Par Hervé Nedelec
En déclenchant, après une décision prise en comité restreint, la bombe des élections législatives, Emmanuel Macron a fait table rase de bien des chantiers en cours. Les Jeux Olympiques passés, il y a fort à parier que la fin de l’été soit à l’orage lorsque se dessinera une majorité au Palais Bourbon. Nombre d’observateurs laissent entendre, sondages à l’appui, qu’elle sera, quoi qu’il advienne, relative. Elle risque donc fort d’être exposée à des turbulences plus violentes encore que celles traversées par l’Assemblée Nationale depuis 2022. Deux années pendant lesquelles LFI, le RN ou LR ont transformé l’hémicycle en ring de boxe quand ce n’était en criée aux poissons. Ainsi l’a voulu le Président porté par des troupes réduites. A ses risques et périls il a persisté à se vouloir le champion de la disruption, avec la complicité active d’au moins deux de ses alliés objectifs Mélenchon et Le Pen.
Le pays retiendra par conséquent son souffle jusqu’au 7 juillet au soir, mais l’automne s’annonce d’ores et déjà venteux avec à coup sûr de fortes précipitations. Cette météo-là n’épargnera pas Marseille à un moment clé de son histoire. Elle a de nombreux défis à relever pour combler des décennies d’incurie politique mais doit aussi faire face à des urgences vitales. On citera dans le désordre la pollution de plus en plus prégnante, les transports toujours inégalitaires, les quartiers désespérément à l’abandon, les services publics encore délabrés, les écoles à peine convalescentes, le petit commerce du centre-ville en souffrance…
Les scrutins à venir devraient confirmer par ailleurs, à travers l’expression du suffrage universel, combien cette ville est fragmentée confirmant pour les uns l’apartheid social qui les repousse toujours plus vers le néant, incitant les autres à se recroqueviller sur un vote sans issue qui ne leur épargnera pas les conséquences du tsunami à venir.
Chaque camp marque du coup son territoire dans le désordre le plus absolu ce qui aggrave la lisibilité de la carte électorale. On voit ainsi un insoumis validé malgré ses outrances et une violence assumée dans les quartiers nord, lorsque plus au centre un autre LFI reconnu pour son expertise écologique et sa propension à débattre est sanctionné pour n’avoir pas sacrifié au culte robespierrien de l’être suprême.
On assiste aux pantomimes dérisoires des orphelins de l’UMP balançant encore, en attendant un autre sauveur ou un nouvel horizon, entre Macron et les fantômes de ce qui fut un grand parti. On voit se débattre, plus isolés que jamais, les derniers grognards de la Macronie désormais plus proches de Waterloo que d’Austerlitz. On observe des retournements de veste spectaculaires à l’extrême-droite où on se précipite à la table du banquet claironné urbi et orbi par Jordan et Marine.
Marseille en grand remis en cause ?
Si l’on n’avait regretté jusqu’ici que le millefeuille territorial qui entravait la marche en avant nécessaire pour la deuxième ville de France, la photographie partisane que l’on annonce pour le 8 juillet prochain n’est pas de bon augure. Ceux qui s’étaient résolument engagés sur le chemin du renouveau pour la cité deux fois millénaires et avec eux les Marseillais qui attendaient beaucoup de ce printemps prometteur, vont devoir encore patienter pour savoir si cet élan se confirme ou est empêché. Benoit Payan le maire de Marseille avait jusqu’ici trouvé un chemin avec l’aide puissante d’Emmanuel Macron pour regarder – cinq milliards à l’appui – Marseille en grand. Il pouvait compter sur des relais locaux malgré le tango incessant qu’il avait entamé avec Martine Vassal, présidente de la Métropole et du Conseil départemental.
Un président de la République affaibli et privé d’une part importante de ses prérogatives, n’aura pas le même poids dans la période qui vient. On imagine aussi mal les dégâts que peuvent faire des concepts comme la préférence nationale, la guerre aux clandestins, la fin des régimes spéciaux comme celui des intermittents du spectacle, le climato scepticisme. Qui plus est dans une ville cosmopolite, où l’immigration a fait souche, où les sans-papiers constituent un sous-prolétariat largement exploité, où la culture est féconde et crée des emplois, où les pollutions sont dévastatrices pour la santé, où l’habitat indigne gangrène de trop nombreux quartiers… certaines options seraient fatales. Les changements politiques prévisibles au niveau national sont susceptibles d’aggraver la situation de la ville. Le maire de Marseille a compris l’urgence en allant batailler ferme quitte à s’offrir deux nuits blanches dans la capitale. Ce n’est rien à côté de l’insomnie générale qui guette. Charles Baudelaire écrivait dans un moment de lucidité : « Une des plus belles ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas ! ». Après le printemps, les Marseillais ont-ils vraiment envie de s’offrir une saison en enfer ?