Amandine Deslandes, ce nom vous parle peut-être. Elle a occupé le poste de poste de chef de cabinet du président de la Métropole Marseillaise sous la présidence de Guy Teissier (2008 – 2014) et s’est spécialisée dans la protection sociale et le management public.
Elle est désormais directrice associée de Marsail, une entreprise qu’elle a monté avec son mari Christopher Pratt, skipper de course, et qui propose des séminaires et stages de formation en management, sur un voilier. C’est d’ailleurs via cette activité qu’elle est devenue… autrice, d’une biographie de Simone Veil. « Simone Veil, 1000 vies, un destin » est parue en février 2021 chez City éditions, et c’est la première biographie retraçant toute la vie de Simone Veil, depuis sa naissance jusqu’à sa mort.
Comment passe-t-on d’entrepreneuse dans la voile à autrice biographe ?
Amandine Deslandes : En fait, très simplement par un concours de circonstances. Mais en effet, les deux activités sont liées ! J’ai toujours écrit pour mon plaisir, mais jamais avec la volonté d’être éditée. Mais un jour, à l’arrivée d’une course, mon conjoint discutait avec un ami à lui qui se trouve être directeur de collection chez City Éditions. Cet ami lui a dit qu’il cherchait des auteurs, et Christopher lui a parlé de moi. Je lui ai montré des textes, il a adoré mon style et m’a proposé d’écrire une biographie. Il a évoqué Simone Veil, et évidemment, j’ai dit oui. Son engagement en politique, et celui pour les causes des femmes me parlent, et font écho à mon parcours dans la santé.
Elle n’était pas dans la revendication primaire, elle n’a jamais été clivante.
Amandine Deslandes
Simone Veil s’est battue auprès des femmes et pour elles, pourtant, elle ne se revendiquait pas féministe ?
A . D : Non en effet, elle s’est engagée de manière plus globale, pour les droits humains. Je me retrouve d’ailleurs dans cette approche : je me mobilise beaucoup pour le droit des femmes, notamment parce qu’on est très tôt confrontée à cette problématique. En revanche, je n’ai aucune revendication féministe. Je n’ai pas besoin de renverser la vapeur, je veux juste l’égalité des droits et sa mise en pratique, pointer du doigt des choses qui nous semblent presque normales alors qu’elles sont juste habituelles : le sexisme ordinaire, celui qu’on ne voit pas. Et elle s’est saisie de cette question avec beaucoup d’habileté.
De l’habileté, parce qu’elle a toujours jonglé entre son engagement et son image, comme lorsqu’elle a défait son chignon à la demande de Christophe Dechavanne ?
A. D : Oui, son engagement n’a jamais été remis en cause parce qu’elle n’était pas dans la revendication primaire, elle n’a jamais été clivante. Bien sûr, il y a eu des coups bas et des critiques dures, mais elle a toujours su manier y répondre sans excès.
Et c’est exactement pareil avec le devoir de mémoire, elle croyait aux luttes non partisanes, au fait qu’on peut trouver du bon comme du mauvais partout. Elle était l’opposé du manichéisme. Je me reconnais aussi dans cette démarche. Quand j’ai rejoint le cabinet de monsieur Teissier à la Métropole, il n’y avait aucun engagement politique, je voulais m’engager pour mon territoire, simplement.
C’est aussi quelque chose qu’on retrouve chez Simone Veil, l’engagement pour une cause plus que pour la politique ?
A . D : En fait oui et non, tout dépend de ce qu’on entend par « politique ». Simone Veil était une vraie femme politique, au sens premier du terme : servir la cité. Elle aurait pu avoir accès à des positions plus élevées encore, mais elle n’avait pas réellement d’ambition personnelle, elle voulait participer à quelque chose de plus important.
Son engagement pour les droits des femmes, c’est ce qui vous marque chez elle ?
A . D : Pas uniquement. Il y a ça, mais il y a aussi le devoir de mémoire. Elle a beaucoup parlé des camps, et c’était très fort pour moi. Je suis encore bouleversée d’y repenser. J’ai beaucoup appris, et beaucoup pleuré aussi, en écoutant ses confessions, en me documentant et en écrivant sur le sujet. Que l’humanité ait pu en arriver là, c’est assez terrible.
C’est un livre que j’aimerais mettre entre les mains des jeunes d’aujourd’hui.
Amandine Deslandes
C’est un livre que j’aimerais mettre entre les mains des jeunes d’aujourd’hui. De ceux qui se posent des questions sur leur place dans la société, des jeunes filles qui se posent des questions sur leur féminité. Déjà, notre génération (ndlr : Amandine Deslandes a 36 ans) avait un peu oublié d’où elle venait, et pourtant ces luttes pour les droits humains sont très récentes. On oublie vite, et j’ai le sentiment que ça ne va pas en s’arrangeant, que ce soit du côté du devoir de mémoire que de celui de la place des femmes.