L’abstention a atteint un nouveau record, dans la Ve République, avec les élections régionales de 2021. Deux tiers des inscrits ne sont pas aller voter, ce qui représente 67% de l’électorat. Le taux d’abstention atteint 87% chez les jeunes entre 18 et 25 ans. Raphaël Liogier, professeur à Sciences Po Aix et au Collège international de philosophie, répond à nos questions.
Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs?
Raphaël Liogier : Je suis Raphaël Liogier, professeur à Sciences Po Aix et au Collège international de Philosophie. Mon laboratoire de recherche, Sophiapol est à l’Université de Paris X Nanterre. Je m’intéresse à la transformation et à la croyance, mais aussi au populisme (“Ce populisme qui vient”, chez Textuel), à #MeToo (“Descente au cœur du mâle”, chez Les Liens qui libèrent). Je m’intéresse aussi à la désadhérence.
Que pensez-vous du fort taux d’abstention constaté lors du 1er tour (*) des élections régionales et départementales ? Que cela peut-il révéler de l’électorat français?
R.L : Le taux d’abstention est énorme et gigantesque, c’est unique que l’on arrive à 67%. Il montre que les gens sont désintéressés par la politique et qu’il y a un mépris pour le personnel politique. De plus, il y a une crise de la démocratie représentative. Les politiques sont décalés et hors-sol. On peut le voir avec le mouvement des gilets jaunes, qui était un mouvement d’abstentionnistes. Les gilets jaunes sont des Français des régions, des Français moyens qui sont tous différents. Nous pouvions retrouver des ouvriers, mais aussi des petits commerçants, des habitants des petits villages qui ne se retrouvent plus dans le vote et dans les grands partis qui rassemblaient d’antan et ils vont donc dans la rue. Leurs motivations sont contre les taxes « parisiennes » faites par la classe politique. Pourtant, le mouvement n’avait pas de ligne politique, certains ne voulaient plus d’impôts, tandis que d’autres voulaient une meilleure redistribution des richesses. Cela permet au Rassemblement National (RN) et à La France Insoumise (LFI) de récupérer des voix. Il faut donc que la politique arrête d’être une profession comme, par exemple, aux Etats-Unis.
Que cela peut-il révéler du vote en général ? L’élection démocratique est-elle démodée ?
R.L: L’élection démocratique n’est pas démodée. Mais l’élection devrait devenir une pratique plus large : la démocratie consiste à mettre en place de la participation. Le vote est fondamental, mais il n’y a pas que cela. L’important est le comportement démocratique : il faut que dans la démocratie, la critique ait une importance fondamentale, il faut pouvoir l’entendre. Ce qui est important, ce n’est pas le vote, mais l’espace public où les critiques sont entendues. Dans ce cas, le vote a un poids, il devient une réalité.