Pierre Joubert, directeur général de Région Sud Investissement, répond aux questions de Gomet’ à l’occasion de la sortie de notre baromètre annuel des levées de fonds réalisé en partenariat avec le cabinet Crowe Ficorec et Région Sud Investissement.
2021 est une année où l’on aurait pu s’attendre à une période de basses eaux, or nous relevons un chiffre conséquent de levées de fonds retrouvant presque le niveau de 2019 : les start-up ont bossé et les acteurs du haut de bilan ont bossé…
Pierre Joubert : C’est vraiment une année historique pour Région Sud Invest au niveau du montant investi et du nombre de dossiers. Mais les chiffres sont plus équilibrés que les autres années entre l’amorçage, le capital-risque, le capital développement.
Le capital-risque est plutôt déserté aujourd’hui par les fonds. Ils sont plus présents sur le capital développement. Tant que la société n’est pas rentable, il est rare de trouver des fonds privés capables de co-investir avec nous. Nous avons fait le job, nous finançons des sociétés, qui commencent à faire du chiffre d’affaires sans être encore rentable, avec des tours de table relativement importants. Je pense à Nawa Technologies, qui est dans le palmarès. Il y a eu de très grosses levées : nos premiers investissements arrivent à une certaine maturité, là où il y a de l’investissement industriel et ça, c’est intéressant. La projection en termes d’emploi devrait être très satisfaisante.
Nous touchons les résultats d’une politique qui a débuté par l’amorçage, puis nous avons suivi l’entreprise dans ses levées suivantes. Nous commençons à récolter les fruits de cette politique industrielle, nous avons accentué de manière forte cette priorité et nous privilégions le financement de l’industrie.
Quid de l’amorçage qui reste un besoin évident ?
P. J. : Nous avions un fond sur cinq ans. Pendant des années, le fonds a beaucoup financé l’amorçage. Nous avons démarré très fort sur l’amorçage et nous avons continué à en faire. Nous sommes aujourd’hui au stade de la preuve de concept, mais nous étions très en retard sur nos objectifs en capital développement et en capital-risque. En 2021, nous avons eu beaucoup de projets en capital-risque. C’est un signe de maturité des entreprises que nous avions commencé à financer, nous les avons connues très tôt !
Quels sont les secteurs en pointe ?
P. J. : Les biotechs, comme Provepharm, et le numérique sont dominantes. Mais il y a aussi l’industrie avec beaucoup de numérique pour l’industrie : ce qu’on appelle l’Industrie 4.0. La digitalisation impacte les métiers traditionnels.
Par contre il semble que les cleantech peinent à trouver des fonds…
P. J. : C’est, je pense, conjoncturel. Il y a de plus en de fonds à impact qui se bousculent pour intervenir sur ce type de société. Ces fonds ont des visions à plus long terme.
Comment se présente 2022 ?
P. J. : Ce sera une année charnière. Nous avons un nouveau fonds, pour aider les sociétés qui ont été en difficulté conjoncturelle pendant la crise sanitaire. RSI React EU pour objectif de consolider les fonds propres des entreprises de la région inscrites dans une dynamique de croissance, en capacité de rebondir, mais impactées par la crise sanitaire Covid-19. Le produitRSI React EU implique une prise de participation au capital des PME à travers des tickets allant de 200 000 euros à deux millions par cible.
C’est un fonds de transition, que sera la suite ?
P. J. : Nous allons monter un gros fond avec plusieurs années d’investissement. Nous l’appellerons RSI 3, dans la suite de nos fonds précédents. Il n’aura pas strictement la définition d’un fonds à impact, mais il sera orienté effectivement sur tout ce qui est « plan climat ».
La réindustrialision fait-elle partie des priorités ?
P. J. : Bien sûr, nous avons beaucoup de projets aujourd’hui autour effectivement d’unités industrielles. Nous avons eu énormément de demandes à la fois pour faire du stock, mais surtout pour faire de la production locale. Maintenant, les entreprises traitent souvent en interne ce qui était externalisé. Les entreprises investissent pour racheter des équipements industriels, on crée de la valeur davantage en local.
Ce sont de gros investissements, les entreprises et les fonds peuvent-ils suivre ?
P. J. : Ça dépend. Il peut y avoir aussi des TPE PME qui font des petits investissements. Il faut reprendre la création de valeur, relocaliser certaines opérations, mais on ne peut pas tout relocaliser. Il ne faut pas avoir l’illusion que nous serons les Gaulois de demain et que l’Hexagone se survivra en autarcie. Mais c’est vrai qu’il y a beaucoup de choses qui peuvent être réinternalisées et qui peuvent, et doivent être fabriquées ici.
DOSSIER : le baromètre des levées de fonds 2021 Crowe Ficorec – Région Sud Investissement
« La pandémie, la guerre, l’inflation dérégulent notre économie »(Alain Lacroix)
« Nous privilégions le financement de l’industrie et du plan climat » (Pierre Joubert, RSI)
[Analyse] 2021 : une belle année pour les levées de fonds sur notre territoire (Matthieu Capuono, Crowe Ficorec)
Baromètre des levées de fonds 2021 : le temps des millionnaires !