Gomet’ édite le Guide Finances 2020, comment réussir sa levée de fonds à Aix Marseille Provence. Composé de tribunes d’experts, du baromètre métropolitain des levées de fonds et d’une base d’adresse et de numéros utiles, c’est un outil précieux pour trouver les bons conseils et les bons interlocuteurs au moment où le chef d’entreprise décide de faire appel au capital développement.
Chaque dimanche, nous partageons avec tous nos lecteurs l’une des tribunes d’experts du guide. Aujourd’hui, Régine Lorenzi (*), conseil financier fondatrice d’Inno Fy.
Dans la première partie de ma carrière, j’ai beaucoup travaillé sur du lancement d’activité, sur des sujets de type « Quelle stratégie, pour quel marché, pour quel produit ? », sur des nouveaux marchés.
J’ai fini ma carrière chez Gemplus en faisant de la fusion acquisition technologique. J’y ai gagné de l’expérience dans la mise en cohérence d’une stratégie technologique avec une stratégie de développement commercial et de financement. J’y ai appris à faire des plans stratégiques, à les suivre, à comprendre dans quelle mesure le suivi des indicateurs financiers est important – et en quoi cela se mettait au service d’une stratégie.
Ne pas prendre la levée de fonds pour un passage obligé
J’ai également eu la chance de participer à l’ingénierie financière de quelques-uns des dispositifs régionaux, dans le cadre de l’Agence régionale d’innovation (aujourd’hui Rising Sud). J’étais donc aux premières loges pour voir se construire les dispositifs, et pour bien connaître les gens qui les opèrent aujourd’hui. De plus, cela fait plusieurs années que j’accompagne des start-up à divers stades de maturité, et donc j’ai fait des erreurs, j’ai vu des gens en faire, et c’est comme cela que l’on apprend.
On a tendance à idéaliser la levée de fonds. Pour moi, une start-up se finance par un ensemble de moyens, il existe beaucoup d’outils de financement. Si l’on construit un plan de croissance moins agressif au début, plus pérenne et mieux stabilisé, on n’a pas forcément besoin d’aller chercher du capital. On a trop souvent inculqué aux start-up le « pas de salut sans levée de fonds en capital ». Il y a en effet de nombreux modèles de développement d’entreprise sans levée de fonds en capital nécessaire.
Mettre en cohérence le plan de développement et le plan de financement
C’est de cette mise en cohérence que doit découler le choix des outils de financement et des dispositifs, et éventuellement une levée de fonds en capital. En effet, une bonne stratégie de financement doit permettre de pérenniser le business et d’alimenter la croissance de l’entreprise. De fait, lever des fonds en capital est un exercice qui est coûteux humainement, coûteux en cash, qui peut fragiliser l’entreprise. Il est donc primordial de bien mettre sa stratégie de financement en ligne avec le plan de développement prévu – et non l’inverse, et d’accorder le rythme de financement à la croissance et la traction marché.
Le financement est stratégique et pas opportuniste
La levée de fonds ne doit pas nécessairement être centrée autour d’un financement en particulier. D’abord, ce que l’on fait financer, c’est un business plan, un projet graduel avec des étapes, des objectifs, des moyens et des « milestones », des étapes importantes. Lorsque l’on décline ainsi une stratégie en plan opérationnel, on peut construire une stratégie de financement de manière efficace.
Bien définir ce que l’on veut faire financer
Lever des fonds pour lever des fonds n’est pas la bonne démarche. Le premier exercice est de reprendre son plan stratégique, d’en faire un business plan opérationnel qu’on décline sur cinq ans et de regarder quelle est la nature des besoins, que ce soit du matériel, de l’immatériel, de la R & D, du développement commercial, une activité nationale ou internationale. Selon ces critères, on ne trouvera en effet pas forcément les mêmes moyens aux mêmes endroits. Ce n’est qu’avec un plan stratégique solide que l’on peut envisager une stratégie de financement.
Arbitrer entre levée en capital et fonds non-dilutifs
Selon le rythme de croissance envisagé, on peut parfois se permettre de commencer par des financements non-dilutifs* . L’intérêt de financer avec du non-dilutif est de permettre à la start-up, sur la base de ces financements, de construire ses actifs, finaliser sa R & D, commencer à livrer des clients et donc augmenter sa valorisation potentielle pour de futures levées de fonds.
Bien sélectionner les interlocuteurs financiers visés
Le « Qui voir ? » va dépendre du stade de développement de la start-up et de son secteur d’activité. Si on se situe en phase d’amorçage ou de lancement, par exemple dans le cas où l’on a un prototype mais pas ou très peu de clients, on va solliciter du financement privé, et un fonds d’amorçage tel que Sud’Investissement dans notre région. Pour un deuxième tour de table, lorsque l’entreprise fait du chiffre d’affaires et a été déjà été financée en amorçage, on ira plutôt sur des fonds nationaux thématisés.
Préparer rigoureusement tous les tours de financements
L’un des écueils de la levée de fonds réside dans la non-préparation des entreprises. Il y a beaucoup de start-up qui arrivent au deuxième tour en s’imaginant que ce sera le même exercice que le premier tour. Cette levée d’après, à la différence de la première, va se faire non seulement sur la promesse du futur, mais aussi sur le petit historique qu’aura l’entreprise. Cela signifie qu’il faut être équipé pour le commenter et l’expliquer. Beaucoup de dirigeants savent le faire pour ce qui est factuel (R & D, développement commercial). En revanche, il y a une composante sur laquelle, en général, ils sont très mal équipés, c’est l’historique financier. D’où l’importance de mettre en place des outils de suivi financier dès le départ. Cela peut passer par le recrutement d’un CFO* en temps partiel par exemple.
*Dilutif : est employé pour définir une opération financière qui a pour effet de réduire le pouvoir de contrôle des actionnaires actuels de l’entreprise, sa rentabilité ou encore ses bénéfices par actions. Une augmentation du capital, sa réduction ou encore la croissance externe, sont toutes susceptibles d’être dilutives.
*Chief Financial Officer (en français, directeur financier).
(*) Régine Lorenzi est ingénieur de l’INSA de Lyon, formation dans laquelle elle s’est spécialisée en microélectronique et en informatique.
Après diverses expériences professionnelles, elle intègre le département R & D de Gemplus en 1989, avant de prendre en charge le support client. Puis, de 1990 à 1996, elle s’expatrie aux États-Unis afin d’opérer la fusion entre Gemplus et le fabricant de cartes plastiques américain Datacard.
Après 14 ans au sein de Gemplus, elle quitte le groupe en 2000 avant de prendre la direction de l’agence économique régionale, devenue aujourd’hui Rising Sud. Après 2013, elle monte son cabinet d’accompagnement à la levée de fonds – aujourd’hui Inno Fy.
Liens utiles :
> Découvrez notre « Guide Finances 2020, réussir sa levée de fonds à Aix Marseille Provence »
> Baromètre métropolitain Gomet’ S1 2020 : les levées de fonds font de la résistance
> Notre grand débat sur les levées de fonds : Les propositions de France invest pour aider à la reprise (1/5)
> La tribune de Pierre Grand-Dufay : Le capital innovation à portée des bons projets