Inondations et submersion marine vont avoir des conséquences financières majeures sur le littoral méditerranéen, alerte la Cour des comptes dans un rapport publié le 24 janvier, qui pointe le manque de prise de conscience des élus et de la population et appelle à revoir l’action publique d’aménagement du littoral et son financement. Premier volet : le constat et les coûts
Les collectivités locales du pourtour méditerranéen français, espace attractif et densément peuplé, sous-estiment voire aggravent par des politiques d’aménagement inadaptées, la vulnérabilité de leurs territoires aux risques liés à la mer et aux inondations, lesquels vont être accentués par le changement climatique, selon un rapport publié le 24 janvier par la Cour des comptes.
S’étalant sur près de 1700 kilomètres, soit un tiers des côtes métropolitaines françaises, le littoral méditerranéen concentre 3,3 millions d’habitants, en majorité (79%) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, une population qui devrait croître de 13% d’ici à 2050, souligne ce rapport, résultat d’une enquête menée conjointement par les chambres régionales des comptes de Corse, de Provence-Alpes-Côte d’Azur et d’Occitanie, qui tirent conjointement la sonnette d’alarme.
Cet « espace convoité », de par un climat favorable et la richesse d’un patrimoine naturel renommé, qui ont renforcé son attractivité et favorisé l’émergence d’un modèle économique tiré par le tourisme et les activités portuaires et maritimes, peut en effet « se montrer redoutable » en raison de « son exposition aux aléas et aux risques liés à la mer et aux inondations », ainsi qu’à l’érosion côtière, phénomènes que le changement climatique va rendre plus intenses et fréquents, alerte encore le rapport, qui rappelle deux chiffres : une augmentation des températures de 2,3°C d’ici 2050, parallèlement à une élévation du niveau de la Méditerranée de 40 centimètres.
La Cour rappelle que plus d’un tiers des 35 territoires recensés comme “à risque important d’inondation” en France métropolitaine se trouvent sur la côte méditerranéenne. Et les chiffres ont effectivement de quoi donner le tournis.
Plus de 55 300 logements menacés par la montée des eaux d’ici 2100…
D’ici à 2100, plus de 55 300 logements seraient ainsi menacés par la montée des eaux, dont près de la moitié en Occitanie, plus impactée à moyen terme du fait de son littoral majoritairement situé en zone basse, selon une étude récente du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement). Il en ressort que, sur l’arc méditerranéen, et alors que le marché de l’immobilier reste « aveugle au risque », la valeur des biens soumis aux conséquences de l’érosion du trait de côte et de l’élévation du niveau marin, serait de 156 millions d’euros à cinq ans, d’ici 2030, soit 95 M€ en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (principalement dans le Var), 3,1 M€ en Occitanie et 58 M€ en Corse.
… et 11,5 milliards d’euros, le montant des biens potentiellement impactés sur le littoral
Elle serait portée à 559 millions d’euros en 2050, principalement concentrée dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur (320 M€) et Corse (197 M€). Enfin, à horizon 2100, conjugué à un effacement « probable » des ouvrages de protection, le risque en valeur suivrait une progression exponentielle et impacterait fortement l’Occitanie. Il serait de 5,8 milliards d’euros pour Provence-Alpes-Côte d’Azur, 5 milliards d’euros pour l’Occitanie et 688 millions d’euros pour la Corse, soit un total de 11,5 milliards d’euros cumulés ! Il impacterait 215 campings sur une surface de 6 km², 132 km de réseau routier et 7 km de voies ferrées.
Une épée de Damoclès sur le système assurantiel
Une véritable épée de Damoclès sur le système assurantiel, déjà mis à mal par la multiplication des catastrophes naturelles, alerte encore le rapport. De 1989 à 2019, « alors que le coût annuel moyen » des sinistres liés aux inondations a été « de 8,6 millions d’euros par département en France métropolitaine », il s’est élevé « à 59,9 M€ dans le Gard, 55,6 M€ dans les Alpes-Maritimes, 53,8 M€ dans le Var, 47,4 M€ dans l’Hérault et 42,3 M€ dans les Bouches-du-Rhône », selon la Cour, qui prévient : « A brève échéance et à cadre constant, le système assurantiel et indemnitaire ne pourra supporter la couverture de la réalisation et de l’intensification des risques. À horizon de trente ans, le coût cumulé des indemnisations à ce titre s’élèverait à 54 milliards d’euros, selon une projection effectuée par les assureurs portant sur tous les biens indemnisés pour ces dommages sur le territoire national. »
A suivre, notre deuxième volet : face à ce constat, les magistrats de la Cour des comptes pointent « une action publique pas à la hauteur des enjeux » et appellent à revoir « la politique d’aménagement du littoral et son financement »
Document source : le rapport complet de la Cour des comptes
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