Plusieurs programmes dont ceux du RN et celui du nouveau Front populaire se proposent de supprimer la taxation spécifique qui s’applique depuis 20 ans aux activités maritimes. Cette « niche » permet de baisser la taxation des bénéfices. La taxe au tonnage est un régime fiscal optionnel appliqué dans le secteur maritime, permettant aux entreprises de payer un impôt basé sur la capacité de leurs navires (tonnage) plutôt que sur leur bénéfice réel (lire notre précédent article). Il s’agit d’une incitation à maintenir et à développer la flotte marchande sous pavillon national. L’Union européenne a normalisé l’application de la taxe au tonnage pour éviter la délocalisation des flottes hors de ses frontières. Appliqué dans 22 pays européens, son objectif est de promouvoir un registre attrayant tout en respectant les conditions de concurrence équitable.
Les maritimes de Marseille en première ligne
Le monde maritime français a publié une tribune dans le JDD le 26 juin. Sont signataires des personnalités et entreprises marseillaises comme Guy Chambon, pour l’Association professionnelle des entreprises de remorquage maritime et président du groupe Chambon, Guillaume Vidil, Comité marseillais des armateurs français, Gérald Kothe, Association des agents et consignataires de navires de Marseille-Fos, Jean-Michel Diaz, Groupement maritime et industriel de Fos, Guy Chambon, Jean-Emmanuel Sauvée, La Méridionale, Pierre-Antoine Villanova, Corsica Linea, Rodolphe Saadé, CMA CGM, Yannick Beley, Bourbon, Raymond Vidil, Marfret, Marc Etcheberry, Geogas. Extraits :
« Depuis le début de la campagne électorale, écrivent-ils dans la tribune publiée par le JDD, la taxe dite « au tonnage » fait l’objet d’une incompréhension qui nourrit la polémique. C’est en réalité, depuis plus de vingt ans, l’impôt des armateurs à travers le monde : il répond aux contraintes spécifiques d’une filière qui exige des investissements massifs et qui est soumise aux aléas internationaux. En témoignent les nombreuses années de pertes abyssales qu’a connues le secteur. Elle n’est en rien un singularisme français, au contraire : dans le monde, elle s’applique à 86 % de la flotte maritime. Au sein de l’Union européenne, vingt-deux États membres l’appliquent, permettant à leurs entreprises maritimes de lutter à armes égales, entre Européens d’abord, avec le reste du monde ensuite.
Deuxième incompréhension qu’il convient de corriger : cette fiscalité aurait pour la France un impact budgétaire stratosphérique, puisque l’on parle de 5 milliards d’euros par an. Or, ces chiffres partialement présentés ne tiennent compte que de deux années particulières. La vérité est en réalité cent fois moindre : de 2010 à 2020, l’impact budgétaire de cette taxe a été en moyenne de 46,36 millions d’euros pour l’ensemble des 57 armateurs français concernés.
Un impact budgétaire limité
Supprimer ce régime ne permettra certainement pas de solder les déséquilibres budgétaires de l’État. Cela conduirait en revanche assurément à une rupture de compétitivité des filières maritimes et portuaires françaises ainsi qu’au déclin inéluctable d’un pavillon français pourtant redevenu dynamique grâce à ce régime.(…) Par ailleurs et alors que la France est citée en exemple en matière de décarbonation du transport maritime et de ses ports, une telle mesure viendrait réduire la capacité de la filière à assurer sa transition énergétique, dont le coût estimé est de 30 milliards d’euros par an jusqu’en 2050.»
(…) Enfin, rappelons que la France dispose du deuxième domaine maritime mondial. L’existence d’une flotte de commerce constitue un outil stratégique essentiel à sa souveraineté et à son indépendance, particulièrement dans le contexte géopolitique actuel. Comment sans une telle flotte, pourrait-on assurer notre souveraineté, face à la montée en puissance d’armateurs étrangers largement soutenus par leurs États, en Europe et dans le monde ? Comment, sans une telle flotte pourrait-on répondre aux besoins urgents de l’État, comme cela a été le cas à de nombreuses reprises, encore récemment dans les territoires ultramarins ?
La future représentation nationale et le gouvernement se trouveront prochainement face à un choix : mettre en péril une filière stratégique et créatrice d’emplois ou maintenir une marine marchande, une filière portuaire et logistique puissantes, au service des intérêts nationaux et du rayonnement de la France. Ils sauront alors, nous l’espérons, se rappeler cette phrase attribuée au cardinal de Richelieu : « Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la Mer qu’ils ont ignorée ».
Lien utile :
Union maritime et fluviale : la taxe au tonnage s’invite dans la campagne électorale