel pour un séminaire toute une journée pour réfléchir. Je fais des réunions avec l’ensemble des agents quand il s’agit d’une nouvelle orientation.
Ce n’est pas habituel au Mucem que le président s’entoure de conseillers. C’est pourtant le cas dans tous les grands musées nationaux. C’est un défi énorme de monter en quelques mois, dix événements pour les 10 ans. La fréquentation de 2023 va être supérieure à 2022 et sera sans doute une des plus importantes de ces cinq dernières années. Le public est au rendez-vous et j’en suis très heureux.
Les conseillers qui vous accompagnent sont recrutés uniquement pour les 10 ans, ou sont-ils amenés à être renouvelés ?
P-O C : Ce sont des conseillers qui répondent à des besoins spécifiques pour l’année des 10 ans. Il n’existe pas de poste de conseiller au sein du Mucem. Même si, dans tous les grands musées, la présidence est organisée autour d’un cabinet et de conseillers. On me reproche cet appel à des prestataires extérieurs. Je rappelle que l’ensemble des personnes qui, aujourd’hui, accueillent le public au Mucem, l’ensemble des médiateurs, l’ensemble des agents qui assurent la sécurité quotidienne des visiteurs et l’ensemble des équipes d’entretien, sont des prestataires. Le Mucem fonctionne au quotidien avec des prestataires, depuis 10 ans.
Pierre-Olivier Costa : « Il y a toujours eu du dialogue, ma porte est toujours ouverte »
Depuis la parution de cette lettre, quels sont vos rapports avec vos agents ?
P-O C: Il y a toujours eu du dialogue, ma porte est toujours ouverte, je vois les représentants des élus à chaque fois qu’ils me le demandent. Je les ai reçus dans les deux heures qui ont suivi la diffusion de cette lettre, cela veut dire qu’il y a un dialogue social continu. Les agents savent où me trouver et la porte de la nouvelle administratrice générale est également toujours ouverte.
Prévoyez-vous des changements dans votre direction après ce moment de tension ?
P-O C : La grosse différence est qu’il y a désormais une administration générale et donc une direction en ordre de marche. Nous allons nous atteler à des dysfonctionnements qui pour la plupart datent de plusieurs années. Nous allons réfléchir pour voir comment on peut mieux se nourrir des remontées du terrain et inciter les chefs de service à relayer les attentes de leurs agents.
Craignez-vous un durcissement des positions des syndicats du Mucem ?
P-O C: Il faut se parler, il faut dialoguer. Il faut également comprendre les inquiétudes. Beaucoup d’agents sont là depuis le début et dix ans sans mobilité professionnelle, dans une carrière c’est beaucoup ! Fatalement, il y a des revendications, fatalement il y a des missions qui évoluent par rapport aux fiches de poste qui ne correspondent pas toujours à la réalité du travail. Nous allons continuer à discuter avec nos tutelles. Nous voulons bien entendu entrainer l’ensemble des agents dans ce nouveau projet à destination de tous les publics.
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