Philippe Bega a fait ses armes au sein du groupe Constructa. Proche de l’ancien président-fondateur, Marc Pietri – décédé en 2020 et remplacé par son fils architecte Jean-Baptiste Pietri – Philippe Bega a grimpé les échelons du groupe pendant 18 ans, jusqu’à devenir le directeur général en 2018, année significative pour Constructa qui a inauguré sa tour « La Marseillaise ».
Spectateur de l’évolution urbaine du Nord de Marseille, Philippe Bega a ensuite pris la tête de la direction immobilière de la Snef début 2021, un groupe marseillais de services industriels qui pèse aujourd’hui 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Fin 2021, Philippe Bega a créé son groupe immobilier « Palauma global group » avec 12 millions d’euros de fonds propres. La Snef est l’un des deux investisseurs avec Global International Investment, un groupe marseillais de trading et d’export de matières premières.
Discret pendant toute cette première année,Philippe Bega s’est associé avec un professionnel du marketing,Eyal Bompuis. En un an, les deux associés ont constitué une équipe de cinq personnes, mené six projets sur 45 000m2 et« engrangé 150 millions d’euros de chiffre d’affaires». Si Marseille n’était pas une priorité au début de l’aventure, le groupe veut désormais suivre de près la construction de 4 500 logements, inscrite au programme local de l’habitat (PLH) de la Métropole Aix-Marseille, et l’évolution du foncier du port de Marseille-Fos.
Pourquoi avoir lancé votre groupe de promotion immobilière ?
Philippe Bega : J’ai passé 18 ans chez Constructa. A Marseille, on était le grand Constructa. Mais à Paris on était plutôt l’asset manager. Ça nous a donné une caractéristique toute particulière : celle de savoir entreprendre, de toujours trouver une valeur ajoutée à un projet. C’est cette fibre que j’ai appris et qui m’a nourrit pendant toutes ces années. Quand je suis arrivée à la Snef, j’avais besoin d’intégrer la stratégie du groupe, car c’est un industriel mais l’immobilier était sous-jacent. Ensemble, nous avons donc créé « Palauma global group » dont l’objectif est de co-construire des stratégies immobilières pour le compte d’industriels qui doivent réorganiser leur immobilier pour être plus efficaces. Par exemple, la Snef a quadruplé son chiffre d’affaires en quelques années, mais son immobilier ne peut pas suivre. C’est un vrai sujet.
Quelle est précisément l’activité de « Palauma » ? Un promoteur, un gestionnaire d’actifs, ou bien les deux… ?
P. B : Nous avons deux métiers. Le premier c’est d’être promoteur immobilier résidentiel et hôtelier, mon savoir-faire historique. On veut créer des projets avec une vraie expérience utilisateur. Le deuxième, c’est de prendre des risques de promotion pour le compte d’industriels et d’être maître d’ouvrage de leurs opérations. On ne fait pas de gestion d’actifs. Nous voulons donner de la valeur immobilière à des groupes d’industriels afin qu’ils capitalisent sur une maîtrise d’ouvrage quasiment interne. Et tout ça, en conservant notre logique de contextualiser.
C’est ce que vous nommez « l’intelligence immobilière » ? Ça veut dire quoi concrètement ?
P. B : L’intelligence immobilière c’est écouter, comprendre, réaliser. Tout part du terrain, vous ne pouvez pas imaginer construire quelque chose sans comprendre l’écosystème, les usages de proximité. Dans la construction, vous avez toujours une partie agressive. On vient modifier le paysage. Donc pour que les gens comprennent, on créé un espace d’écoute. Puis, on comprend et on apporte des réponses aux besoins. Enfin, on réalise. Notre marque de fabrique, c’est le côté artisan : on ne se prend pas pour des grands, mais on s’adosse aux grands. Moi je suis promoteur. J’imagine des projets. Je ne suis pas technicien. Je lutte contre cette idée d’ailleurs : un promoteur qui déploie son service achat, il passe à côté de son métier selon moi.
Comment analysez vous l’évolution du métier de promoteur depuis 20 ans ?
P. B : La question est complexe. D’abord, le promoteur a dû se réinventer en sortant de son métier qui était très lié au BTP. De fait, le promoteur a repoussé ses limites sur la conception, les services, l’intégration de la data… On ne peut plus imaginer une opération de logements en ne mettant que du logement. Il faut ajouter des services digitaux, sociaux… Deuxièmement, l’empilement des sujets administratifs et normes environnementales, obligent le promoteur à faire preuve de ténacité. Pour chaque projet, vous devez compter cinq ans avant qu’ils sortent de terre. Donc financièrement, il faut tenir.
En quoi le projet « AMO » mené sur Isola 2000 reflète votre savoir-faire ?
P. B : La ville d’Isola voulait un équipement hôtelier sur un foncier qu’elle a récupéré. Mais son enjeu principal était d’endiguer la problématique des lits froids. C’est-à-dire que le lieu puisse vivre toute l’année ; qu’il y ait des skis dans les casiers l’hiver et des vélos l’été, voyez ! Grâce à notre étude de marché, nous avons compris qu’Isola 2000 devait aller chercher trois cibles : une clientèle haut-de-gamme, un clientèle long séjour et des saisonniers jeunes. On a donc fabriqué une stratégie de lieu hybride : de l’hôtellerie de luxe avec Mercure, le long séjour avec Accor et le pôle « life style auberge de jeunesse » (Jo & Joe). On a créé de la mixité pour répondre à différents usages.
Vous n’avez pas encore signé de projets à Marseille. Pourquoi et quelle est votre vision de l’urbanisme de cette ville ?
Lancer les États généraux du logement c’est très bien. Mais il faut créer le plan Marshall du logement !
Philippe Bega, président de Palauma global group
P. B : Marseille, c’est notre ville de cœur. J’ai toujours eu envie de refabriquer des grands projets à Marseille comme à Arenc. J’ai participé au développement du projet immobilier sur l’ancienne usine Legré-Mante pour Constructa… Mais ça demande énormément de temps. Donc pour les projets des industriels, nous avons saisi des marchés ailleurs à Megève, Mâcon ou Brest. Lancer les États généraux du logement à Marseille c’est très bien. Mais il faut créer le plan Marshall du logement ! Il faut aller dans le concret.
Marseille a acté sa politique de construction de logements dans le PLH métropolitain : 4 500 logements par an. C’est une bonne opportunité pour vous.
P. B : Les 4 500 logements c’est une très bonne nouvelle. Marseille redevient une priorité pour nous, surtout que nous sommes opérationnels après un an de création. On sait où l’on va. La municipalité parle beaucoup de travailler sur le « déjà là », c’est-à-dire la réhabilitation plutôt que la construction. C’est un savoir-faire que nous devons consolider.
Vous être un fin connaisseur du développement d’Euromediterranée. Que pensez-vous de l’avancée des projets ?
P. B : Euromediterranée doit réussir le pari de réinvestir le port de Marseille-Fos.L’avenir d’Euromed, c’est sa faculté à trouver des connexions avec le port. Ils sont dans des difficultés d’expropriation avec des quartiers compliqués à sortir comme Cazemajou. Mais pour moi, les villes portuaires renaissent par leur port comme Gênes ou Barcelone. Marseille doit renaître par son port. Donc, je regarde Marseille avec un oeil sur le port qui serait un formidable terrain de jeu.
Liens utiles :
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