Marseille accueille une nouvelle fois le forum international de l’éolien flottant Fowt (Floating offshore wind turbines), du 24 au 26 avril. Durant deux jours, les entreprises du monde entier se sont réunies dans le palais du Pharo. Le temps est de circonstance, alors que le mistral se déchaîne depuis plusieurs jours sur la cité phocéenne, comme pour appuyer la nécessité de développer l’éolien flottant dans la région. De nombreux projets commencent d’ailleurs à germer : Provence Grand Large, Deos, Windtech mais aussi le projet d’une ferme flottante de 250 mégawatts à l’horizon 2030. Les choses avancent donc… mais pas assez vite, au goût des acteurs locaux.
Le 2 avril, la présidente des régions de France et présidente de la région Occitanie, Carole Delga, s’est même fendue d’un courrier au ministre de la Transition écologique Christophe Béchu. Dans cette lettre, que Gomet’ a pu consulter, elle déplore le manque de consultation des régions sur l’objectif fixé par le gouvernement d’atteindre 45 gigawatts d’éolien en mer d’ici 2050.
Carole Delga alerte également sur la fréquence des projets et les moyens qui devront être alloués pour atteindre cet objectif. « Cet enjeu est particulièrement prégnant pour les Régions qui sont devenues des autorités portuaires et seront appelées à porter l’essentiel de ces investissements. Outre la sécurisation des espaces portuaires, près d’un milliard d’euros seront nécessaires à leur mise aux normes » écrit ainsi la présidente des Régions de France. Or, l’Etat prévoit dans le cadre de son programme pluriannuel pour l’énergie (PPE) « seulement » la somme de 190 millions d’euros pour financer l’ensemble des infrastructures portuaires nécessaires à l’accueil des activités industrielles liées à l’éolien flottant.
Les appels d’offres pour l’extension des parcs éoliens flottants lancés dès fin 2024
Alors que le cahier des charges final pour l’appel d’offres AO6 vient tout juste d’être remis aux consortiums en lice, après une longue attente, le gouvernement planche déjà sur l’appel d’offres pour l’extension de ce parc éolien flottant, selon les informations données lors du salon Fowt. Pour le parc situé au large de Port-Saint-Louis-du-Rhône, cette extension est de 500 mégawatts qui viendront s’ajouter au premier parc de 250 mégawatts, ciblé par l’appel d’offres AO6. Les appels d’offres devraient être lancés avant la fin de l’année.
« Ne pas reproduire le scénario du photovoltaïque »
Face à l’Etat, les régions de France concernées par le développement de l’éolien flottant affichent un front commun. Une conférence de presse était organisée avec les représentants de chacune des régions Provence-Alpes-Côte d’azur, Pays de la Loire, Bretagne et Occitanie, mercredi 24 avril, à l’occasion du forum. « Nous attendons encore un coup de pouce de l’Etat. 190 millions d’euros, c’est que dalle… Nous ne devons pas reproduire le scénario du photovoltaïque » déplore Christophe Madrolle, conseiller régional (Région Sud) en charge de la mer et du littoral, en référence à un secteur solaire largement dominé par la Chine. « Les régions sont mobilisées, on attend le go de l’Etat » poursuit à ses côtés la vice-présidente de la région Sud Anne Claudius-Petit.
« L’Etat a raté le rendez-vous de la planification. Nous avons raté le démarrage de l’éolien flottant. Si nous voulons réussir l’exercice, il faut que les régions soient mises dans la boucle » abonde leur homologue de la région Pays de la Loire, Claire Hugues. D’autant que les acteurs locaux de la filière éolienne sont dans « les starting-blocks. » Par exemple, le port de Marseille-Fos projette dans le cadre de son projet Deos de produire pas moins de cinquante flotteurs pour éoliennes, qui seront stockés sur une zone de 45 hectares, affirme le président du directoire du Port, Hervé Martel. Soit l’équivalent de 50 terrains de foot… Le projet, ainsi que l’aménagement de la zone portuaire, représenterait à lui seul 550 millions d’euros. On est bien loin des 190 millions prévus par l’Etat pour l’aménagement des zones portuaires… « Moins nous avons de subventions de l’Etat, plus les prix des éoliennes seront chers. A contrario, plus on a de subventions, moins le prix grimpera », analyse Hervé Martel. De son côté, Philippe Zichert, représentant de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille, met l’accent sur la formation, indispensable au développement de la filière éolienne.
Le retard des appels à projet AO5 et AO6, pour le développement de fermes éoliennes flottantes en Bretagne et en Méditerranée, ne fait qu’accroître l’insatisfaction des acteurs locaux. « Il ne faut pas oublier néanmoins que l’on avance. Des consultations sont en cours qui vont être analysées pour affiner la méthode. Aller vite, c’est bien, mais il ne faut pas se précipiter » tempère Christophe Manas, conseiller régional d’Occitanie. Selon nos informations, le cahier des charges final pour l’AO6 a été envoyé hier dans la matinée aux candidats en lice. Le nom du lauréat, lui, devrait tomber fin 2024.
Favoriser la filière française de l’éolien flottant
Les acteurs locaux présents lors de la conférence de presse s’alarment aussi du caractère prépondérant du critère prix – 70% – dans les appels d’offres pour l’éolien flottant. « Si le critère du prix reste prépondérant, on va se retrouver avec des éoliennes chinoises. Pour nous distinguer du marché chinois, nous devons miser sur des aspects qualitatifs comme la maintenance prédictive ou l’éco-conception » alerte Christophe Avellan, du Pôle Mer Méditerranée.
En attendant l’impulsion de l’Etat, les régions s’organisent entre elles. Elles sont ainsi réunies au sein de la fondation Open-C créée en 2023 à l’initiative d’un consortium d’industriels (EDF, RTE, Totalenergies etc.) et de chercheurs (Ifremer, ECN, Fem), pour coordonner, développer et piloter les essais en mer des cinq sites d’essais pour les énergies marines renouvelables existants en France, dont le site Mistral dans le golfe de Fos-sur-Mer. Le Pôle Mer Méditerranée veut lui aussi fédérer les acteurs de l’éolien flottant français et a pour cela lancé deux marques : Sudeole, qui regroupe les acteurs du Sud-Est, en collaboration avec la région Sud, et Wind’Occ pour l’Occitanie. Objectif : répertorier l’ensemble des acteurs et entreprises de la filière pour favoriser l’émergence d’un marché français.
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