Les voies de chemin de fer ne servent pas qu’à faire circuler les trains. Transitant dans 11 000 communes françaises, ces voies ferrées sont longées par près de 20 000 kilomètres de câbles contenant des fibres optiques. Depuis 2021, c’est la toute jeune start-up Terralpha, fondée en mai 2021, qui gère ce réseau de fibre optique pour le compte de la SNCF et dessert actuellement une quinzaine de PoP (points of presence) sur la totalité du réseau français.
Nouvelle étape : Marseille, nœud névralgique qui permettra par la suite à Terralpha de relier Nice à Bordeaux. Pour son arrivée dans la cité phocéenne, Terralpha s’est alliée à l’opérateur de datacenter Telehouse, qui existe depuis vingt ans mais ne s’est implanté à Marseille qu’en 2021. L’entreprise, filiale du groupe japonais KDDI, met ses datacenters au service de la connexion inter entreprises et affiche un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros en France. Telehouse occupe actuellement un des datacenters du campus Jaguar Network à Marseille (16e), baptisé THM1. Cette nouvelle liaison Paris-Marseille, en service depuis mai 2022, a été officiellement inaugurée ce jeudi 9 juin à l’hôtel Sofitel de Marseille.
Paris-Marseille en 8,38 millisecondes
Quel intérêt de faire passer des fibres par les voies ferrées ? Tout simplement car cela permet de tracer un chemin plus direct pour la donnée, sans avoir à faire de détour. « Pour développer des infrastructures réseaux, deux choix s’offrent à vous : soit vous passez par des terrains privés et êtes alors obligé de négocier avec chaque propriétaire pour creuser des tranchées ; soit vous trouvez un propriétaire unique qui dispose d’un terrain très long et étroit », détaille Hervé Legay, directeur marketing de Terralpha. Dans cette mesure, les raisons ayant poussé Telehouse à s’allier à la SNCF apparaissent en effet plus compréhensibles.
Résultat : le temps de latence entre les deux villes s’en trouve fortement diminué, plus spécifiquement à 8,38 millisecondes pour effectuer un aller retour entre le datacenter TH2 Voltaire, de Telehouse – « quatrième datacenter le plus connecté du monde » selon Telehouse et situé à Paris – et le THM1 de Marseille. « Un record ! », se réjouit Gabriel Chenevoy, CEO de Terralpha.
Surtout, il s’agit d’une infrastructure souveraine : les voies de chemins de fer appartenant à la SNCF et donc à l’Etat français, ce dernier a la main sur le contrôle des infrastructures. Autre avantage : il s’agirait d’une solution peu coûteuse. En effet, Terralpha bénéficie de l’investissement réalisé par la SNCF d’1,5 milliard d’euros pour déployer la fibre optique le long de ses rails. La startup loue ainsi ces infrastructures – à l’instar d’autres entreprises du numérique – pour un coût « minime », bien qu’elle souhaite rester discrète sur le montant exact de cette location. « La SNCF a posé ces câbles nécessaires au fonctionnement des trains. Or, un câble comprend en moyenne 72 fibres optiques et toutes ne sont pas en service. Ce sont ces fibres que nous utilisons pour transporter de la data », poursuit Hervé Legay. Troisième partie au partenariat, l’entreprise FranceIx, premier fournisseur de peering en France, met pour sa part à disposition des points d’interconnexions locaux afin de permettre les échanges entre différents fournisseurs d’accès internet et joue ainsi un rôle dans l’amélioration des flux de données.
Terralpha poursuit l’objectif de développer ce type de service ultra haut débit dans cent villes françaises d’ici 2023. A noter que les voies ferrées ne sont pas les seules infrastructures utilisées pour le transport de données : des autoroutes et les voies navigables sont également longées de câbles optiques.
Marseille, un « trésor» numérique
Marseille est la quatrième ville française investie par la firme asiatique après Paris, Francfort et Londres et représente 250 millions d’euros d’investissement, sur un plan total de cinq milliards d’euros consacrés à son implantation en Europe.
Mais Telehouse n’est pas le seul opérateur de datacenters implanté dans la cité phocéenne. Interxion a déjà bien balisé le terrain avec ses cinq datacenters, de même que Jaguar Network, bien que ces derniers soient partenaires de Telehouse. Une « concurrence vertueuse » pour le CEO de Telehouse Samy Slim. En effet, « l’intérêt d’avoir des datacenters concurrents sur un même territoire crée des possibilités de multiplier les liens télécoms. Ainsi, si un problème survient sur un câble, il est possible de basculer sur un autre. Cela apporte de la sécurité à la proposition numérique », souligne-t-il.
Depuis quelques temps déjà, Marseille attire les entreprises du numérique. La raison ? Ses quatorze câbles sous-marins la reliant à 43 pays dans le reste de l’Europe, l’Afrique ou encore le Moyen-Orient et prochainement l’Afrique avec l’arrivée d ‘un quinzième câble : Peace qui sera mis en service courant 2022. Long de 12 000 km, il reliera l’Afrique en passant par Marseille. Deux autres câbles sont également en cours de construction : Africa1 (mise en service fin 2023) qui connectera la France, l’Afrique, l’Italie mais aussi l’Arabie Saoudite ; et 2Africa, projet initié par Facebook, pour interconnecter la Grande-Bretagne, le Cap de Bonne-Espérance au sud de l’Afrique et qui remontera vers la Méditerranée, en passant par la mer Rouge.
Telehouse veut recruter cinquante techniciens
La firme japonaise, présente dans 45 villes dans le monde, ne compte pas se limiter à un datacenter dans la cité phocéenne et cherche actuellement des sites pour en implanter de nouveaux, à Marseille et ses alentours. Dans cette optique, Telehouse prévoit un plan de recrutement d’une cinquantaine de personnes à Marseille possédant un profil de technicien « peu ou pas qualifiés, qui seront formés au métiers de la fibre : soudeur de fibre optique, technicien télécom ou data … » précise Samy Slim. Selon le CEO de Telehouse, ces recrutements devraient générer quatre fois plus d’emplois indirects.
Marseille sera donc bientôt pourvue de 17 câbles sous-marins. « Cette ville est un trésor numérique pour le monde et pour la France car c’est une porte ouverte sur la Méditerranée. Ces câbles vont chercher des utilisateurs partout. Grâce à eux, la France peut faire le lien entre les hémisphère nord et sud du pays », s’enthousiasme Samy Slim. En s’implantant ici, Telehouse dit s’inscrire dans l’objectif de hisser Marseille dans « le top 5 des villes connectées », où elle occupe actuellement la 7e place.
Liens utiles :
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