Les juges du tribunal de commerce de Marseille ont annulé, jeudi 21 juillet, la décision du conseil d’administration du groupe La Provence le 9 mai qui validait l’offre de rachat faite par le président de la CMA CGM, Rodolphe Saadé. En parallèle, le jugement a suspendu le droit de veto de Xavier Niel (NJJ holding, du groupe Iliad), l’actionnaire minoritaire (11%). Si ce dernier peut encore faire appel, la décision de la cession du groupe de presse reviendra au tribunal de Bobigny le 30 septembre.
Lors du conseil d’administration de La Provence du 9 mai dernier, seuls deux des cinq membres avaient donné leur accord pour la reprise des 89% des parts du groupe à l’armateur marseillais, pour 81 millions d’euros. Les deux autres membres présents lors du conseil, représentant Avenir Développement la filiale de NJJ, s’étaient exprimés contre ce rachat. Mais considérant qu’il y avait conflit d’intérêt, le directeur général du groupe Jean-Christophe Serfati avait refusé de comptabiliser leurs voix. Or, la clause d’agrément résultant des articles 9 et 13 inscrits dans les statuts de la société La Provence, négociés entre l’ancien propriétaire Bernard Tapie (GBT) et Xavier Niel (NJJ), précise que chaque décision doit être prise à l’unanimité par les cinq membres du CA. Le tribunal de commerce a donc annulé la décision du conseil d’administration en faveur de la CMA CGM, puisque la clause d’agrément était en vigueur le 9 mai.
Le tribunal suspend la clause d’agrément de Niel pour conflit d’intérêt
En parallèle, les juges ont prononcé la suspension de cette clause d’agrément le 21 juillet annulant ainsi le droit de veto de Xavier Niel (NJJ). Le tribunal de commerce juge que« de manière incontestable, il existe un conflit d’intérêt pour ces deux administrateurs, chargés des intérêts de la Provence et en même temps représentants une société candidate au rachat des parts sociales de la société GBT.» Cette situation est de« nature à bloquer de façon récurrente tout processus de cession impliquant un administrateur représentant un actionnaire formulant une offre de reprise» expose le jugement.
Pour la CMA CGM comme pour les syndicats, cette décision est rassurante. « Aujourd’hui plus rien ne s’oppose à la cession de l’entreprise à la CMA CGM » se réjouit Julia Sanguinetti, syndicaliste Force ouvrière de Corse-Matin (qui appartient au groupe La Provence depuis 2014) avant de tempérer : « Ce n’est pas non plus un cri de victoire. Nous craignons qu’il (Xavier Niel, ndlr) poursuive sa logique de trainer l’entreprise de procédures en procédures. »
NJJ :« On ne va pas s’arrêter là !»
Des craintes qui semblent justifiées. Contactée par Gomet’, une source proche du dossier dans le camp de NJJ assure : « On ne va pas s’arrêter là !». Ce représentant de la filiale de NJJ, Avenir Développement, laisse clairement planer la menace d’un nouvel appel et fait par de sa surprise face au jugement du tribunal marseillais qui « s’oppose à l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ». En janvier dernier, Xavier Niel avait déjà fait appel à la suite de l’annulation de son droit de veto jugé par le tribunal de commerce de Marseille. Mais la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait révoqué la décision. Toutefois, la cour avait pointé le conflit d’intérêt des membres de la filiale de NJJ dans le rachat des 89% des parts du groupe.
En tant qu’actionnaire minoritaire,Xavier Niel peut toujours faire valoir son droit de préemption. Il pourrait ainsi s’aligner sur l’offre de son concurrent dans la bataille engagée pour la reprise du groupe La Provence. Mais les syndicats présents au sein des CSE (conseil économique et social) du groupe restent favorables à l’offre de rachat de la CMA CGM pour 81 millions d’euros. Elle comporte le maintien des 850 salariés de La Provence et de Corse-Matin, un investissement complémentaire de 50 millions d’euros et la conservation des deux imprimeries (à Marseille et en Corse).
Procédure de sauvegarde ? Rien avant le 30 septembre
Le feuilleton judiciaire engagé depuis l’automne dernier, succédant à plusieurs années d’incertitudes juridiques liées au contentieux de Bernard Tapie avec l’Etat, affaiblit encore un peu plus les deux quotidiens régionaux. Maître Avazeri, l’actuel mandataire social de l’entreprise, alertait le 1er juin, lors d’un CSE extraordinaire, sur la situation catastrophique des finances du groupe : les 15 millions de prêt garanti par l’État (PGE) consommés, des pertes colossales de 600 000 à un million d’euros par mois selon un article du Monde, sans parler de l’absence de « vision stratégique et managériale. » Jean-Christophe Serfati, avait annoncé de son côté l’ouverture d’une procédure de sauvegarde le 7 juin si aucune décision n’avait été actée.
Mais l’heure de la procédure collective ne semble pas venue. Pas avant le 30 septembre, date du jugement de la cession au tribunal de Bobigny. « Il y a un espoir que cette cession aboutisse le 30 septembre au profit du projet de la CMA CGM. On espère que cet espoir ne sera pas freiné par Monsieur Niel. Même s’il fait appel, son offre est peine perdue. Personne n’en veut ! » réaffirme JuliaSanguinetti.
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