Les « œufs » couvaient bien au chaud depuis 2018. Cinq ans plus tard, la Métropole Aix-Marseille accélère enfin son projet de téléphérique entre la gare TER de Vitrolles et l’Aéroport Aix-Marseille Provence. Le conseil de la Métropole Aix-Marseille Provence, qui se réunissait jeudi 19 janvier, a adopté le projet en votant un budget de trois millions d’euros pour des études préalables (sondages, reconnaissances, topographie, études environnementales), et les frais d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Le budget total pour construire cete infrastructure a été estimé à 31 millions d’euros en 2019 (voir notre précédent article).
En France, seuls deux téléphériques urbains de type « Funitel » (œufs reliés par de gros câbles) sont installés en ville : l’un est actif depuis 2016 à Brest et l’autre a été inauguré à Toulouse en mai 2022. Les remontées mécaniques sont donc bien plus rares dans le paysage urbain qu’au milieu des montagnes.
Pourtant, sur le site de Vitrolles – Marignane précisément, les études de faisabilité de 2018 ont montré que ce mode de transport en commun – peu commun – était « la meilleure alternative pour enjamber la voie express et le site industriel », explique Romain Wino, le directeur de la responsabilité sociétale et environnementale (RSE) de l’aéroport AMP, bien au courant du dossier.
Le maire de Vitrolles, Loïc Gachon, lui, était peu favorable au projet en 2018. Néanmoins, en novembre 2022, l’élu socialiste interpellait l’Aéroport et Airbus pour qu’ils envisagent un plan de mobilité commun dont un réseau de pistes cyclables. Contacté, le maire n’a pas donné suite à nos sollicitations. Il n’a pas non plus siégé au conseil métropolitain pour adopter ou s’opposer à la mesure.
Mise en service envisagée fin 2027
Le parcours, tracé en ligne droite sur un kilomètre, prévoit une halte sur le site d’Airbus Helicopers. La délibération votée par la Métropole envisage une mise en service fin 2027 et de transporter, à terme, jusqu’à 3 600 passagers quotidiens pour faciliter le report modal entre la gare et l’aéroport.
Selon le rapport 17 du conseil de la Métropole (voir le document source plus bas), ce report modal est « urgent » pour éviter « la saturation du trafic en heure de pointe. » Le transport par câble « en site propre », infrastructures indépendantes de la circulation, doit fluidifier le trafic en assurant dix aller-retours toutes les heures (un départ toutes les six minutes) pour transporter jusqu’à 1 200 passagers par heure. Le trajet de bout en bout sera parcouru en six minutes.
Outre le trafic lié aux passagers de l’aéroport (9,15 millions en 2022), le bassin de 34 000 emplois de la zone Marignane/Vitrolles pèse sur la circulation dans la zone. A commencer par celle engendrée par les quelque 9 000 salariés d’Airbus Helicopters. D’où l’intérêt de créer un arrêt pour desservir le 3e site industriel français en termes d’effectif.
Airbus et l’Aéroport : trois millions d’euros chacun sur la table
Le deuxième argument de la Métropole pour appuyer le projet de téléphérique est d’accompagner les « objectifs de neutralité carbone de l’aéroport de Marignane », explique dans son rapport le délégué aux Transports, Henri Pons. Ce soutien ne va pas pour déplaire à Romain Wino, le gardien de la politique RSE d’AMP : « Ce projet est une pièce maîtresse de la stratégie de report modal de la voiture vers les transports en commun. Aujourd’hui, 19,5% des passagers aérien empruntent les transports en commun au départ ou à l’arrivée. Alors qu’en 2007, nous étions seulement à 8%. Ce chiffre est en progression constante et il n’y a pas de signe de ralentissement, bien au contraire. »
Pour assumer une partie des travaux, les deux bénéficiaires privés se sont engagés à financer la station téléphérique sur chacun de leur site. « Le montant sera validé au prochain conseil de surveillance fin mars 2023 », assure Romain Wino. Une fois que les deux entreprises auront transmis leur participation financière estimée, selon M. Wino, à trois millions d’euros chacun, les travaux pourront commencer, espère le responsable aéroportuaire. Mais quid des frais de fonctionnement chiffrés à 1,2 million d’euros par an par la Métropole ? Et quel mode de gestion est envisagé ? Interrogée par Gomet’, l’institution n’a pas répondu à nos questions.
L’emplacement des trois stations du téléphérique est lui bien défini : la première sera directement sur le quai de la gare TER de Vitrolles « pour qu’il y ait une notion de bord à bord », la deuxième sur la base arrière des loueurs de l’aéroport, très proche de l’entrée du site d’Airbus, et la station finale « pas très loin du futur cœur » de l’aéroport en cours de travaux.
La gare Vitrolles Aéroport Marseille Provence (VAMP) une offre mal connue
L’étude d’accessibilité au secteur aéroportuaire a permis d’élaborer un Schéma directeur des déplacements pour tous les modes en capitalisant sur le ferroviaire explique la Métropole dans la délibération soumise au vote jeudi 19 janvier 2023, « Les 70 actions que comporte ce plan, qui se déclineront à court, moyen et long terme, suivant l’avancement des projets de développement. Ce schéma compte 70 actions principales. Le diagnostic établi dans le cadre de cette étude d’accessibilité confirme l’urgence à développer une offre alternative au tout voiture pour assurer la desserte de ce secteur, compte tenu notamment de la saturation du trafic en heure de pointe. La gare VAMP se situe au cœur du dispositif de déplacement avec une offre de 73 trains par jour, couvrant 44 destinations, qui reste trop confidentielle, avec un niveau de fiabilité et de régularité à conforter, mais aussi une offre à développer (…) Pour optimiser cette desserte, il est nécessaire de créer une connexion directe, efficace et rapide depuis la gare VAMP, vers avec l’Aéroport Marseille Provence et Airbus Helicopters. »
Le téléphérique, un atout pour le développement de l’aéroport
Ce cœur tout neuf, livré pour les Jeux Olympiques 2024, doit accompagner l’ouverture des lignes long courrier. « L’aéroport de Marseille est résolument tourné vers l’ouverture de lignes internationales. Les dernières lignes ce sont Le Caire (Égypte), Jeddah (Arabie Saoudite), l’Arménie… Notre zone de chalandise va être très large. », se félicite le responsable.
Pour soutenir sa croissance économique, tout en atteignant son objectif de réduire de 90% les émissions de gaz à effet de serre (les émissions liées à l’accès des voyageurs représentent 13% des émissions totales de l’aéroport), le train est un « fabuleux atout pour aller chercher des passagers qui habitent loin, souligne Romain Wino, Il y a suffisamment de trains pour aller à Marseille, Arles et Lyon. Mais aujourd’hui, il nous manque des trains pour aller en Occitanie. »
Si ce téléphérique est un « outil » au service du développement de l’aéroport, « il ne va pas le peindre en vert non plus, loin de là ! Mais ce transport vise à faciliter l’accès à l’aéroport pour générer de l’attractivité économique sur tout le territoire. La Métropole est donc totalement dans son rôle », conclut le directeur RSE d’AMP.
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