J-5 avant l’audience prévue le 7 juin au tribunal de commerce de Bobigny pour la cession du groupe La Provence-Corse-Matin. « Le juge-commissaire doit prendre ses responsabilités » martèlent les représentants du personnel des six CSE « inquiets » et « en colère » depuis le référé déposé par l’actionnaire minoritaire (11%) Xavier Niel, patron d’Iliad,le 25 mai. Il s’oppose au vote rendu lors du dernier conseil d’administration en faveur de l’offre de Rodolphe Saadé, PDG de la compagnie CMA CGM.
Une situation économique « très inquiétante »
La situation est urgente. Le référé de l’actionnaire minoritaire « peut ralentir la procédure de cession du groupe » engagée depuis l’automne dernier. Si le juge-commissaire du tribunal de Commerce de Bobigny, Richard Metzger, n’acte pas la cession du groupe La Provence au groupe marseillais CMA CGM alors « on pourra encore attendre six à huit mois » s’étouffe Julia Sanguinetti, secrétaire du CSE de Corse-Matin pub traduisant le ras-le-bol des salariés. Or, le report de décision pourrait accentuer les difficultés du groupe La Provence dont la santé économique est « très inquiétante à court terme » rappellent les représentants des six CSE.
« Il n’y a plus de management, plus de stratégie. Il y’a plus rien ! Ça suffit !»
Frédéric Avazeri
Le mandataire social actuel du groupe, maître Avazeri précise à Gomet’ que « le journal génère des pertes quotidiennes depuis des mois voire des années et qu’il a intégralement consommé les 15 millions de Prêts garantis par l’État. » L’échéance de remboursement ayant commencé, le quotidien régional doit « maintenant consommer le fruit de la cession de l’immobilier » précise l’administrateur judiciaire qui a averti, le 2 juin, les représentants du personnel de la situation alarmante si le juge-commissaire ne tranchait pas le 7 juin en faveur de l’offre de la CMA CGM. « Le dirigeant (Monsieur Serfati) a indiqué en CSE (un comité social d’entreprise extraordinaire s’est tenu mercredi 1er juin, NDLR) qu’il envisagera une demande d’ouverture de sauvegarde » explique Frédéric Avazeri qui s’est toujours opposé à cette procédure collective. Le mandataire fait entendre sa colère : « Ça fait deux ans qu’on alerte tout le monde. On ne nous a jamais pris en compte. Il n’y a plus de management, plus de stratégie. Il y’a plus rien ! Ça suffit ! s’emporte-t-il, si on laisse dériver cette entreprise, il n’y aura plus de trésorerie à la fin de l’année. »
Signe de l’urgence de la situation, les syndicats avaient demandé un échange avec le président de la République en visite à Marseille jeudi 2 juin. Une tentative de débloquer la situation restée vaine puisque la rencontre – acceptée dans un premier temps – a finalement été annulée « au dernier moment. »
L’offre de CMA CGM : des assurances éditoriales, sociales et économiques
Pour les représentants du personnel, l’offre de CMA CGM est jugée satisfaisante. « C’est un projet qui tient la route. Il a été retenu parce qu’il nous convenait et pas parce que nous sommes amis avec la CMA CGM, ce ne sont pas nos amis » assure Jean-Paul Frauziol, secrétaire du CSE de la régie publicitaire de la Provence, mettant avant la promesse du « maintien des 850 postes » accompagné par un plan de formation pour « tous secteurs confondus ».
Le journaliste Éric Breton (délégué SNJ) évoque aussi « la co-construction de l’offre » avec l’armateur marseillais qui a débouché sur « une charte de l’indépendance de la rédaction » et sur « l’élection du prochain directeur du groupe » précise la journaliste Sophie Manelli (déléguée SNJ). Par ailleurs, Rodophe Saadé « n’attend pas un retour sur investissement rapide. Il attend un retour à l’équilibre financier à cinq ans » complète Ouiam Edhabi, secrétaire FO SNPEP du CSE pour La Provence, rassurée par cet engagement.
Si les syndicats valorisent la méthode de Rodolphe Saadé, ils regrettent d’avoir été « privés de l’offre de Xaviel Niel » pour comparer les deux documents. Jean-Paul Frauziol, salarié de la régie publicitaire de La Provence, partage également son inquiétude de voir des postes mutualisés et supprimés à terme si l’offre revenait à l’actionnaire minoritaire. « A Nice-Matin 35 personnes sont parties sur plus de 100 postes » illustre le syndicaliste. « On ne peut pas décemment accepter un projet qui met en péril des emplois » ajoute Julia Sanguinetti, déléguée syndicale FO de Corse Matin.
Maître Avazeri avance que « l’aspect social de l’offre sera déterminant » pour faire pencher le jugement du 7 juin. Les salariés l’espèrent vraiment, sans trop y croire, tellement ont-ils été malmenés depuis des mois. Seule nouvelle qui les rassure un peu : CMA CGM a une nouvelle fois témoigné de sa ferme intention de reprendre le groupe précisant que« face à la situation financière difficile de La Provence et de Corse Matin, et à l’inquiétude légitime des salariés» CMA CGM« est prêt à mettre en place son projet de redressement dès la cession des titres prononcée. »
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