En avril dernier, la ville de Marseille a été sélectionnée par la Commission européenne, parmi 377 communes en compétition, pour participer au programme des « 100 villes neutres pour le climat d’ici 2030 » – le dispositif vise à soutenir et promouvoir les efforts de cent territoires modèles. Mais le pari marseillais est loin d’être gagné. La mission européenne s’apprête en effet à entrer dans sa deuxième phase. Et seules 30 villes y ont accès. Cette nouvelle vitrine, sur laquelle Bruxelles veut capitaliser, disposera notamment d’un accès privilégié à de nouveaux guichets européens. La short list sera connue début 2023. Pour décrocher les millions bonus, le projet marseillais devra être « ambitieux, cohérent et pragmatique », juge la Ville.
La mairie a invité jeudi, à l’espace Bargemon (2e), les 150 partenaires de sa candidature pour une première réunion au sein de l’hémicycle municipal. Parmi eux, des acteurs publics, comme la Région, des privés, comme Sereny Sun, et des associatifs. À noter l’absence de Martine Vassal, la présidente de la Métropole, pourtant un acteur clé du projet. Main dans la main avec Renaud Muselier, le président de Région, Benoît Payan mobilise ses troupes. Le maire de Marseille veut « commencer à travailler sur des actions pilotes ». Avec l’appui de Bruxelles, il imagine sa ville « à l’avant-garde de l’action climatique ».
En deux ans, la mairie se targue d’avoir économisé deux millions d’euros sur l’éclairage public, et annonce un million d’euros d’économie cet hiver sur le chauffage de ses bâtiments. Par ailleurs, Benoît Payan promet de partager dans les prochains jours un plan municipal de sobriété énergétique « sans précédent ».
Marseille doit présenter un plan d’investissements de neuf milliards
Pour être retenue, Marseille doit monter un plan d’investissements conséquent. La Commission européenne estime que sur huit ans, un territoire doit mobiliser 10 000 euros par habitant pour se décarboner franchement, en réduisant de 75% ses émissions de gaz à effet de serre. À Marseille, cet effort correspond donc à un investissement global de neuf milliards d’euros. « On parle de sommes considérables (…) les choses sont extrêmement compliquées, reconnaît Benoît Payan. Mais l’édile ne baisse pas les bras : « c’est possible ». Il veut à Marseille « faire face à ceux qui font leurs profits sur le dos de la planète ».
Son adjoint en charge du dossier, Fabien Perez, est plutôt confiant. « Les financements vont découler de la pertinence de nos projets », affirme l’élu. Selon lui, si les chantiers sont « crédibles », la Commission apportera son expertise et en financera une partie, « à hauteur de 50, 60 ou 80% » – estimation issue d’un précédent entretien accordé à Gomet’. « Il n’y a pas de plafond », ajoute-t-il. Fabien Perez compte tout de même sur un soutien des ministères, de Bpifrance, de la Région, du Département ou encore de la Métropole pour donner un élan économique supplémentaire à la candidature marseillaise.
Et le jeu en vaut la chandelle. Si Marseille va au bout, et décroche les millions supplémentaires du top 30, Fabien Perez évoque « pourquoi pas » la création d’un troisième métro, ou encore l’apparition de nouvelles éoliennes flottantes. En début d’année, la mairie mentionnait 17 projets phares, dont la réhabilitation de la moitié des bâtiments universitaires AMU, et la création de nouveaux récifs artificiels. À noter que le grand plan écoles, piloté par la mairie et par l’État, ainsi que la modernisation de la gare Saint-Charles font également partie des arguments marseillais.
Les cinq priorités de Marseille
1. Le transport et la mobilité
2. La décarbonation du parc immobilier
3. La nature urbaine
4. L’inclusion citoyenne
5. L’innovation
La mise en œuvre des cinq priorités sera pilotée par des établissements publics, des sociétés publiques ou des sociétés à économie mixte. On retrouve ainsi la SPLA-IN des écoles (Spem) et celle de l’habitat pour les projets en lien avec le bâti. Le groupement d’intérêt publique (GIP) Aix-Marseille Provence mobilités pour le transport. La SEM Energies, dont le montage est en cours, s’occupera de la production d’énergie décarbonée. Le grand port (GPMM) pour l’aspect industrie, et enfin le tandem Ville – Parc national des calanques pour relever les défis liés à la protection de la nature.
Huit commissions pour un contrat de ville
Pour mettre toutes les chances de son côté, la Ville lance huit groupes de travail thématiques, chacun piloté par un adjoint au maire. Ces commissions, composées des partenaires de Marseille, devront avancer main dans la main, et être force de propositions, pour accoucher d’un « contrat de ville ». Sorte de feuille de route, comprenant le plan d’actions, et son reflet, le plan d’investissements. Une première version sera remise à la Commission européenne en décembre prochain. Le document sera révisé et adapté chaque année jusqu’en 2030.
Les huit groupes de travail et leur rapporteur :
– Transport et logistique – Audrey Gatian
– Nature en ville – Nassera Benmarnia
– Décarbonation des bâtiments – Pierre-Marie Ganozzi
– Éducation sensibilisation – Pierre Huguet
– Mer et littoral – Hervé Menchon
– Agriculture urbaine et alimentation – Aïcha Sif
– Transition écologique – Sébastien Barles
– Économie circulaire et déchets – Christine Juste
À Marseille, selon la mairie, le transport est le secteur le plus émetteur de GES (38% des émissions). Fabien Perez estime d’ailleurs qu’au delà des grands chantiers, la neutralité carbone passera surtout par un changement de philosophie générale, un changement de pratiques, notamment des habitants. C’est pourquoi le projet marseillais se dessinera en « co-construction avec les citoyens », avec l’apparition dans les prochaines semaines d’une commission citoyenne : l’Assemblée du futur – composée de membre de la société civile. Le dernier acteur de cette gouvernance est le comité scientifique, co-piloté par Aix-Marseille université (AMU). En mobilisant son expertise, il participe lui aussi aux orientations du contrat de ville climatique.
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