Aux Rencontres de la finance verte et solidaire organisées par Gomet’, une table-ronde a réuni de grands acteurs bancaires engagés dans la transition environnementale et sociétale, ainsi qu’une remarquable néo-banque dédiée à la transition. Chacun a présenté son modèle, après l’introduction de l’économiste Olivier Pastré, référence en la matière, qui publie actuellement un ouvrage sur le mutualisme dans le monde bancaire français.
Maeva Courtois a brillamment représenté sa génération, à la fois à titre personnel en tant que seule jeune femme à la table, et surtout à titre professionnel, car à la tête de la banque Helios, « l’écobanque au service de la transition écologique », qu’elle a fondée en 2020. Nouvel acteur bancaire purement dédié à la transition, et entreprise à mission visant à changer la banque et même à « dépolluer la banque », Helios est une banque de détail qui propose des produits financiers et d’épargne durables et transparents.
L’écobanque Helios : une méthodologie simple et efficace
Durables, car son offre de comptes courants, épargne et assurance-vie, est fléchée vers les thématiques identifiées par les scientifiques comme à développer ou à réinventer, comme les énergies renouvelables, la mobilité, la reforestation. Transparents, en partant du constat qu’il est difficile pour les particuliers de s’y retrouver dans un monde des produits financiers caractérisé par une certaine opacité : Helios fait donc preuve de pédagogie et explication avec un discours clair.
Maeva Courtois vient de la finance de marchés et a mesuré la difficulté à avoir un cadre commun, les appellations ESG (critères d’analyse extra-financiers Environnementaux Sociétaux et de Gouvernance) recouvrant une large variété de notions, et les notations ESG étant variables selon les agences (comme Sustainalytics ou MSCI ESG rating), malgré la règlementation.
Helios a donc mis en place une méthodologie qu’elle veut simple et efficace sur la durée, filtrant en entonnoir les entreprises en demande de financement, excluant le fossile, la déforestation, la chimie, l’élevage intensif, et accompagnant dans la transformation rapide et la rupture. Positive et tournée vers l’avenir, elle observe de plus en plus de projets écoresponsables à accompagner et des transformations positives depuis plusieurs années.
Le Crédit Agricole Alpes Provence, incarné par Jérôme Vuillemot, directeur du développement et des transitions du territoire, a rappelé son modèle coopératif, « en circuit court depuis plus de 100 ans : l’épargne sert sur le territoire et pas ailleurs. » Des conseillers en transition énergétique ont été placés à côté des chargés d’affaires traditionnels afin d’accompagner et financer la transition des entreprises, ancrant la triple mission de banquier, conseil et investisseur. Notamment pour les projets capitalistiques comme le photovoltaïque, le métier d’investissement en capital prend le relais du métier bancaire et Sofipaca, acteur en capital du groupe dans notre région, est intervenue au cours de la journée à la table ronde investisseurs, puis en binôme avec sa participation Soleil du Sud, entreprise à mission fondée par Joël Oros.
L’engagement du CIC
Sébastien Mollin, qui dirige le CIC dans notre métropole, insiste sur l’absence d’actionnariat exigeant du dividende dans son modèle mutualiste : au contraire, un dividende sociétal est distribué. « Le CIC a pris la décision de devenir entreprise à mission en 2020, en pleine crise sanitaire, alors que l’activité était impactée par la situation et le boom des prêts garantis par l’Etat mobilisant les équipes. Quatre ans après, le résultat de cette stratégie est jugé admirable, en externe vis-à-vis des clients, et en interne en donnant du sens aux équipes et à leur métier. »
L’offre d’épargne, crédit, conseil et accompagnement du CIC peut devenir sélective, avec le choix d’accompagner un acteur et pas un autre, voire allant jusqu’à l’abandon d’une relation qui ne serait pas vertueuse. En illustration de ses convictions sociétales, le CIC n’exige pas de questionnaire santé de ses emprunteurs, n’érige pas comme obligatoire le contrat de travail à durée indéterminée, et instaure une prime à la fidélité.
Ismaël Ouanes : « la nécessaire imbrication entre solidarité et écologie en finance »
Au nom de la Caisse des dépôts, Ismaël Ouanes, directeur territorial innovation, incubation, économie sociale et solidaire de la Banque des Territoires dans notre région, rappelle « la nécessaire imbrication entre solidarité et écologie en finance », l’un ne fonctionnant pas sans l’autre, et l’existence du fonds de transition écologique et sociale du groupe en est une preuve.
Le groupe et ses 300 000 personnes se fixent en effet pour triple objectif : la souveraineté économique, alimentalre et numérique ; la cohésion sociale et territoriale ; la transformation économique. Cette stratégie structure toutes ses actions internes, en ressources humaines, au conseil d’administration, et externes en financement des petits ou gros projets, comme par exemple le maintien des personnes âgées à domicile ou la production textile locale sociale avec à l’entreprise Fil Rouge à Marseille… « Notre région Provence Alpes Côte d’Azur n’est elle pas l’une des premières sensibles aux enjeux climatiques ? »
Les innovations de la Macif
Pour insister sur le double volet climat et solidarité, Louis Lippi, mandataire régional de la Macif, mutuelle d’assurance en place depuis 1960, avec six millions de sociétaires élisant leur gouvernance, alerte l’auditoire en élargissant la perspective financière au métier de l’assurance : « si l’aléatoire est assurable, le récurrent ne l’est plus ». L’exemple des catastrophes naturelles donne à réfléchir : récemment, les Hauts de France et l’Espagne, aujourd’hui Mayotte, ont été gravement touchées ; demain, pourra-t-on assurer certaines zones ? « La sélection des risques est une réelle menace, à laquelle les mutualistes convaincus sont vigilants ». Citant le fonds Macif Impact ESS, les programmes Macif terre du vivant pour l’environnement ou Macif Riders pour l’aspect humain, il montre que la compagnie met en place des innovations directement utilisables par ses sociétaires, et conclut sur la relation entre Macif et France Active.
Stéphane Salord, président délégué de France Active Provence Alpes Côte d’Azur, administrateur du Crédit Coopératif, rappelle que la règlementation qui s’applique aux banques intègre déjà la transition, avec les obligations Environnementales Sociétales et de Gouvernance des banquiers dans leurs calculs et reportings des risques, et ainsi on retrouve la CSRD dans les normes bancaires de Bâle. Une grande latitude est toutefois laissée aux établissements, ce qui revient à se placer dans une « période grise, d’attente », amenée à se préciser dans le temps, même si le champ politique international ne semble pas évoluer dans ce sens actuellement, avec l’élection de Trump aux USA et le rapport Draghi en Europe.
La pression de la rentabilité immédiate peut ainsi venir en contradiction de la durabilité, épineux dilemme. Le Crédit Coopératif, qui se dit « la banque la plus décarbonée depuis plus de 40 ans, pionnière de l’épargne solidaire », et notamment financeur d’immobilier durable comme exposé l’après-midi en table ronde sur ce thème, sait bien que l’évolution verte et solidaire a besoin de temps long.
Enfin, Dominique Giabiconi, directeur de France Active Provence Alpes Côte d’Azur a pris la parole pour clamer le rôle majeur de France Active de financeur de l’économie sociale et solidaire (ESS), avant de procéder à la signature de la charte de la communauté des financeurs solidaires, au cœur des Rencontres de la finance verte et solidaire.
Lien utile :
Notre dossier d’actualité consacré aux 2e Rencontres de la finance verte et solidaire