La soirée « Point final » organisée au Dock des Suds lundi 31 mars a réuni environ 2 000 personnes venues vivre leur dernière soirée dans ce lieu emblématique des nuits marseillaises, géré par l’association Latinissimo depuis 1997. Près de trente ans d’histoire de Marseille aux rythmes des musiques du Sud défilent. La movida marseillaise née à la fin des années 90 sous l’impulsion de la Fiesta des Suds trouva au Dock des Suds, ancien hangar à épices, son point d’ancrage et de rayonnement.
Pionnière dans un quartier en friche, elle fut peu à peu encerclée par la transformation du quartier devenu une zone de bureaux et de logements durant les années 2010-2020. Alors qu’Euroméditerranée, propriétaire du lieu après le rachat en 2008 auprès du Port, vient d’attribuer à l’école du numérique La Plateforme une occupation temporaire, la vocation future du site reste encore à trouver. Jean-Marc Coppola, l’adjoint culture de la Ville de Marseille, présent sur place lundi soir, a répondu aux questions de Gomet’. Il souhaite que le site reste culturel et dit pourquoi. Interview.
Pourquoi êtes-vous présent ce soir au Dock des Suds ?
Jean-Marc Coppola : Je suis ici pour être aux côtés de ceux qui ont mouillé la chemise pendant des décennies, de celles et ceux qui ont connu ici leur première fête, leur premier festival et pour accompagner cette page qui se tourne même si ce n’est pas un arrêt total. Nous continuons d’agir pour que le site reste un lieu culturel. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin de ceux qui ont l’expérience de ce lieu et qui ont une expérience de la culture, des arts, de la fête, des activités nocturnes comme on peut le concevoir dans notre politique municipale.
« Ce n’est pas simplement un lieu et des murs, c’est une âme »
Est-ce que la Ville a tenté des choses pour préserver cette vocation ?
Jean-Marc Coppola : Le maire et d’autres élus, dont moi, se sont exprimés sur l’exigence que cela reste un lieu culturel. Somme toute, nous sommes quand même entendus puisqu’au lieu de lancer un appel à manifestation d’intérêt (procédure envisagée un temps par Euroméditerranée), il y a une cession de bail temporaire. Et cela laisse donc complètement ouvert l’avenir avec cette exigence que cela reste un lieu culturel. Le quartier en a bien besoin. On voit des bureaux, des immeubles pousser… Il y a une école internationale à côté. C’est un bon mariage avec notre conception de l’éducation artistique et culturelle dès le plus jeune âge. Il y a des choses à faire dans ce quartier en gardant cette âme. Ce n’est pas simplement un lieu et des murs, c’est une âme, des histoires de plusieurs générations de Marseillaises et de Marseillais. Les pages suivantes, on les écrira ensemble.
La solution temporaire n’est pas forcément à vocation culturelle. Est-ce que cela vous inquiète ?
Jean-Marc Coppola : Les choses sont encore ouvertes. Quand on a affaire à des gens intelligents pour discuter, je suis plutôt confiant.
Est-ce que la Ville pourrait aller jusqu’à racheter le site ?
Jean-Marc Coppola : On verra, je ne peux pas le dire.
« Nous entendons construire les pages suivantes du Dock des Suds »
Cela fait partie du patrimoine…
Jean-Marc Coppola : Oui, bien sûr. Et chaque fois qu’on peut préempter, on le fait. Cela a été le cas pour le cinéma Le César. Il s’agit de faire revenir ces sites dans les biens communs qui correspondent à nos priorités : les écoles, la culture, la santé, la tranquillité publique, etc. Ce n’est absolument pas pour donner à des privés, des promoteurs, etc. C’est dans cet esprit-là que nous entendons construire les pages suivantes du Dock des Suds. Le problème est que la Ville est un acteur parmi d’autres au sein d’Euroméditerranée. Il y aussi l’Etat, la Région, le Département et la Métropole. Mais nous sommes quand même en partie entendus sur l’idée que le Dock reste un lieu culturel, peut-être avec d’autres activités, le jour notamment.
Mais aujourd’hui, un lieu équivalent n’existe pas dans l’offre culturelle à Marseille…
Jean-Marc Coppola : Non, effectivement. Mais nous avons lancé des appels à projets pour utiliser le patrimoine municipal. Je pense au 90 Boulevard des Dames ou à d’autres lieux. Nous sommes plein d’idées et les actes plaident pour nous dans la volonté qu’il y ait de la place pour la culture et toutes les activités d’intérêt général.
Le Dock et la Fiesta ont été associés à une sorte de movida marseillaise. Est-ce que cette effervescence existe toujours ?
Jean-Marc Coppola : Il faut voir dans les musiques tout ce que l’on soutient, tout ce que l’on fait pour les festivals de musique, des musiques. Ce n’est pas que l’opéra, ce n’est pas que le hip-hop. C’est toutes les musiques. Ce que nous avons fait avec l’Espace Julien, un collectif qui a repris plusieurs lieux, montre l’idée vers laquelle nous voulons aller. Ici, effectivement, c’est une page qui se tourne mais cela ne signifie pas que l’avenir est sacrifié, loin de là.
La culture latine, des suds, vous continuez à la porter ?
Jean-Marc Coppola : Oui, bien sûr ! Parfois on me dit : “pourquoi il n’y a pas à Marseille un grand festival dans le cinéma, la musique ou la littérature ?” Je dis que cela ne correspondrait pas à ce qu’est Marseille. Marseille, c’est la diversité, le métissage. Et c’est ce qui fait que Marseille est attractive. Car ici il règne, au-delà de la météo et du climat, un état d’esprit, une ambiance qui sont propices à la créativité, à l’imaginaire et au rêve.
Le Dock des Suds ferme aujourd’hui mais la Fiesta des Suds et Babel XP organisés par Latinissimo demeurent…
Jean-Marc Coppola : Oui, cela continue. Vous avez vu notre soutien important à chaque fois. Et d’ailleurs, nous nous mettons en quatre pour que Babel puisse être accueilli, à la Friche, à l’Alcazar… L’année prochaine, il y aura peut-être d’autres lieux. Il faut qu’à Marseille les lieux et les arts se croisent. Cela facilite l’émulation et donne tout son sens à la culture en termes d’épanouissement et d’émancipation. Ce qui n’est pas dans l’air du temps. Je vois les collectivités, et l’Etat en premier, réduire les moyens de la culture. C’est un coup de ciseaux dans la démocratie. C’est empêcher les gens de se développer, de penser alors que nous sommes dans une société de plus en plus complexe. On a besoin de chercher des réponses, on a besoin d’artistes.
Je suis fier d’être dans une collectivité qui a le courage justement de donner les moyens aux artistes, aux acteurs et opérateurs culturels, de dire “non” et de résister à cette pensée unique qui commercialise et marchandise la culture. Et donc, on n’abandonnera ni ce lieu ni les équipes qui ont fait ses beaux jours.
Lien utile :
L’actualité du Dock des suds dans les archives de Gomet’