Vous vous êtes fait l’avocat du pin d’Alep qui semble pourtant plus inflammable qu’un feuillu quelconque. La vision des incendies à la télévision, montrant ces bombes de feu, nourries par l’essence de pin, qui traversent les routes ou les coupe-feu, n’est-elle pas dissuasive de la plantation de pin dans nos collines ?
J. B. : La principale inflammabilité dangereuse est celle de la strate basse de la végétation, les herbes, les broussailles et les buissons ; les espèces d’arbres sont secondaires. Pour ce qui est du pin d’Alep, nous avons commencé à réfléchir dès 1995 sur cet arbre alors mal aimé. On ne plante plus grand-chose de nos jours, tant c’est onéreux et délicat. On a pris conscience de ce que la nature reboise le plus souvent mieux que quiconque, et il vaut souvent mieux soigner un peuplement qui existe ou se récrée qu’intervenir lourdement.
Il n’empêche que c’est souvent le pin d’Alep qui arrive le premier et c’est un merveilleux pionnier pour créer les conditions d’une recolonisation ultérieure du milieu par d’autres plantes et arbres : regardons les collines de l’Étoile ou des Alpilles dont les pins datent, grosso modo, de l’après-guerre et qui se peuplent progressivement de chênes verts, de chênes blancs, de frênes à fleurs, etc. sous leur couvert. Les pompiers nous disent depuis longtemps que ce ne sont pas les espèces qui brûlent, ce sont les peuplements et leur structure : un bois très dense, très touffu est inapprochable, quand il y a le feu, quelle que soit sa composition. N’ayons pas peur du pin d’Alep qui est d’ailleurs maintenant classé comme excellent pour le sciage et qui pourra bientôt valoir mieux que d’être trituré. Mais, on n’en plante quasiment plus.
Vous parlez de l’expansion de la forêt par recul des exploitations agricoles. N‘y va-t-il pas une « forêt » particulière qui s’est installée dans les espaces pavillonnaires qui ont vieilli : le sapin de Noël dépasse les toits, les haies sont devenues géantes, les bambous poussent leurs rhizomes, avec un écosystème plutôt verdoyant, est-ce une nouvelle forêt périurbaine ?
J. B. : Oui, la forêt continue de se développer dans les terres abandonnées par l’agriculture où se développe encore trop souvent une urbanisation diffuse, désordonnée et coupable. Il s’y crée un système de banlieues boisées, qui n’a guère à voir avec une forêt qui, elle, est un système naturel très sobrement géré sur un principe simple : « aider la nature à faire son œuvre ».
Les banlieues, les lotissements deviennent des poudrières
Ces banlieues sont, je l’ai dit, le premier danger pour nos forêts et leur végétation est porteuse de risques d’incendie et de pollution générique. Le bambou, par exemple n’a rien à voir avec nos végétaux provençaux ; les haies entre les jardins sont des mèches pour le cheminement des feux, etc. Il faut gérer cela comme des jardins très artificiels et ne pas abandonner cette végétation à son évolution naturelle après les premières années d’enthousiasme des nouveaux résidents, car très vite ces banlieues deviennent des poudrières. Et il faut absolument exécuter les opérations de débroussaillement réglementaires (ORD), prévues par les textes et obligatoires.