L’Hôpital européen (Marseille) construit son entrepôt de données de santé

L’acronyme EDS fait son entrée à l’hôpital, il sera bientôt aussi courant que l’IRM ou l’AVC. Un « entrepôt de données de santé » est une base de données centralisée qui regroupe les informations provenant des dossiers médicaux électroniques (DME), des résultats de laboratoire, des images médicales, des prescriptions et des données de facturation.

La France accuse un retard dans la mise en place des entrepôts de données de santé hospitaliers, EDSH. En 2022, la Haute autorité de santé (HAS) avait révélé des chiffres et une situation critiques : « Dans son rapport, la HAS a recensé 22 EDSH, dont 17 constitués au sein d’un centre hospitalo-universitaire et 5 au sein d’un autre type d’établissement de santé. Il y a peu d’EDSH en France et ils sont principalement hospitalo-universitaires car leur mise en place est couteuse et elle n’est pas à la portée de tous les hôpitaux. Il existe en effet une disparité de taille des équipes participant à la construction et à la gestion des EDSH (de 0,5 à 70 équivalents temps plein) et de types de données collectées. Les EDSH ont un socle commun de données autour des données administratives, des textes cliniques, de la biologie, du circuit du médicament… et un socle variable de données dans leur format ou leur construction. Cette hétérogénéité complexifie l’utilisation conjointe de plusieurs EDSH à des fins de pilotage ou de recherche sur le plan national. »

L’Hôpital européen à Marseille est en plein chantier numérique et vient de recruter un data-scientist pour transformer les informations médicales en outil de recherche clinique et en appui aux soins. Virginie Roger est DSI, directrice de la transition numérique depuis une année et elle participe à un projet porté par l’association Respic dédiée à la recherche, collectif fondé par une dizaine établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic) dont l’Hôpital Saint Joseph, opérant dans 36 spécialités médicales.

France 2030 en santé

Ce projet baptisé Edgar 2030, lancé par l’Hôpital Foch (Paris) a été sélectionné dans le cadre de l’appel à projets « Accompagnement et soutien à la constitution d’entrepôts de données de santé hospitaliers » lancé par France 2030. Il vise à structurer une plateforme interrégionale en mettant en réseau les entrepôts de données de santé (EDS).

Un potentiel de 3,2 millions de patients

BPI France apporte la moitié des financements de ce projet, qui fédère les établissements avec une solution commune et des modèles partagés d’interopérabilité pour un potentiel de 3,2 millions de patients.

Edgar pour Entrepôts de données groupés de l’association Respic réunit des membres de la Fehap (la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne) : l’Hôpital Foch (Suresnes), le Centre Hospitalier Saint-Joseph Saint Luc (Lyon), la Fondation Hôpital Paris Saint-Joseph, le Groupement des hôpitaux de l’Institut catholique de Lille, le Groupe Hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon (Paris), le Groupe hospitalier mutualiste de Grenoble, la Fondation Adolphe de Rothschild (Paris), l’Hôpital Saint-Joseph (Marseille) et l’Institut mutualiste Montsouris (Paris).

Ils sont accompagnés par la start up Codoc, une spin off de l’APHP qui vient de boucler une levée de fonds. Codoc permet de fouiller la mémoire collective hospitalière d’un établissement grâce à « son moteur de recherche à la Google, pour une application pragmatique de l’intelligence artificielle en santé, au bénéfice des patients », décrit son créateur, Nicolas Garcelon.

Embarquer les médecins…

Pour l’Hôpital européen le potentiel est évalué à 700 000 patients qui sont passés rue Désirée Clary depuis 10 ans. Mais le projet Edgar devra d’abord traiter les données contemporaines des 110 000 patients qui poussent les portes chaque année. Car l’enjeu paraît évident, mais les données accumulées ne sont pas exploitables en l’état. « C’est un projet structurant et stratégique, souligne pour Gomet’ Virginie Roger. Pourtant au départ nos données ne sont pas numérisées et normées, nous ne sommes pas une société de marketing. Nous avons encore beaucoup de supports papier, voire des manuscrits ! Nous devons embarquer les médecins, nous leur proposons des outils pour verser des datas normalisées dans notre base. Nous avons depuis 10 ans, à la création de l’Hôpital un dossier patient informatisé unique (le DPI) pour l’ensemble des spécialités, il est, jusqu’à aujourd’hui, destiné au soin. » Un collecteur permet depuis trois ans de basculer les examens et comptes rendus directement vers l’espace santé personnel du patient.

Où en sommes-nous ? Une gouvernance spécifique a été mise en place et doit délivrer au quatrième trimestre 2025 cet entrepôt de données de santé. Le principal travail sera ensuite, non pas l’exploitation, mais la qualification, le contrôle des données. Puis leur pseudonymisation une fois que les patients auront donné un accord explicite sous le contrôle de la CNIL.

Fin 2025, Edgar pourra mettre à disposition des chercheurs son entrepôt : ils pourront suivre, évaluer et traiter des cohortes de patients.

CIP Provence : la Data, l’or noir de la transformation digitale ? 

Le Club informatique Provence a réuni le 13 mars dernier son traditionnel dîner des Décideurs IT sur le thème : « La Data, l’or noir de la transformation digitale ? » Virginie Roger y intervenait comme directrice de la transition numérique, avec Nicolas Pruvost, directeur de la transition digitale chez Alinéa et Jean-Rémi Scriva, DSI du groupe Arcade.

Entre l’immobilier, la santé et la distribution, les niveaux de mobilisation sont différents, même si tous sont engagés dans des politiques d’optimisation des données. Alinéa a pu ainsi redémarrer après la crise qu’a connue le groupe grâce à une connaissance fine des attentes de ses clients accumulées par son CRM pendant des années. Mais tous ont souligné que l’application numérique, l’intelligence artificielle, ne pouvaient valoriser cette richesse, que si l’information saisie est fiable, vérifiée, qualifiée, ordonnée. Le data-scientist ne peut intervenir que si la caissière, le toubib ou le concierge ont fait le job. Et il ne peut y avoir d’artifice !

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