Le Journal officiel de l’Union européenne reconnaît depuis le 2 février dernier la dénomination « Sel de Camargue/Fleur de sel de Camargue » comme Indication géographique protégée (IGP). L’Indication géographique protégée (IGP) identifie un produit agricole, brut ou transformé, dont la qualité, la réputation sont liées à son origine géographique.
L’IGP repose sur la notion de savoir-faire et consacre une production existante et lui confère une protection à l’échelle nationale mais aussi internationale. C’est l’aboutissement d’un long combat comme souvent pour une IGP qui protège le sel et la fleur de sel de Camargue contre toutes les copies, usurpations et détournements commerciaux possibles et imaginables. Le « Sel de Camargue » et la « Fleur de sel de Camargue » sont exclusivement produits en Petite Camargue, sur 9800 ha de terres sauvages. Les sauniers de Camargue y accompagnent le travail de la nature dans la circulation des eaux. Adapté au climat méditerranéen ensoleillé et venteux, le processus de production garantit la salinité des eaux alimentant les cristallisoirs, dans lesquels les cristaux de sel se forment durant les fortes chaleurs estivales.
Une zone de production de sel depuis l’Antiquité
Les salins gardois de Peccais, tout près d’Aigues-Mortes, constituent l’un des plus anciens salins de la Méditerranée. Leur nom serait l’héritage d’un ingénieur romain, Peccius, chargé d’organiser la production de sel au début de l’ère chrétienne. Au Moyen-Âge, ces « Salins du roi » deviennent le site d’exploitation du sel le plus important du littoral méditerranéen. L’importance de la ville d’Aigues-Mortes, port fluvial et maritime, contribue au développement des salines toutes proches. Les innovations techniques du XXe siècle ont permis la multiplication de l’étendue salante et ainsi l’augmentation de la productivité.
Depuis 1995, le salin est inscrit au titre des paysages à l’inventaire général du patrimoine culturel. Par ailleurs, le salin d’Aigues-Mortes a signé la charte Natura 2000 de Petite Camargue depuis 2005. Les producteurs reconnaissent ainsi les valeurs écologiques et patrimoniales exceptionnelles des habitats et des espèces en voie de disparition ou rares à l’échelle de l’Europe et s’engagent à les conserver. La production ainsi protégée représente 6 600 tonnes de sel de Camargue et 560 tonnes de Fleur de sel de Camargue par an.
Cette IGP fut obtenue de hautes luttes juridiques tant au niveau national qu’européen. Derniers combats : les paludiers de l’Atlantique (dont le sel de Guérande) se sont opposés à l’Indication géographique protégée Fleur de sel de Camargue (1).
La Camargue a su depuis longtemps protéger le terme magique et l’origine de ses produits.
Le premier fut le taureau de Camargue
Pour valoriser la typicité de la viande de taureau, les manadiers ont créé en 1992, l’association pour la promotion de la viande bovine de taureau de Camargue. En 1996, le Taureau de Camargue est devenu la première viande bovine française à bénéficier d’une Appellation d’origine contrôlée, AOC. Puis, pour une reconnaissance à l’échelle européenne, le Taureau de Camargue devient une Appellation d’origine protégée – AOP en 2001. Depuis des siècles, le taureau de Camargue vivant en totale liberté au sein des milieux naturels camarguais, fournit une viande goûteuse, tendre et peu grasse. La zone de production est large, plus ouverte avec 199 communes que la stricte Camargue mais la daube de taureau fut sauvée. (Cheptels en production : 16 000 têtes – Production AOC : 350 tonnes)
Les riz de Camargue
Le riz de Camargue bénéficie d’une indication géographique protégée (IGP) depuis 2000. L’indication géographique protégée est actuellement régie par le Cahier des charges IGP « Riz de Camargue » déposé par le Syndicat des riziculteurs de France et filière auprès de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO). Cela représente 110 000 tonnes de riz IGP de Camargue.
Vins : les Sables de Camargue
Difficile d’exister sans marque dans une vaste région littorale qui produit de longue date des vins gris. L’IGP Sables de Camargue défend une diversité des cépages et propose des vins singuliers. Les vins gris et gris de gris sont très différents des vins rosés classiques « avec une couleur pâle saumonée et un équilibre en bouche caractéristique mariant souplesse (absence de tanin), rondeur, fraîcheur (acidité) et des notes iodées liées à l’influence marine » plaide le syndicat des Vins Sable de Camargue. La bataille fut délicate car une partie du terroir est en Languedoc, une partie dans les Bouches-du-Rhône, mais les compromis l’ont emporté au grand profit des producteurs qui ont une marque IGP de référence.
Le foin de Crau et de Camargue
Produit par 260 exploitants agricoles sur 10 000 hectares de prairies sur la Crau, le Foin de Crau AOP, destiné au bétail (chevaux, vaches, chèvres…) et aux filières équines d’excellence en France et dans le monde, est reconnaissable par sa ficelle rouge et blanche. Labellisé en AOC et AOP en 1997, le Foin de Crau AOP est le seul aliment pour animaux en Europe à être labellisé AOP.
Le Foin de Crau AOP est garanti sans herbicide, sans désherbant ni conservateur avec un savoir-faire ancestral de l’irrigation gravitaire par submersion sur des prairies composées d’une vingtaine d’espèces de fleurs dont obligatoirement le fromental, le dactyle pelotonné, le trèfle violet des prés et le trèfle rampant.
Une protection de la production efficiente, un modèle ?
Ainsi ce petit bout de terre cette zone humide unique en Europe a su préserver ces productions grâce à des labels obtenus, après des années et des années de palabres de procès et de dossiers interminables, mais les producteurs peuvent ainsi valoriser une marque qui garantit un prix conséquent et qui protège le consommateur de toutes les usurpations.
Ce pourrait être un modèle pour les productions de notre territoire régional. Le savon de Marseille ou les santons de Provence ne sont toujours pas protégés et sont concurrencés par des produits venus de toute la planète et les productions agricoles du Vaucluse se sont banalisées par la production de masse laissant le champ libre à la concurrence nationale ou européenne. Pensons à la tomate du Vaucluse mise à mal par nos voisins italiens, le melon de Cavaillon concurrencé sur tous les étals par les produits charentais ou la fraise qui ne fait plus le poids faire aux concurrents espagnols.
Document source : le communiqué de l’INAO sur le sel de Camargue
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(1) La fleur de sel, d’une saline ou d’un marais, le marais salant, est la couche supérieure récoltée à la main du sel de mer recueilli par les saliculteurs. Ceux-ci raclent seulement la couche supérieure avant que les cristaux ne coulent au fond des grands marais salants.