A l’occasion du tricentenaire de la peste, le Musée d’Histoire de Marseille devait accueillir pendant quatre jours un colloque scientifique réunissant une trentaine de chercheurs. C’était avant l’annonce du confinement qui a fortement perturbé le programme.
« Personne ne pouvait imaginer il y a encore quelques mois que le tricentenaire de la peste à Marseille allait se tenir en pleine pandémie ». Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture à la mairie de Marseille n’est pas le seul à souligner ce parallèle historique lors de l’ouverture du colloque « Loimos, pestis, pestes. Regards croisés sur les grands fléaux épidémiques » initié par le musée d’Histoire de Marseille. Ce mardi 27 octobre, dans l’auditorium de l’institution et sous l’égide de son directeur Fabrice Devise, les cinq intervenants ont un à un rappelé la résonance dans l’actualité de cet évènement organisé à l’occasion des 300 ans de la peste (1720-1722) dont la commémoration s’étalera sur deux ans.
Pendant quatre jours, du mardi 27 au vendredi 30 octobre, grâce à un partenariat entre la Ville, les musées de Marseille et le monde de la recherche relié à Aix-Marseille Université et au CNRS (laboratoires Textes et documents de la Méditerranée antique et médiévale (TDMAM), Anthropologie bio-culturelle, droit, éthique et santé (ADES), Temps, Espaces, Langages, Europe Méridionale (TELEMMe), et la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme), près d’une trentaine de chercheurs et spécialistes devaient apporter leur regard d’expertise.
Eclairer l’actualité grâce aux crises du passée
Le colloque pose ainsi la question suivante : « De quels savoirs disposons-nous pour penser les grands fléaux épidémiques ? ».« Pendant longtemps la seule solution face à cet inconnu était la fuite », rappelle premièrement Jean-Marc Coppola, puis Aurélie Biancarelli-Lopez, adjointe à l’enseignement supérieure. Option rendue impossible aujourd’hui. Alors, comment ce colloque scientifique peut-il éclairer le présent ?
« Réfléchir sur les épidémies en 2020 implique nécessairement d’autres regards, d’autres méthodes et des regards croisés de biologistes, d’épidémiologistes, d’historiens, d’archéologues, de philosophes etc »
Sophie Bouffier, directrice de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme
« Le comparatisme est l’une des clés de compréhension », intervient Sophie Boufffier, directrice de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme. « Réfléchir sur les épidémies en 2020 implique nécessairement d’autres regards, d’autres méthodes et des regards croisés de biologistes, d’épidémiologistes, d’historiens, d’archéologues, de philosophes etc », poursuit-elle en insistant sur l’importance du dialogue entre les sciences humaines et sociales et les sciences dites dures. Deux univers souvent opposées mais qui collaborent, à Marseille du moins, depuis quelques années déjà, se félicite Emmanuèle Caire, directrice du laboratoire TDMAM. Les deux directrices remercient le musée d’Histoire, nouveau maillon de ce partenariat scientifique, d’accueillir cette rencontre et surtout de la diffuser en direct sur sa chaine You-Tube en permettant ainsi d’accrocher une audience plus large. « Ce colloque doit être profitable à l’ensemble de la société », adresse Emmanuèle Caire.
Colloque scientifique
— Musées de Marseille (@museesmarseille) October 8, 2020
🔎 Regards croisés sur les grands fléaux épidermiques.
Loimos, Pestis, Pestes.
📌 Du 27 au 30 octobre 2020
Musée d’Histoire de Marseille
👀 Renseignements et réservation : https://t.co/yXDIQMF68l pic.twitter.com/EDiOdEhbcP
Des interventions aux messages politiques
S’adresser à la société civile mais pas que. Les intervenants ont aussi adressé un message aux politiques. « Je suis profondément convaincue de l’importance des sciences dans l’éclairage de la décision politique », prononce Aurélie Biancarelli-Lopez. Sur le même ton, Philippe Delaporte, vice-président de la recherche à Aix-Marseille université, et qui entend lui redonner un rôle de médiateur dans les débats actuels, livre son opinion : « Ce colloque est un exemple de la manière dont une analyse pluridisciplinaire des crises passées peut éclairer la crise actuelle, notamment sur les prises de décision ». Il poursuit : « Les décisions ne se prennent pas toujours dans l’urgence. Il faut prendre le temps de réfléchir ».
La sélection de Gomet’ :
> Mardi 27 octobre
► Contrôle de l’espace urbain pendant la peste et tactiques quotidiennes des habitants.
15h15 – 15h40 | Fleur Beauvieux, EHESS, Aix-Marseille université, Université d’Avignon, CNRS, Centre Norbert Élias
> Mercredi 28 octobre
► Albert Camus, lecteur de Thucydide, et la genèse de La Peste.
14h55 – 15h20 | Paul Demont, Sorbonne Université
► Les gestes barrières lors des épidémies antiques.
16h – 16h25 | Philippe Mudry, Université de Lausanne.
> Jeudi 29 octobre
► Se protéger et repousser la contagion en Provence en 1720-1722 : comment et avec quels résultats ?
14h30 – 14h55 | Gilbert ButI, Aix-Marseille université, CNRS, TELEMMe
► Qui meurt de la peste ? Approche interdisciplinaire.
15h20 – 15h45 |Caroline Costedoat, Aix-Marseille université, CNRS, EFS, ADES
> Vendredi 30 octobre
► Les pandémies aujourd’hui : comment gérer l’incertitude et les dilemmes moraux ?
14h50 – 15h15 | Pierre Le Coz, Académie nationale de médecine, Aix-Marseille université, CNRS, EFS, ADES