Provepharm vient d’obtenir l’autorisation de la Food and Drug Administration (FDA) pour produire ses médicaments pour les Etats-Unis dans sa nouvelle usine de Château-Gombert (13e arr. de Marseille). Un feu vert qui lui offre une autonomie sur la production que la société n’avait pas jusqu’à présent. Son P-dg et fondateur Michel Féraud explique sa stratégie.
Les autorités américaines viennent de vous autoriser à produire pour leur marché depuis votre site de Marseille. Pourquoi est-ce si important pour Provepharm ?
Michel Féraud : En 2019, nous avons inauguré une nouvelle usine sur notre site historique de Château-Gombert. Cela représente un investissement de neuf millions d’euros sans compter les embauches qui en découlent. Cette installation a rapidement obtenu la certification de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour la production de ses propres principes actifs à destination des pays européens. Mais aujourd’hui, les Etats-Unis sont notre principal marché. L’autorisation de la FDA est donc cruciale. Jusqu’à présent, nous commercialisions des produits fabriqués à 100 % en sous-traitance. Désormais, nous pouvons réaliser nous-mêmes les principes actifs des produits existants mais également ceux des futurs produits à venir. C’est une internalisation des développements et de la production. Cela nous permet de sécuriser la chaine de production et de gagner en indépendance. Beaucoup de mes collègues fabriquent en Asie. Ils sont donc dépendants de la volonté du producteur de ce pays. Parfois, leurs produits ne sont plus prioritaires et le Covid-19 a révélé les risques en cas de rupture d’approvisionnement. Aujourd’hui, la maîtrise de la production est essentielle pour grandir. Nous ne sommes plus la petite société de recherche et développement d’il y a vingt ans. Avec notre nouvelle usine, nous gagnons en maîtrise, en rapidité et sommes capables de répondre à une augmentation de la demande.
C’est un projet de relocalisation de la production. Avez-vous profité du plan de relance ?
Michel Féraud : Oui, nous avons été lauréat de l’appel à projets « soutien à l’investissement dans des secteurs stratégiques pour la résilience de notre économie ». Au total, on a présenté un programme d’investissement de 1,5 million d’euros pour le renforcement de la production et contrôle qualité sur la nouvelle usine et le plan de relance a apporté une subvention de 50% environ.
Une nouvelle usine et des bureaux pour suivre l’évolution de la production et la croissance de l’entreprise
Michel Féraud
Vous avez annoncé une levée de fonds de 120 millions d’euros en septembre dernier. Va-t-elle servir à augmenter encore plus les capacités de production Provepharm ?
Michel Féraud : Nous avons effectivement décidé d’aller chercher de l’argent en anticipation pour nos futurs développements. Notre précédente levée nous a permis de lancer la construction de l’usine désormais opérationnelle. En ce moment, je suis en train d’acheter un terrain de 9 000 mètres carrés (contre 6 000 mètres carrés pour l’usine actuelle) sur Château-Gombert, juste à côté du siège. Les négociations sont en cours avec la Soleam (la société locale d’aménagement de l’aire métropolitaine). On va y construire une nouvelle usine et des bureaux pour suivre l’évolution de la production et la croissance de l’entreprise. Notre calendrier prévoit une livraison du bâtiment dans trois ans.
Désormais, on regarde plusieurs cibles en Europe pour se doter d’un réseau commercial qui couvrira le continent.
Michel Féraud
Cette levée de fonds peut-elle également financer des croissances externes ?
Michel Féraud : Cela fait aussi partie de notre stratégie. Fin 2020, on a finalisé le rachat de l’américain Appolo qui nous offre une force commerciale importante pour les Etats-Unis, ainsi que de nouveaux médicaments en portefeuille. Désormais, on regarde plusieurs cibles en Europe pour se doter d’un réseau commercial qui couvrira le continent. On aimerait en plus que ce rachat nous apporte de nouveaux produits qui complètera notre gamme actuelle. Si en plus, cela nous apporte des capacités de production supplémentaires pour sécuriser encore plus l’approvisionnement, ce serait très bien. J’espère concrétiser cette croissance externe l’année prochaine.
Provepharm dispose aujourd’hui de 12 produits en catalogue dont son médicament phare, le bleu de méthylène. Travaillez-vous sur de nouveaux produits ?
Michel Féraud : Evidemment. Nous investissons chaque année plus du quart de notre chiffre d’affaires en recherche et développement. C’est notre cœur de métier. Et on regarde comment réhabiliter des produits oubliés ou mal utilisés comme le bleu de méthylène. On a investi 15 millions d’euros sur des études cliniques pour remettre au goût du jour certains produits. Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment mais on espère obtenir l’approbation de la FDA l’an prochain pour un nouveau produit très intéressant. Notre dossier est plutôt bien engagé. A plus long terme, d’autres produits viendront également compléter notre portefeuille d’ici deux ou trois ans environ.
Outre les nouveaux principes actifs, de nouvelles indications thérapeutiques sont-elles possibles pour les produits existants ?
Michel Féraud : Le bleu de méthylène est aujourd’hui bien placé sur les empoisonnements du sang et comme antipaludéen mais nous travaillons effectivement sur de nouvelles indications. Nous étudions également une nouvelle application pour un des produits que nous avons racheté. Cela concerne les soins pour les très grands prématurés, c’est un très petit marché mais cela concerne encore un médicament orphelin qui n’existe pas et nous serons les seuls à le dispenser avec une exclusivité au début.
Avec le rachat d’Appolo, vous vous êtes doté d’une force commerciale en interne pour les Etats-Unis. Qu’en est-il en France et en Europe ?
M. F. : Comme pour la production, on a souhaité reprendre la main sur la commercialisation avec nos propres forces de vente un peu partout. En France, on a construit une force de vente qui est en direct depuis 18 mois avec les hôpitaux et les médecins qui sont les utilisateurs finaux. Cette stratégie porte ses fruits car nous avons doublé le chiffre d’affaire réalisé en France avec un produit, le bleu de méthylène, qui est sur le marché depuis près de dix ans. On a constitué un board de pharmaciens qui nous permet de mieux expliquer l’utilisation et les vertus de notre produit.
Au final, le marché national représente un chiffre d’affaires de deux millions d’euros. On est aussi en train de monter une joint-venture avec un partenaire allemand pour vendre en direct sur le nord de l’Europe. Les Etats-Unis représente toujours la très grande majorité de notre activité, près de 90%. Au total, Provepharm va réaliser un chiffre d’affaires de 65 millions d’euros en 2021, soit une croissance de plus de 30% sur un an. Et nos effectifs suivent à peu près sur la même évolution. Nous avons embauché une trentaine de personnes l’an dernier. Nous sommes désormais 120 salariés dont une vingtaine aux Etats-Unis.
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