Ex-maire des 9e et 10e arrondissements de Marseille, ex-président de la Soleam, et aujourd’hui député… Après avoir claqué la porte des Républicains et fait campagne pendant les législatives sous la bannière Renaissance (ex-LREM), Lionel Royer-Perreaut a fait en 2022 ses premiers pas à l’Assemblée nationale. Il fait un tour d’horizon de ses nouvelles responsabilités au sein du Palais Bourbon et revient sur les récentes venues ministérielles dans la cité phocéenne, liées entre autres au plan Marseille en grand et à la réforme de la Métropole.
Côté local, il reste impliqué dans la gouvernance de la mairie du 9-10, aujourd’hui dirigée par Anne-Marie d’Estienne d’Orves et a créé au sein du conseil municipal marseillais son propre groupe divers-droite, faisant sécession du bloc d’opposition de droite présidé par Catherine Pila. Alors que le conseil métropolitain de la mi-décembre se profile, Lionel Royer-Perreaut clarifie sa position sur l’échiquier politique local. Un entretien réalisé lundi 21 novembre.
Quels sont les dossiers sur lesquels vous travaillez actuellement à l’Assemblée ?
Lionel Royer-Perreaut : Je suis investi dans la commission de la défense et des forces armées, qui suit les avancées des travaux préparatoire pour la loi de programmation militaire, qui va être un des grands temps forts de la commission des lois. Je siège également au sein de la délégation parlementaire sur les collectivités territoriales qui se penchent en ce moment sur le sujet des finances locales, frappées par le contexte énergétique.
Enfin, je suis chargé d’une mission flash sur les polices municipales. L’objectif de cette mission est de faire un diagnostic sur la formation, le recrutement, et surtout la fidélisation des agents de police municipale. Cette mission devrait se traduire par une proposition de loi en 2023. En effet, les problématiques liées à la police municipale ne sont pas propres à Marseille : de nombreuses communes sont touchées. Tous les maires vous diront qu’ils rencontrent les mêmes difficultés. Ce sont les communes qui paient les formations, mais beaucoup d’agents décident de partir ailleurs une fois celles-ci achevées. L’idée est donc de faire en sorte que les communes qui ont financé les formations ne perdent pas leur investissement trop rapidement. Il faut aussi renforcer les attributions de la police municipale, lui donner plus d’autonomie par rapport à la police nationale. Mais pour l’instant, la mission vient tout juste d’être lancée, donc il n’y a pas de préconisations précises.
Le ministre de l’Education nationale Pap Ndiaye était à Marseille durant trois jours la semaine dernière. Quel était le but de cette visite ? Qu’en est-il ressorti ?
L. R-P : La venue d’un ministre n’est pas forcément synonyme d’annonces sonnantes et trébuchantes ! Elle montre que l’Etat est très impliqué dans le bon déroulé du plan Marseille en grand. Cinq milliards d’euros au total sont mobilisés pour le territoire. Cela constitue un effort hors du commun pour notre ville, que nous envient les autres. Pourtant, certains élus ont encore du mal à en prendre conscience…
Le ministre est venu dans une démarche démocratique, pour assurer le « service après-vote. » Nous sommes dans une ville expérimentale sur le plan éducatif avec les écoles laboratoires annoncé par Emmanuel Macron en septembre 2021. Certes, comme tout process qui démarre, celui-ci a besoin d’être affiné, notamment sur la gestion des temps scolaires. Certaines innovations pédagogiques peuvent empiéter sur les temps méridiens. Mais nous avons vu des choses intéressantes, telles que le laboratoire de mathématiques à l’école Menpenti (10e), qui séduit autant le personnel enseignant que les parents d’élèves.
La semaine prochaine, ce sera le ministre du logement Olivier Klein qui sera présent, ce qui est très positif. C’est normal d’avoir de nombreuses venues ministérielles : lorsque cinq milliards d’euros sont injectés, il faut s’assurer que tout se passe au mieux.
Vous déplorez que certains élus n’aient pas conscience de l’investissement du Gouvernement. Faites-vous allusion aux propos du maire de Marseille Benoît Payan lors de la venue d’Elisabeth Borne ? Le groupe Ensemble pour les Marseillais ! a en tout cas réagi par voie de communiqué pour critiquer cette sortie.
