Marseille, lanterne rouge des villes où il fait bon rouler à vélo. Encore. La fédération des usagers de la bicyclette (FUB) vient de publier son nouveau baromètre. L’enquête en ligne réalisée entre le 14 septembre et le 30 novembre 2021 classe la cité phocéenne à la dernière place (38ème) du classement annuel des « grandes villes cyclables » – c’est-à-dire celles de plus de 200 000 habitants. Marseille obtient cette année la triste mention « très défavorable » avec un score de 2.01 (contre 1.96 l’année dernière). En un an, rien n’a changé, ou presque. Le sentiment global des usagers marseillais, un des critères de notation, est passé de « limité » à « insupportable ». Les thématiques « sécurité », « confort » et « efforts de la ville » plombent assez nettement la note globale.
Pendant ce temps, le groupe de tête (Grenoble – Strasbourg – Rennes – Lyon – Annecy – Nantes) poursuit son ascension. En septembre dernier, Marseille s’est également positionnée au dernier rang du baromètre des « villes marchables » (200ème) en France. Marseille décroche enfin la médaille d’argent des agglomérations les plus congestionnées, derrière Paris – les automobilistes marseillais passent en moyenne 80 heures par an dans les bouchons.
Qu’est-ce qui cloche à Marseille ?
Contacté par la rédaction ce jeudi 17 février, Thomas Chaussade, président du collectif marseillais Vélos en ville, n’est pas surpris par cette dernière position. Selon cet usager cycliste, il existe pourtant des motifs d’espoir, et des solutions pour que Marseille rattrape son retard.
Quel est votre sentiment devant les résultats de l’enquête menée par la FUB ?
Thomas Chaussade : Pas beaucoup de surprise. Le classement est sans appel. Mais ce qu’il faut bien noter, c’est la grosse augmentation de la participation citoyenne (ndlr : +50% par rapport à la dernière édition du baromètre). Cela montre que la population marseillaise s’intéresse aux problèmes de la politique cyclable. C’est une bonne nouvelle.
Des améliorations tout de même ?
TC : On peut noter quelques aménagements créés. Mais ils ne sont pas réfléchis. On constate un manque de réflexion des aménageurs, principalement les techniciens de la Métropole Aix-Marseille. On observe dans le 5e arrondissement de plus en plus de double-sens cyclables, c’est bien, mais c’est mal pensé. Les travaux sur le Jaret, sur le cours Lieutaud… ça part d’un bon sentiment, mais encore une fois, et on l’a dit à la Métropole : c’est mal foutu, c’est dangereux. Les pistes cyclables sur trottoir, c’est non ! Maintenant on ne va pas tout refaire, ça coûterait des centaines de millions d’euros. Au global, peu d’améliorations, et peu d’avancées par rapport au plan vélo lancé en 2019. On est à la moitié, et on ne voit rien de concret. Pourtant les mairies demandent plus d’aménagements.
À vélo, on a l’impression qu’une voiture peut nous couper en deux à chaque seconde.
La Corniche Kennedy, un motif de satisfaction ?
TC : La Corniche, c’est bien, c’est tranquille, mais c’est plus un itinéraire de promenade. En plus, pour y accéder, il faut passer par le boulevard Charles Livon. Et là, à vélo, on a l’impression qu’une voiture peut nous couper en deux à chaque seconde.
Quel regard portez-vous sur l’offre croissante de vélos en libre service à Marseille ?
TC : Des vélos c’est bien, mais le tarif est exorbitant. C’est un service principalement utilisé par les touristes. Pour un usage au quotidien, c’est très très cher (ndlr : 24,99€ par mois pour Dott, contre 39,99€ pour Lime). Ce qui est bien en revanche, c’est que la mairie insiste sur le stationnement régulé de ces vélos en free floating.
Comment Marseille peut remonter au classement FUB ? Des solutions ?
TC : On a interpellé la Métropole très récemment sur la mise en place de panneaux N12. Ce sont des cédez-le-passage cycliste, qui permettent aux usagers à vélo de “griller” un feu rouge tout en respectant la loi. Cela ne coûte rien, et il existe des centaines d’endroits à Marseille où on pourrait en installer. Il existe aussi des box sécurisés à Marseille, notamment sur l’esplanade de la gare Saint-Charles. Ce genre de box, il faut qu’il y en ait partout en ville. Aujourd’hui, si je veux faire du shopping rue Saint-Ferréol, je n’ai pas d’emplacement pour garer mon vélo en toute sécurité.
Les Bouches-du-Rhône dans le rouge
Au baromètre des villes cyclables, les communes du département affichent une moyenne très faible. Si Marseille est dernière des grandes villes à l’échelle nationale, au niveau du département, deux communes font pire : les Pennes-Mirabeau (1.93) et Carry-le-Rouet (1.91). Aix-en-Provence s’en sort avec la note modeste de 2.55. À noter, tout de même, la très bonne performance de La Roque d’Anthéron (3.91), seule commune des Bouches-du-Rhône dans le vert foncé. À l’échelle régionale, Nice (2.60) et Toulon (2.36) ne compensent pas vraiment les difficultés marseillaises. Décidément, le Sud n’est pas (encore) une terre de vélo.
Liens utiles :
> [Dossier] Vélo à Marseille : assez des bâtons dans les roues !
> Plan vélo : « La Métropole n’atteindra pas ses objectifs en 2024 » (collectif Vélos en ville)
> Pistes cyclables : Audrey Gatian souhaite « un maillage plus fin » du territoire marseillais
> 2020 : Palmarès des Villes cyclables : Marseille toujours dans la voiture balai
> [Mobilités] Après Lime, Dott déploie ses vélos électriques à Marseille