Peut-être cette popularité tient-elle au fait que sa vision toute keynésienne d’un capitalisme encadré et régulé trouve naturellement un écho favorable dans un pays comme la France, culturellement moins bien disposé à l’égard du néolibéralisme qu’outre-Atlantique. Néanmoins, si l’économiste américain déplace encore les foules en 2019, c’est que la pertinence de sa lecture économique n’a pas pris une ride. A l’inverse, celle-ci semble s’accommoder des bouleversements de notre temps – changement climatique en tête. En cela, Joseph Stiglitz demeure redoutablement actuel.
« Les Gafa ont conspiré pour abaisser les salaires de leurs employés »
Le fondement de la vision développée depuis toujours par Joseph Stiglitz se base sur l’idée que des asymétries d’information entre acteurs économiques faussent automatiquement la concurrence pure et parfaite supposée des marchés. Ainsi, en ayant une facilité d’accès à une source d’information qualifiée, certains individus ou entreprises possèdent un avantage concurrentiel sur les autres acteurs. Selon lui, cela explique notamment que de grands groupes monopolistiques aient pu se constituer, au détriment de leurs salariés et du pouvoir des gouvernements.
« Nous avons réalisé que quelques grandes entreprises ont conspiré pour abaisser les salaires de leurs employés » dénonce-t-il ainsi à l’endroit des mastodontes que sont les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple). Fustigeant une « absence de boussoles morales du capitalisme », il identifie un « symptôme de l’investissement bas des entreprises, malgré des taux de profit importants. Or si les salaires baissent, qu’est-ce qui monte ? C’est la rente » assène-t-il, pointant du doigt la « soif de gain » des grandes entreprises et des stratégies uniquement tournées vers la maximisation des profits actionnariaux.