C’est un enfer quotidien. Chaque jour, le trajet pour les petits élèves de l’école Breteuil et leurs parents s’avère être un parcours du combattant. Trottoirs étroits et bordés de barrières où se crée rapidement un embouteillage de piétons aux heures d’entrée et de sortie de l’école, voitures et motos rugissantes qui remontent la rue dans un vacarme à crever les tympans. Sans parler de l’odeur persistante de gaz des pots d’échappements qui, confinés entre les immeubles, rendent l’air de la rue tout bonnement irrespirable … Pour s’épargner ces nuisances, certains parents optent pour « le dépose-minute » devant l’école. Une pratique qui contribue à alimenter les problèmes de circulation et de pollution sur cet axe déjà très fréquenté.
Ce n’est donc pas par hasard que l’adjoint à la sécurité de la Ville de Marseille, Yannick Ohanessian, est venu devant cette école, mardi 12 octobre, pour présenter à la presse le dispositif « Petits piétons» mis en place pour la première fois jour-là. Il a vocation à se déployer dans les écoles au sein des noyaux villageois. Le concept : des retraités embauchés comme vacataires par la mairie assurent la sécurité des enfants et parents qui traversent. Equipé d’un petit panneau rond « Stop Ecole», l’un des vacataires se met en travers du passage piéton et fait signe à ceux-ci de traverser. « La présence humaine aux abords des écoles est multipliée par trois, à la fois avec le renforcement des effectifs de police municipale, les médiateurs sociaux, les agents de surveillance de la voie publique et désormais ce nouveau dispositif Petits piétons, sur une quarantaine d’écoles identifiées dans les noyaux villageois ». Pour l’heure, une vingtaine d’agents ont été embauchés, pour un objectif de 60 recrues à long terme.
Pallier l’absence d’aménagements de voirie pour sécuriser les abords de l’école
Un dispositif qui rassure et rencontre l’approbation des parents, certes. Mais certains n’hésitent pas à interpeler l’élu sur d’autres problèmes : « On nous avait promis un élargissement du trottoir, une sécurité supplémentaire au niveau du passage piéton au dessus de l’école, ainsi qu’un parking vélo. Et puis plus rien », déplore une maman d’élève (le vrombissement assourdissant des voitures qui frôlent le trottoir au niveau de l’école ne nous permettent même pas d’entendre son nom). Face à la non concrétisation de ce projet tant espéré, l’incompréhension et l’inquiétude règnent parmi les parents massés ce jour-là devant l’école.
Des préoccupations entendues par la mairie de secteur. « Nous sommes conscients que l’opération Petits Piétons est clairement insuffisante pour résoudre les problèmes de circulation dans cette zone », concède Juliette Masson, adjointe au maire du 6-8, compétent dans le secteur Breteuil. De facto, un projet de sécurisation de la circulation aux abords de l’école était sur les rails … avant d’être stoppé net, sans raison apparente. « Nous avons fait remonter des incohérences à la Métropole Aix-Marseille Provence , par exemple un projet de chicanes au dessus de l’école. Or, nous ne voyions pas trop l’intérêt de placer un ralentisseur une fois passée l’école … Depuis, nous n’avons plus de nouvelles du projet » relate Anne Meilhac, adjointe en charge des espaces verts et de la transformation de l’espace public, à l’occasion d’un point presse organisé à la mairie de Bagatelle (8e).
« La sécurité routière passe par la prévention, et donc par les aménagements de voirie »
Anne Meilhac, adjointe en charge des espaces verts et de la transformation de l’espace public
Quant à la question du renforcement de la police municipale pour limiter les excès de vitesse et le stationnement gênant, la mairie nuance : « Certes, la surveillance doit être accrue. Mais la prévention est aussi importante que la répression, et elle passe par de meilleurs aménagements de la voirie ».
Dialogue de sourds entre la Métropole et la mairie du 6-8 sur les questions de voirie
Le cas de l’école Breteuil est loin d’être isolé : parmi les sorties d’école à haut danger, on peut également citer l’école de la Guadeloupe (quartier Vauban, 6e), l’école du Lapin Blanc, les écoles du Rouet (8e), ou encore l’école Eydoux (6e)… Des situations au sujet desquelles la mairie du 6-8 dit avoir interpelé à plusieurs reprises la Métropole, et plus spécifiquement le président du Conseil de territoire Marseille Provence Roland Giberti. Pour y mettre fin, la mairie réclame notamment « des plateaux traversants plus élevés, des doubles chicanes et l’élargissement des trottoirs ».
Après une dernière réunion « en mars dernier» selon Anne Meilhac, les courriers adressés à Roland Giberti par le maire du 6-8 sont restés lettres mortes. Pierre Benarroche affirme même ne pas avoir été prévenu de plusieurs projets de réfection de voirie dans son secteur. « J’ai appris par hasard les travaux prévus rue Grignan », s’indigne ainsi l’élu, qui demande à la Métropole de prendre en considération l’avis de sa mairie avant d’agir sur la voirie à l’avenir.
D’autant que ce dernier est en désaccord avec la stratégie adoptée par la Métropole quant à la réfection des voiries, comme il le mentionnait déjà dans une interview accordée à Gomet’ : « C’est du gâchis de dépenser de l’argent pour bétonniser à l’identique, autant en profiter pour ajouter, par exemple, des aménagements cyclables», plaide-t-il.
Dans un dernier courrier en date du 8 octobre, consulté par Gomet’, Pierre Benarroche interpelle une nouvelle fois le président du conseil de territoire sur ses priorités pour 2022 : « Sanctuariser les trottoirs, aménager des pistes cyclables sécurisées et isolées des circulations automobiles, aménager la voirie pour éviter les rodéos et vitesses excessives, respecter toutes les règlementations d’aménagement de voirie ».
« Il faut changer la méthode, mais ce n’est pas simple »
Roland Giberti, président du Conseil de territoire Marseille Provence
Contacté par Gomet’, Roland Giberti reconnaît « des loupés administratifs » et affirme que les courriers précédents de la mairie du 6-8 ne sont pas parvenus jusqu’à lui. Le maire de Gémenos, élu en 2020 président du Conseil, dit souhaiter « changer la méthode pour avoir une communication plus directe avec les élus de proximité, mais il est compliqué de chambouler les vieilles habitudes ». « Je suis pour la proximité et si le maire de secteur souhaite des changements, personnellement, je ne m’y opposerai pas », assure-t-il. Quant à la possibilité d’accéder aux requêtes de la mairie de secteur, le président du Conseil de territoire explique : « Il faut voir si la règlementation et les marchés publics le permettent, si la mairie dispose des crédits nécessaires et ensuite on ouvrira la discussion». Le Conseil de territoire doit d’ailleurs prochainement déterminer la répartition des crédits alloués à chaque ville du territoire à la fois pour les grandes réparations et les grands travaux, affirme Roland Giberti. Il promet en tout cas de faire étudier la lettre de la mairie du 6-8 par ses services et contacter Pierre Benarroche pour s’entretenir avec lui des nombreux problèmes de voirie dans le secteur.
Liens utiles :
> [Interview] Pierre Benarroche : « La Métropole prend en otage les Marseillais » (1/2)
> [Interview] Pierre Benarroche : « La Plaine a besoin de se réinventer » (2/2)
> L’actualité de la Métropole et de la Ville de Marseille dans notre rubrique politique