« Métropole : Nous avons trop longtemps laissé perdurer le système injuste d’une péréquation contre-péréquatrice »
Lionel Royer-Perreaut
L. R-P : J’ai réagi surtout sur la forme de ces propos. Je trouve la formulation particulièrement indélicate, face à une Première ministre qui mobilise cinq milliards d’euros sur le territoire métropolitain. Sur le fond, je peux comprendre que Benoît Payan soit excédé par la lenteur de cette réforme. Je lui ai d’ailleurs fait savoir lors du conseil municipal qu’il me trouverait toujours à ses côtés pour défendre l’intérêt des Marseillais. Il faut que la Métropole trouve une articulation qui permette d’avoir une meilleure équité au bénéfice de Marseille. Nous avons trop longtemps laissé perdurer le système injuste d’une péréquation contre-péréquatrice, qui laisse les communes riches s’enrichir et les communes pauvres s’appauvrir. L’aide de l’Etat est liée à cette nécessité.
Retrouvez la réaction de notre groupe “Ensemble, pour les Marseillais“ à la suite des déclarations du Maire de Marseille @BenoitPayan, après la visite de notre Première ministre @Elisabeth_Borne à #Marseille. ⤵️ pic.twitter.com/rnIPuz3yD2
— Ensemble, pour les Marseillais ! (@EnsemblePLM) November 14, 2022
Sophie Camard évoquait lors d’une conférence de presse pré-conseil métropolitain l’hypothèse d’un amendement dans la loi de finances pour contraindre la Métropole à mettre en place un système plus juste. Est-ce le cas ?
L.R-P : Il faut faire preuve de maturité politique et ne pas perdre de vue le principe de libre administration des territoires inscrit dans la Constitution. Si l’on veut montrer à l’Etat que nous sommes capables de gouverner ce territoire, il nous faut fixer des règles équitables. Chacun doit faire des efforts. Avant de solliciter l’Etat, les communes doivent prendre le temps de la concertation, faire comprendre que l’ancien temps est révolu. Il faut aller vers ce qui se fait dans toutes les intercommunalités : les communes les plus aisées aident celles qui sont plus à la peine. Et puis, si nous n’y arrivons pas, le maire de Marseille détient de toute façon une “arme nucléaire” : son droit de veto qui, s’il en usait, aurait pour conséquence de faire remonter l’ensemble des compétences de toutes les communes vers la Métropole. C’est un argument qui devrait convaincre les communes de prendre un chemin plus juste.
« Un amendement dans la loi de finances serait un échec pour la Métropole »
Lionel Royer-Perreaut
En dernier recours, si aucun accord n’est trouvé, le législateur prendra des résolutions. Une réflexion est effectivement menée pour créer un amendement inspiré des préconisations de la Chambre régionale des comptes (CRC) et qui permettrait de mettre en place une véritable dotation de solidarité communautaire (*). Ce mécanisme instauré par la loi serait lissé sur plusieurs années, donc indolore. Mais cela pourrait aussi bien être porté en conseil métropolitain. Si l’Etat intervient, je jouerai pleinement mon rôle de député marseillais pour défendre l’intérêt des Marseillais. Mais ce serait un échec cuisant pour la Métropole.
Vous avez créé récemment votre groupe divers droite au sein du conseil municipal. Comment voyez-vous ce groupe évoluer ? De nouveaux membres vous ont-ils rejoint depuis ?
On se rend compte que deux ans après l’arrivée du Printemps Marseillais, il n’y a pas vraiment de capacité d’action
Lionel Royer-Perreaut
L. R-P : Non, il n’y a pas de nouveaux membres. J’ai rencontré plusieurs élus, je ne me replie pas sur moi-même et je parle avec tout le monde. Nous sommes quatre ans avant l’échéance municipale, donc ne voyez pas de manoeuvre politique dans la création de ce groupe. Il est trop facile de caricaturer ma position comme un acte de dissension personnel. Je voulais simplement apporter une opposition différente au groupe de Benoît Payan. Nous avons un positionnement central : il y a des points que nous cautionnons et d’autres sur lesquels nous revendiquons notre opposition, notamment en matière de sécurité et d’aménagement urbain. On se rend compte que deux ans après l’arrivée du Printemps Marseillais, il n’y a pas vraiment de capacité d’action qui se dégage, ni de vision pour accompagner le développement de la ville.
