En visite ce jeudi 2 juin dans le 10e arrondissement de Marseille, le président de la République, accompagné du nouveau ministre de l’Education nationale Pap Ndiaye et du maire de Marseille Benoît Payan, a fait plusieurs annonces sur « l’école du futur », cette ambition dont les grandes lignes avaient été esquissées dans son discours sur Marseille en grand en septembre 2021 (voir le discours en document source) et qui est expérimentée depuis dans 59 écoles, sur les 469 que compte la cité phocéenne. Ce dispositif implique des changements substantiels pour les établissements scolaires concernés : non seulement, les directeurs d’école peuvent participer au recrutement des équipes pédagogiques, mais les établissements sont aussi fortement incités à développer des projets innovants, avec à la clé un financement complémentaire – pour l’heure, il s’élève à 2,5 millions d’euros répartis entre les écoles en fonction des projets.
Neuf mois plus tard, premier bilan pour le chef de l’Etat, et c’est l’école Menpenti qui a été choisie comme exemple : lauréate de l’appel à projets lancé dans la foulée des annonces présidentielles auprès des écoles marseillaises, en octobre 2021, la direction de l’établissement a mis en place depuis février 2022 un laboratoire de mathématiques qui vise à améliorer le niveau des élèves grâce au jeu et aux outils numériques et qui a été présenté au président de la République et au ministre ce jeudi. Au cours d’une table-ronde avec les professeurs, Emmanuel Macron a confirmé sa volonté de généraliser cette approche « dans les prochains mois, à l’automne. »
« Redonner du sens au métier d’enseignant »
Objectif : donner plus de liberté aux monde pédagogique et « redonner du sens au métier d’enseignant », comme l’exprime Emmanuel Macron. « Cette transformation nous permettra à la fois d’avoir des enfants plus heureux et des enseignants dont le métier est mieux reconnu et mieux rémunéré, et des chefs d’établissements plus libres » explique Emmanuel Macron.
Cette décision de généraliser ce fonctionnement attise pourtant les craintes des syndicats, déjà vent debout notamment contre l’hypothèse d’un recrutement par les directeurs d’établissement. Dans nos colonnes, la secrétaire générale du SNUipp-FSU des Bouches-du-Rhône dénonçait ainsi le « risque de copinage » de cette méthode (voir notre article). Ce jeudi 2 juin, ils étaient d’ailleurs plusieurs syndicats à avoir bravé l’interdiction par la Préfecture de mener une action revendicative devant l’école. Un militant FO dénonce ainsi au micro de BFM Marseille Provence « un cheval de Troie pour détruire le statut de fonctionnaire des enseignants. »
« Il y a des lignes rouges : c’est l’école de la République, l’égalité de toutes les écoles »
Benoît Payan, maire de Marseille
Une inquiétude partagée par le maire de Marseille Benoît Payan, qui en a fait part à Emmanuel Macron lors de sa visite : « il y a des lignes rouges : c’est l’école de la République, l’égalité de toutes les écoles », a-t-il réagi. Reconnaissant pour l’intérêt porté par le président aux écoles marseillaises, il ne cache en effet pas son opposition à ce mode de recrutement. A la sortie de l’école, le chef de l’Etat a été interpelé par les journalistes sur ce point précis : « on ne va jamais se mettre à ce que les chefs d’établissement fassent leur propre mercato […]. On veut donner la possibilité que l’enseignant qui est recruté partage ce projet », a-t-il défendu, tout en nuançant son propos : « on va assumer qu’à certains endroits ça va formidablement marcher, d’autres ce sera plus compliqué, il faudra réajuster. La réponse n’est pas monolithique. Il y aura d’abord un temps national puis un temps local. » Le chef de l’Etat défend sa vision de la liberté d’entreprendre pour les écoles, et de choisir leur collaborateurs qui soient en cohérence avec le projet pédagogique porté dans chacun des établissements.
EN DIRECT | Neuf mois après le lancement du plan Marseille en Grand, le Président @EmmanuelMacron est de retour dans la cité phocéenne, aux côtés de celles et ceux qui œuvrent pour l’éducation de nos enfants. Écoutez sa déclaration : https://t.co/6P3Q3Oj7hd
— Élysée (@Elysee) June 2, 2022
D’autres annonces ont été faites en parallèle de l’école du futur à l’issue de cette visite : d’une part, le retour de l’option mathématiques en première dès la rentrée de septembre, mais aussi celui des trente minutes de sport obligatoire par jour pour les élèves d’école élémentaire.
L’école, un argument de campagne à l’approche des élections ?
Dans les rangs de l’opposition, cette venue est également critiquée mais pour un tout autre motif : dans un communiqué, la fédération des Républicains des Bouches-du-Rhône dénonce ainsi « une campagne électorale masquée contraire à l’esprit républicain. » Stéphane Le Rudulier, président de la fédération, lui reproche également de s’afficher « avec un ministre adepte du wokisme (notion définie par le Larousse comme une idéologie centrée sur les questions d’égalité, de justice et de défense des minorités, parfois perçue comme attentatoire à l’universalisme républicain, ndlr), ouvertement communautariste et hostile aux forces de l’ordre […] pour séduire un électorat mélenchoniste. »
Du côté de la nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), la réaction ne s’est pas non plus faite attendre : « Marseille n’est pas un laboratoire pour le fantasme marchandisé d’Emmanuel Macron. Ici comme ailleurs, il faut plus de profs, des classes moins chargées, des moyens pour l’enseignement prioritaire, des écoles et des rémunérations dignes de ce nom » tweete ainsi Manuel Bompard, candidat (LFI) dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône. Il faut dire que cette visite intervient à dix jours seulement du premier tour des élections législatives, le 12 juin prochain.
#Marseille n’est pas un laboratoire pour le fantasme de l’école marchandisée de #Macron.
— Manuel Bompard (@mbompard) June 2, 2022
Ici comme ailleurs, il faut + de profs, des classes – chargées, des moyens pour l’enseignem. prioritaire, des écoles et des rémunérations dignes de ce nom.
C’est le programme de la #NUPES! https://t.co/IjY9AW5Xjk
Au cours de la visite de l’école, Emmanuel Macron a fait pour sa part l’éloge de son ministre : « Quand j’ai choisi de nommer Pap Ndiaye, j’ai choisi de nommer un homme qui d’abord par sa vie, son parcours, dit ce à quoi je crois de l’école de la République.» L’intéressé, discret tout au long de la visite, a pour sa part souligné « l’importance de l’expérience menée à Marseille pour le ministère de l’Education nationale. » Relancé par Gomet’ sur la généralisation du dispositif d’école du futur, Pap Ndiaye n’a pas souhaité répondre, préférant laisser le président s’exprimer. Une réponse évasive sûrement due au devoir de réserve qui incombe aux ministres en période électorale.
Document source : le discours Marseille en grand prononcé par Emmanuel Macron en septembre 2021
Liens utiles :
> Emmanuel Macron et Pap Ndiaye visitent le laboratoire éducatif marseillais
> Nos actualités sur Marseille en grand
🎥 À la sortie de l’école Menpenti (10e arrondissement) en milieu d’après-midi, le nouveau ministre de l’Éducation nationale @PapNdiaye ne fait pas de commentaire sur l’annonce de la généralisation des « écoles laboratoires » de Marseille prévue dès septembre 2022 pic.twitter.com/8miKuy2qB0
— Gomet’ (@Gometmedia) June 2, 2022