« Les salariés vont pouvoir passer des bonnes fêtes de fin d’année plus sereines » observe souriante la ministre déléguée à l’énergie Olga Givernet le 26 novembre à Gardanne. Sa visite mardi matin sur le site de la centrale de Provence opérée par GazelEnergie a été annoncée seulement la veille en fin de journée. Mais dans la grande salle à l’étage de la direction, au 3e, il y a du monde : la délégation ministérielle, le sous-préfet d’Aix, les élus locaux dont les maires de Gardanne et de Meyreuil, la direction de GazelEnergie et nombre de salariés.
Ces derniers attendent depuis deux ans la relance pérenne de la production de l’ex-centrale à charbon transformée en centrale biomasse à l’issue d’un pacte de territoire signé après l’arrêt de l’activité historique en 2022. Une fermeture décidée par Emmanuel Macron conformément à ses engagements de campagne en 2017 afin de tourner la page du charbon en France afin de lutter contre la pollution issue des énergies fossiles.
Olga Givernet n’est donc pas venue les mains vides contrairement à son dernier déplacement à Fos, il y a deux semaines, sur la zone industrielle et portuaire où elle était accompagnée des ministres de l’économie et de l’industrie, Antoine Armand et Marc Ferracci.
Cette fois, elle pose sur la table la bagatelle de 800 millions d’euros d’engagements de l’Etat sur huit ans en commande d’électricité. Une manne qui va permettre selon les chiffres communiqués par la ministre au site de fonctionner pendant au moins six mois de l’année avec quelque 4 000 heures garanties, ce qui permet de pérenniser 90 emplois direct au sein de GazelEnergie et 500 emplois indirects. La mise en place de l’accord est annoncée dès le mois de janvier par le président du site, Frédéric Faroche, président de GazelEnergie, présent aux côtés de la ministre pour dévoiler la bonne nouvelle.
Par les temps de disette budgétaire, le pactole public semble presque inespéré alors que les menaces sur les investissements de décarbonation des industriels s’accumulent, à l’instar des récentes annonces d’ArcelorMittal.
Des salariés soulagés mais vigilants et mobilisés
Pour la majorité des salariés de Gardanne, c’est la satisfaction et le soulagement. Mais les réactions sont teintées de prudence et de revendications. Florian Hubert, délégué syndical CFDT et secrétaire du CSE rappelle que « la signature d’aujourd’hui était annoncée comme imminente depuis le 8 janvier 2024 par le directeur de la centrale. On a appris à être prudent mais c’est un grand soulagement » réagit-il tout en avertissant. « Tout n’est pas terminé. Il faut pérenniser ce contrat, ce site, ces emplois en allant vers une vraie transition énergétique socialement juste. Aujourd’hui c’est un point d’étape. On attend la création de 12 emplois supplémentaires pour faire face à la charge de travail.»
Il reste encore de nombreux points à régler souligne également la CGT. Si on se félicite de l’obtention du contrat et du redémarrage de la production, on aimerait en connaître plus sur les modalités. « Le contrat a été signé entre l’Etat et Gazel. Nous n’avons pas les détails » observe Jean-Charles Pascal, délégué syndical CGT de GazelEnergie, et secrétaire du bureau des syndicats de la Centrale de Gardanne. Il pointe le flou sur les volumes, le prix et le nombre d’heures qui pourraient fluctuer selon l’évolution des prix du marché. Le syndicaliste rappelle en outre qu’un « cahier de revendications est toujours ouvert. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en capacité de répondre à cette commande et de s’organiser. Il y a des sous-effectifs. »
Le projet de biogaz porté par les salariés mentionné par la ministre
Si les revendications de la CGT ont été en partie prises en compte dans la commande publique, « nous voulions une garantie de pérennité sur dix ans, et non huit ans et un minimum de 5000 heures contre 4000 obtenues » observe Jean-Charles Pascal, il affiche aussi sa satisfaction de voir la production du site redémarrer. « On ne peut qu’être satisfait de l’obtention du contrat mais ce ne peut être qu’un tremplin, c’est une base. Nous portons en parallèle le projet Biogaz Gardanne qui tient la route. Il faut que GazelEnergie se positionne. A défaut, on ira chercher l’industriel sachant que nous avons beaucoup d’acteurs intéressés par le projet. »
Ce projet porté par l’Association des travailleurs de la Centrale de Gardanne (ATCG) permettrait selon la CGT d’employer 47 collaborateurs dont 27 issus du plan de reclassement du site. Il a été directement évoqué par la ministre qui tenait après les annonces officielles une réunion sur les différents dossiers du site hors biomasse. « Le projet Biogaz Gardanne porté par ATCG pourrait potentiellement fournir du gaz au port de Marseille, évoque-t-elle avant de mentionner d’autres développements dans le recyclage de produits textiles ou les supercalculateurs », des projets qui donneraient de la visibilité et de l’emploi sur le site.» Et de lancer à l’adresse des dirigeants de Gazel : « Nous comptons sur vous pour poursuivre la transition d’ensemble, vers la réindustrialisation avec des projets qui serviront le territoire et la France. »
Dans sa intervention, Frédéric Faroche, lui n’a pas parlé du projet biogaz… « Sur le réaménagement du foncier, c’est parti. Labellisé site clés en main par le ministère, l’enquête publique aura lieu après celle de P4B (l’unité de biomasse, NDLR), cela nous permettra d’accueillir nos prospects industriels, ceux du recyclage de vêtements, des datas centers et éventuellement une scierie ou des projets de batteries comme ceux que nous réalisons à St Avold,» autre site français de GazelEnergie situé en Moselle).
