Marseille et sa région est-elle attractive pour de nouveaux fonds français et étrangers ?
P.J : Oui, clairement. La région attire de plus en plus de fonds extérieurs au territoire. Nous sommes passés l’an dernier de 46% à 68% de co-investisseurs venant d’ailleurs. Cela démontre la force de nos projets et une meilleure visibilité de l’activité économique de la région. Nous sommes la troisième meilleure française en capital-investissement selon le classement Cfnews, la référence. Notre région est attractive pour tous les types de fonds car nous ne sommes pas mono-activité comme d’autres. Nous avons les énergies, l’économie de la mer, la santé, le numérique, les industries du futur… Nous pouvons prendre des risques ici car nous pouvons les diversifier. Nous avons constaté une hausse d’attractivité de la Région. Il y a eu trois fois plus d’entreprises exogènes qui sont venues s’installer ici l’an dernier. Et le fait d’avoir un outil comme Région Sud Investissement qui intervient en haut de bilan permet d’attirer ces sociétés. Notre écosystème est devenu très performant. Sur l’ensemble de nos dossiers, nous relevons que 40% des entreprises travaillent en amont avec des laboratoires de la Région et en aval avec les grands groupes et les ETI. Cela permet de concrétiser les projets avec une mise sur le marché plus rapide. Et plus nous allons vite, plus l’entreprise gagne de l’argent. Notre baromètre révèle une prédominance des secteurs santé et numérique dans les opérations réalisées en 2020.
Région Sud Investissement se concentre-t-il sur certaines filières plus porteuses que d’autres ?
P.J : Nous n’avons pas de thématique particulière, un beau projet reste un beau projet. Mais il est vrai que le numérique a toujours été un secteur particulièrement fort avec un gros appétit pour les capitaux. Ce qui change depuis quelques années, c’est que nous étions avant très orientés sur le software, les logiciels mais depuis quelques temps, il y a de plus en plus de sociétés plus industrielles qui viennent s’implanter, avec des projets sur des nouveaux matériaux par exemple. Nous avons financé pas mal de projets sur ces thématiques et nous allons continuer. Sur la santé, il y a effectivement de très beaux projets dans la région. Mais dans les biotechnologies par exemple, les montants des levées sont très importants et dépassent souvent nos capacités. Nous n’investissons pas plus de deux millions d’euros dans un projet et sur une opération à 20 ou 40 millions, nous n’avons pas toujours notre place. Par contre, sur les medtech, les dispositifs médicaux, nous sommes davantage présents. L’an dernier, avec la crise sanitaire, il y plusieurs de nos sociétés de diagnostic qui ont apporté une réponse pertinente aux besoins. Je pense par exemple à C4Diagnostics qui a réalisé les fameux tests Covid-19 pour les marins-pompiers.
Quelle est la particularité d’un fonds comme Région Sud Investissement ?
P.J : Notre rôle, c’est de prendre des risques. Nous ne sommes pas là pour financer des dossiers que le secteur privé a plus de facilité à financer. Si les projets arrivent à trouver de l’argent facilement dans le privé, nous n’avons pas de plus-value à apporter. Nous sommes tout de même un fonds institutionnel avec un actionnaire public et notre rôle est d’intervenir auprès des projets qui ont du sens pour la région. Après nous restons une société de droit privé. Nous ne cherchons pas à gagner de l’argent mais nous ne voulons pas en perdre non plus. Nous devons faire très attention à la manière dont nous dépensons notre argent. La crise nous rappelle plus que jamais que chaque euro compte. Nous sommes sur un modèle vertueux qui nous oblige à réutiliser l’argent généré dans l’économie réelle. La crise sanitaire a révélé un problème de souveraineté sur des industries productives.
Comment votre fonds peut-il contribuer à leur relocalisation ?
P.J : Nous voyons effectivement arriver de plus en plus de dossiers sur des vrais projets industriels avec des emplois pérennes. Et cela concerne des activités sensibles où la France a délocalisé une grosse partie de l’emploi pendant des années. La microélectronique, la santé… Nous avons de plus en plus d’industriels qui veulent financer du stock. Nous découvrons une vraie problématique d’approvisionnement. Ensuite, c’est la volonté de relocaliser la production en France et dans la Région. Problème : quand vous partez de zéro, c’est très compliqué de trouver des financements car vous êtes encore en amorçage mais votre projet demande très vite beaucoup d’argent. Ces projets sont de plus en plus nombreux à venir nous voir et c’est un sujet qui nous intéresse car ils sont générateurs d’emplois. Je précise cependant qu’il faut être attentif à proposer un projet compétitif sur le marché. Nous ne voulons pas relocaliser pour le principe avec des plans qui ne tiennent pas la route économiquement parlant. Ces projets attirent des fonds institutionnels spécialisés notamment dans la microélectronique qui ne venaient pas, nous pouvons donc co-investir dans l’intérêt du territoire.
Baromètre des levées de fonds 2020. Notre série :
[Verbatim] Matthieu Capuono : « L’expert-comptable, co-pilote de la levée de fonds » (3/4)
Alain Lacroix, Région Sud Investissement : « La région Sud, une Californie en devenir » (2/4)
Baromètre des levées de fonds 2020 : l’investissement résiste à l’épidémie (1/4)
Liens utiles :
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