Gomet’ avec ses partenaires, Région Sud Investissement et le cabinet Crowe Ficorec, publie tous les semestres le baromètre métropolitain des levées de fonds. Cet automne, nous publions l’ensemble des données et analyses du premier semestre 2021. Pierre Joubert, le directeur général de Région Sud Investissement, fonds le plus actif dans la région, revient sur ce début d’année 2021 avec une belle croissance de son activité et des perspectives encore plus fortes dans les mois et années à venir.
Quelles sont vos performances en ce début d’année ?
Le début d’année s’est révélé particulièrement riche pour Région Sud Investissement. Nous avons bouclé six opérations sur ce premier semestre dans les Bouches-du-Rhône (contre cinq en 2020, NDLR) et douze au total dans toute la région. La Métropole Aix-Marseille Provence reste notre territoire le plus dynamique. Au total, depuis janvier, nous avons signé pour 5,6 millions d’investissements et nous devrions finir l’année aux alentours de 12 millions d’euros. Nous avons encore de nombreux dossiers à l’étude partagé entre l’amorçage et le capital développement.
Quelles sont les filières les plus dynamiques dans la région ?
Globalement, ce sont toujours les secteurs numériques et santé qui réalisent le plus d’opérations. C’est une tendance qui existe depuis plusieurs années maintenant. Par contre, nous avons davantage de sociétés industrielles, tous domaines, qu’auparavant. Nous ne les retrouvons pas encore dans les chiffres du premier semestre mais cet été, nous avons réalisé plusieurs deals dans la microélectronique. Les jeunes entreprises de la région sont très fortes dans ce domaine et elles ont besoin de cash pour passer à l’étape de l’industrialisation de leurs produits. Je pense notamment à l’aixois Wise Integration qui a levé 2,7 millions. Comme je le disais, les sociétés dans le domaine de la santé sont toujours très présentes, même un peu plus que les autres années. Sur les six opérations de Région Sud Investissement de la Métropole au premier semestre, trois concernent le médical (IntecMedia, Mimabs et CrocosGo Digital). Cela confirme l’excellence de la recherche dans les sciences du vivant à Marseille et positionne la région comme un pôle très attractif dans le domaine. L’écosystème sur la santé est très bien structuré.
Les opérations sont-elles plus ou moins importantes comparées aux années précédentes ?
Le ticket moyen a augmenté de manière générale. Les levées sont plus grosses que sur les années précédentes. Chez Région Sud Investissement, cela s’explique surtout par notre changement de positionnement. Nous visons davantage les projets industriels et cela demande des moyens plus importants. Mais quand on regarde les sommes levées, on voit effectivement une hausse des montants. Les demandes ont également évolué avec une demande plus importante soit pour financer des outils productifs, soit pour financer du stock.
Globalement, comment se portent les entreprises accompagnées par Région Sud Investissement ?
Plutôt bien. L’une des grandes nouveautés pour Région Sud Investissement, c’est l’augmentation du nombre de sorties. Contrairement à beaucoup de fonds, nous sommes un fonds patient. Nous restons dans l’entreprise tant qu’elle a besoin de nous et nous essayons de suivre les tours de table successifs. Nous avons beaucoup investi dans des opérations d’amorçage pour des sociétés naissantes au début de notre histoire. Il faut en moyenne une dizaine d’années pour que ces dernières arrivent à maturité. Aujourd’hui, cette stratégie s’avère payante même si ce n’est jamais facile d’attendre la rentabilité pendant des années. Il vous faut de l’argent et des partenaires solides au fur et à mesure des besoins financiers. Au 30 juin, nous avons réalisé trois sorties de capital avec de belles perspectives pour la suite. Pour que la stratégie soit efficace, il nous faut rendre nos participations visibles auprès d’autres industriels ou investisseurs. Ca a été le cas avec cette belle entreprise qu’est Ideol, fabricant de flotteur pour éolienne en mer à la Ciotat. En février, nous avons cédé nos parts à un nouvel actionnaire, le norvégien BW offshore. Espérons que la tendance se confirme et que nous puissions annoncer de belles cessions dans les prochaines semaines.
