« C’est pas être contre et dire je ne veux pas. Nous sommes tout à fait pour une cité judiciaire moderne mais la fonction de la justice, c’est dans le centre-ville. » Le président de la CCI métropolitaine Jean-Luc Chauvin qui présentait ses voeux à la presse jeudi 30 janvier au matin au Palais de la Bourse est revenu en détails sur le projet de transfert de la cité judiciaire. Actuellement située dans le quartier Monthyon (6e arrondissement), le déménagement est programmé sur le périmètre d’Euroméditerranée comme l’avait acté au printemps dernier l’ancien garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti (voir notre dossier).
Mais pour Jean-Luc Chauvin, le dossier est loin d’être bouclé. Il évoque à la fois les changements de gouvernement avec des propos modérés sur le dossier des ministres de la Justice successifs des gouvernements Barnier et Bayrou. Surtout, le président de la chambre pointe le coût du projet qui selon lui a été sous-estimé ainsi que la complexité de réaliser le projet sur le site retenu à Arenc en zone inondable. « A l’arrivée, je vous le dis, cela coûtera 500 millions d’euros et pas 350 (…) sans compter le manque à gagner pour l’établissement Euroméditerranée qui pourrait vendre le terrain à une valeur de marché.»
Il poursuit devant la presse : « Aujourd’hui on essaye de vous faire croire que c’est fait. Moi je dis que ce sera le cas quand le permis de construite sera déposé et la première pierre posée… Ce ne serait pas la première qu’un projet serait abandonné… »
300 commerces menacés de fermeture
La CCI AMP a mené une étude d’impact du transfert de la cité judiciaire vers Arenc pour l’activité du centre-ville. Elle évalue à 18,3 millions le manque à gagner en chiffre d’affaires et anticipe la fermeture de 300 commerces situés à moins de dix minutes à pied du palais de justice. Une nouvelle étude menée par l’Agam et l’Insee à la demande du préfet confirme ces chiffres assure Jean-Luc Chauvin qui se félicite de la qualité du travail mené par la chambre.« L’enjeu est colossal et on ne va pas arrêter le combat » lance celui qui depuis l’annonce du projet de transfert vers Euroméditerranée dénonce les risques de déstabilisation du centre-ville déjà fragilisé par la situation économique.
Pour faire plier l’Etat, Jean-Luc Chauvin en appelle à « des gestes forts.» Il invite les trois exécutifs locaux (la mairie de Marseille, la Métropole et la Région, ndlr) à se réunir autour de la CCI pour trouver des solutions et faire des propositions pour faire plier le gouvernement.
Un Centre Bourse réaménagé
En attendant, il plaide désormais clairement pour la localisation de la cité judiciaire au Centre Bourse. Le centre commercial géré par Klépierre va perdre cette année son principal occupant avec le départ des Galeries Lafayette. Sur ce site, Jean-Luc Chauvin estime que le risque est d’avoir la plus grosse friche commerciale de France au coeur de la 2e ville de France. Cela fait plus d’un an que c’est annoncé et qu’on le sait et qu’on le dit. L’annonce des Galeries Lafayette pourrait très bien entraîner d’autres départs. « C’est pas une bonne nouvelle pour l’ensemble de la galerie, pour le Centre Bourse et pour le centre-ville. Cela fait encore une diversité d’offre qui disparait. Et pour éviter cette friche, pourquoi ne pas y installer la cité judiciaire » suggère-t-il
Et il argumente, chiffres à l’appui : « Les Galeries Lafayette, c’est 22 000 mètres carrés qui vont être libérés. le Centre Bourse c’est 48000 m2. La cité judiciaire c’est aujourd’hui 40000 mètres carrés. Donc il y a la place. Le parking existe déjà. Et contrairement à ce que disent certains, il n’est pas besoin de raser le bâtiment pour installer la cité. C’est faux. Il s’agit d’un projet de réaménagement pour tenir compte des besoins des magistrats, des professionnels de la justice. C’est un projet de cloisonnement. »
Au Centre Bourse : plus vite, moins cher et bénéfique pour le centre-ville
Selon le président de la chambre, cette localisation aurait trois bénéfices majeurs. D’abord, aller beaucoup plus vite : « Les Galeries Lafayette fermant en 2025, on est capable de livrer les locaux en 2029 – 2030 face à un projet à Arenc qui sera plutôt à horizon 20235 2036. » Ensuite, faire des économies :« le coût pourrait être divisé par deux ou trois » estime Jean-Luc Chauvin. Troisième bénéfice : « éviter de sacrifier le centre-ville et aussi recoudre les deux côtés du bas de la Canebière. Nous sommes sur un vrai projet d’urbanisme. » Il envisage aussi une rénovation des façades du World Trade Center, voisin du site, et parle d’un vrai projet de reconquête qui pourrait aller jusqu’à la porte d’Aix.
ll suggère en parallèle que la CCI mène une grande étude sur la redynamisation du centre-ville à l’instar du travail réalisé par la CCI AMP pour Aix-en-Provence ou Salon, deux centres-villes qui fonctionnent plutôt pas mal… »
De son côté, l’exploitant actuel du Centre Bourse, la foncière spécialisée Klépierre, ne commente pas le départ des Galeries Lafayette ni les propositions de la CCI. En revanche, elle communique sur la dynamique de son centre grâce notamment l’arrivée de Lidl à l’automne dernier. Un contre-pied aux inquiétudes exprimées sur l’avenir commercial du site.