Vous vous revendiquez comme un groupe divers-droite et pas macroniste. N’y a-t-il pas un doublon avec le groupe dirigé par Catherine Pila ?
L. R-P : Pas du tout. Voyez la majorité municipale : elle est plurielle et pourtant, elle fonctionne. Il en va de même à l’Assemblée nationale, où la majorité est composée de Renaissance, mais aussi d’Horizons et d’autres partis. La droite dans sa pluralité est une force : je récuse le terme de division. La seule frontière, ce sont les extrêmes. Or, certaines prises de positions récentes ont pu témoigner d’un rapprochement entre Les Républicains et Reconquête, et que personne ne condamne. Je l’ai constaté moi-même au sein du conseil d’arrondissement des 9-10 : le candidat UDI opposé à Anne-Marie d’Estienne d’Orves a obtenu les soutiens des élus Reconquête.
Comptez-vous renouveler la démarche au sein du conseil métropolitain, où la droite est majoritaire ?
L. R-P : Je serai cohérent avec moi-même, dans la continuité de ma démarche. En étant élu député de la majorité présidentielle, il ne serait pas cohérent que je reste dans la même situation qu’aujourd’hui. Je n’avance pas masqué. Quand je prends une décision, je l’assume. Néanmoins, je ne suis pas dans la volonté de créer un nouveau groupe car le débat métropolitain est un débat plus transpartisan et transfrontalier. Cela aurait peu de sens de créer un groupe uniquement marseillais au sein de l’hémicycle métropolitain.
Vous avez récemment interpelé la présidente de la Métropole Martine Vassal sur le cas du boulevard Urbain Sud, dont les travaux n’avancent pas. Vous demandez notamment l’activation de la déclaration d’utilité publique (DUP) qui pourrait impliquer des expropriations y compris de la Ville de Marseille…
« Concernant le boulevard Urbain Sud, je veux provoquer une prise de conscience et de position »
Lionel Royer-Perreaut
L. R-P : C’est le principe de la DUP, qui permet les expropriations de biens publics comme privés. Le Conseil d’Etat a prorogé et confirmé cette DUP, malgré les contestations, nous avons donc le droit pour nous. Je suis favorable au fait de trouver des solutions amiables : j’avais proposé à Martine Vassal de créer une trémie souterraine, avec d’éventuels co-financements de l’Etat, mais elle a refusé. Je demande donc que chacun prenne ses responsabilités, faces aux 30 000 personnes engluées chaque jour dans les embouteillages. Je veux provoquer une prise de conscience et de position. Je comprends la nécessité de faire un ouvrage adapté aux enjeux du territoire et, pour cela, je privilégie l’option de la trémie. A un moment, il faut sortir du blocage et avancer : Madame Chaboche nous explique qu’il faudra construire prochainement 4500 logements par an sur la ville. Or, cela est impossible dans ce quartier tant que l’on ne peut pas circuler.
Après votre élection en tant que député, vous avez quitté votre fonction de président de la Soleam. Que pensez-vous de votre successeur pressenti (question posée avant le vote de la Soleam, ndlr) Yves Moraine ?
L. R-P : Lorsque je quitte une fonction, je ne me retourne jamais et n’ai pas d’appréciation à donner sur mes successeurs. M. Moraine a déjà exercé la fonction de président de la Soleam. La véritable question est de savoir comment restructurer un outil qui corresponde aux ambitions de notre territoire. Il y a un véritable lien de confiance à créer, pour faire de la Soleam un aménageur reconnu. Il faut arrêter de créer des outils à chaque fois qu’un besoin se fait sentir…
Concernant la rénovation du bâti marseillais (opérée en partie par la SPLA-In, ndlr), je pense qu’une structure répondant aux besoins de la ville comme de la Métropole aurait été une meilleure option. Mais c’est un avis personnel. Idem pour la structure qui dirige la rénovation des écoles marseillaises (Spem) : qui dit que les autres écoles du territoire ne sont pas intéressées ? Il faut un outil qui serve pour tout le territoire.
Propos recueillis par Julie Rampal-Guiducci
(*) Jusqu’alors cette DSC était intégrée dans les attributions de compensations, dont le montant diverge en fonction des communes. Le fait d’instaurer une DSC aurait donc pour conséquence de réduire les attributions, raison pour laquelle de nombreuses communes y sont opposées.
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