L’impact environnemental de la centrale biomasse toujours en question
D’autres sujets et non des moindres sont également toujours en débat. L’impact environnemental du site de biomasse fait toujours l’objet d’études et mobilise les militants écologistes présents à l’entrée du site mardi matin. Dans un communiqué, France Nature Environnement a d’ailleurs vivement réagi aux annonces du gouvernement. « Alors même que la centrale thermique de Provence pourrait voir son autorisation d’exploitation annulée pour ses impacts disproportionnés sur l’environnement, la ministre déléguée à l’énergie vient d’annoncer qu’un accord sur le tarif de rachat d’énergie a été conclu entre l’Etat et GazelEnergie. FNE Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’ensemble des associations mobilisées s’interrogent sur les dispositions contenues dans cet accord » déclare l’association départementale et régionale.
Le 20 octobre 2023, la cour administrative d’appel de Marseille avait traité du contentieux entre la société exploitante de la centrale biomasse de Gardanne, le Ministère et les associations opposées à son exploitation, parmi elles FNE Provence Alpes Côte d’Azur (France nature environnement). La cour dans sa décision du 10 novembre 2023 avait demandé une nouvelle étude d’impact complète, s’intéressant aux impacts directs et indirects, l’arrêté de régularisation devant intervenir dans un délai de 12 mois à compter de la notification de la décision. Les magistrats répondaient ainsi positivement aux recommandations du rapporteur public de réévaluer le coût environnemental de l’usine de Gardanne. Cette nouvelle étude est toujours attendue par les défenseurs de l’environnement et… par la justice administrative.
En attendant, FNE dénonce toujours un projet « climaticide et nuisible à la santé humaine » (voir l’intégralité du communiqué en document source). Selon Frédéric Faroche, le complément d’étude d’impact est en cours. Les documents fournis par Gazel sont à l’étude. Il annonce que l’enquête publique aura lieu en début d’année 2025.
Olga Givernet : « les usages de la biomasse sont très encadrés »
Olga Givernet a tenté de répondre aux préoccupations des défenseurs de l’environnement tout en renvoyant à ses responsabilités l’exploitant : « La durabilité de la biomasse a été abordée. Je sais que vous êtes attentifs pour l’environnement et le bien être en ayant un sourcing qui en prenne en compte cette durabilité. Ce sera à vous d’identifier quels sont les différents moyens de le faire, de les diversifier potentiellement. Je sais que les usages de la biomasse sont très encadrés. Je sais que vous vous y soumettrez. Je serai très vigilante. »
Elle avance en outre un autre volet de l’accord avec l’industriel, en souhaitant « l’exemplarité du site et de la centrale. Dans les conditions qui ont été négociées, GazelEnergie s’est engagé à convertir la part de charbon restante sur des produits cendraux de récupération afin toujours de faire évoluer ses procédés pour continuer de décarboner. »
La réduction de l’impact carbone pourrait aussi passer par le fret ferroviaire pour relier le port de Fos, base d’accueil d’une partie du bois nécessaire à la centrale et le site industriel. L’entreprise a validé le projet de déposer la biomasse sur site via le fret ferroviaire (la ligne existe et est déjà utilisée par Alteo, autre site industriel de la zone), mais il faut encore créer les aménagements et trouver l’exploitant, confie une source syndicale. Cela devait être opérationnel en 2025 avant la naissance de nouveaux projets, explique cette même source, qui évoque la possibilité de valoriser le trajet retour pour l’expédition des écoproduits fabriqués sur le site. En attendant, le transport du bois pour la centrale du biomasse s’effectuera par camion. Pas l’idéal pour l’exemplarité souhaitée par la ministre.
Le communiqué de France Nature Environnement
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