Que deviennent ces revenus générés lors des sorties ?
Il faut bien comprendre que le rôle d’un investisseur est de prendre une participation puis de sortir, si possible avec une plus value. RSI est un fonds institutionnel et à ce titre, il intervient dans des phases risquées de la vie de l’entreprise, pour inciter les fonds privés à intervenir en même temps que lui. Actuellement, lorsque RSI met 1 €, il y a 6 € d’argent privé qui entre ensuite dans l’entreprise ! Puis, nous devons envisager de sortir quand on estime que ce n’est plus notre rôle de poursuivre le développement de l’entreprise, que les principaux risques sont derrière nous. A ce moment là, l’argent est récupéré avec, si tout va bien, une plus value. Et cet argent est réinjecté dans l’économie ! Cela signifie qu’un euro investi permettra d’entrainer encore 6 euros d’argent privé soit 12 euros au total ! Tout ça pour permettre aux entreprises de se développer sur notre territoire et de créer de l’emploi. Les premières années d’un fonds comme Région Sud Investissement sont nécessairement douloureuses car nous faisons peu de plus values et pas mal de pertes. Puis la courbe s’inverse comme une courbe en J et l’objectif consiste à tenter de récupérer les fonds que nous avons investis, voire un peu plus. Compte tenu de notre configuration et des orientations que nous avons prises, nous espérons être à terme le premier fonds régional à atteindre l’équilibre. La feuille de route que nous avons rédigée nous permet d’envisager d’atteindre un recouvrement de nos fonds à hauteur de 70% en 2023. Ce serait une performance assez exceptionnelle mais il est encore trop tôt pour conclure que nous y arriverons. Même si la tendance est à l’optimisme..
Où en est la préparation de votre troisième fonds d’investissement ?
En partenariat avec l’Europe, nous pensons lancer un petit fonds intermédiaire de 10 millions d’euros au printemps pour faire le bridge entre le gros fonds «RSI 2 » et le futur fonds « RSI 3 » qui arrivera en fin d’année 2022, voire en 2023. Le montant de ce dernier n’est pas encore fixé mais il sera sans doute assez important et couvrira nos 5 futures années d’investissement. A l’occasion de la création de ce nouveau véhicule, nous allons proposer également d’augmenter le seuil maximal de deux millions d’euros d’investissement par participation qui est notre limite actuelle, de manière à davantage répondre aux besoins des entreprises.
La région est-elle plus attractive qu’avant pour les grands fonds nationaux ?
Le profil de nos co-investisseurs a effectivement changé. Nous restions très local au démarrage mais aujourd’hui Région Sud Investissement est considéré comme un fonds solide, avec une stratégie claire qui s’inscrit dans le temps. Nos partenaires sont donc de plus en plus des fonds institutionnels nationaux, voire internationaux. C’est une vraie preuve de reconnaissance du marché. Nous sommes vraiment à l’échelle européenne aujourd’hui.
Si les fonds nationaux et internationaux s’intéressent de plus en plus aux entreprises locales, sont-ils prêts pour autant à venir s’installer physiquement dans la région ?
Oui. Je ne peux pas encore vous dire lesquels mais plusieurs acteurs réfléchissent et certains vont bientôt annoncer leur arrivée. Un très gros opérateurs est en train de s’installer sur Nice et un autre s’interroge sur Marseille. Il s’agit de fonds capables de partager le risque, ce qui est un atout pour les entreprises innovantes de notre région. L’association Ambition Capital dont nous sommes membres, a permis au secteur de se structurer. Nous intervenons souvent à plusieurs sur le même projet, il est donc important de se connaitre. Localement, nous avons de plus en plus d’opérations avec des fonds nationaux présents localement, ce qui incite aussi les autres fonds nationaux localisés hors région à essayer de « se faire une place » et à venir en Région Sud pour mieux identifier en amont les futures pépites.
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