Le monde de la culture est dans la tourmente et en colère. Avec la crise sanitaire, la plupart des lieux de culture ont dû fermer leurs portes et aujourd’hui, les occupations de théâtres se multiplient. Certains cependant ont réussi à maintenir une activité partielle. C’est le cas de la scène nationale du Zef (ex-théâtre du Merlan). Nous avons voulu revenir en deux épisodes (lire le premier volet) sur cette année si particulière dans un théâtre symbolique à Marseille.
Le Zef– l’union, en 2019, du théâtre du Merlan et de la Gare Franche – a réussi à se maintenir. Aujourd’hui, comme de plus en plus de théâtre un peu partout en France, la scène nationale est occupée par des intermittents et des artistes.
« Nos revendications concernent surtout la réforme du chômage et la disparition du statut d’intermittent, mais le lieu théâtre est un symbole fort, c’est l’ouverture de l’art au peuple. Fermer les salles, c’est arrêter de faire rêver », explique un représentant du collectif « Enfourchons le Merlan » – un nom à la fois drôle et dur, que la direction du théâtre n’apprécie pas particulièrement. Vaille que vaille, la cohabitation se passe bien et les jauges covid ainsi que les gestes barrières sont respectés.
Mais cette occupation n’empêche nullement la scène nationale de fonctionner normalement et le covid ne l’empêche pas non plus de faire des projets.
Des travaux à venir
Car l’année 2020, ça n’est pas que la pandémie. À Marseille, c’est aussi l’arrivée d’une nouvelle municipalité, et d’un nouvel adjoint à la culture. « Jean-Marc Coppola est très rapidement venu faire connaissance, explique Francesca Poloniato, la directrice du Zef. Il a participé aux ateliers, aux colloques, il a pris la température de la culture à Marseille, on va voir la politique arriver ».
Et il est prévenu, ainsi que l’État : l’ex-Merlan a besoin d’un soutien pour transformer architecturalement le lieu. « De grands travaux sont prévus côté Gare franche, pour janvier 2022-2023. Il s’agit de problèmes structurels : la maison penche un peu, le chauffage n’est pas bon, la dalle de béton est bancale, les gradins, ça ne va pas… » Les travaux se feront dans le cadre du plan État – Région et la Ville comme le département mettent aussi des moyens. Et Francesca Poloniato attend le même effort côté Merlan. « On a besoin de moderniser les équipements, mais aussi d’ouvrir l’architecture pour en faire un lieu de vie à la hauteur d’une scène nationale. Être en lien, plus accessible ».
On a voulu rouvrir très vite pour pouvoir mêler création artistique et projet de territoire. Il fallait qu’on puisse proposer des choses
Francesca Poloniato
Un des rares théâtres encore ouverts
En attendant, la vie continue au Zef. À la fin du premier confinement, mi-mai, le théâtre a rouvert ses portes. « On a voulu rouvrir très vite pour pouvoir mêler création artistique et projet de territoire. Il fallait qu’on puisse proposer des choses » raconte Francesca Poloniato. D’abord à un public restreint, les professionnels, les partenaires… Puis, à l’été, à une jauge plus importante. Le lien avec les quartiers a perduré et le Zef – Merlan comme Gare Franche – redevient un temps un lieu de vie. Mais dès septembre 2020, l’avenir se voile à nouveau. Le théâtre s’adapte et ouvre tout de même la saison. Les artistes inventent de nouvelles créations où le protocole sanitaire est respecté. Et à nouveau, un confinement vient rompre le fragile équilibre. Peu importe. En novembre, le Zef reste ouvert pour les artistes résidents, et d’autres qui auraient besoin d’un lieu pour venir créer. Tous les jours, le théâtre continue de vivre et accueille des professionnels, des étudiants, des petits groupes.
Et aujourd’hui ? « On tricote », expliquent Francesca Poloniato et Patricia Plutino. Bientôt, le théâtre devra fermer ses portes, pour préparer l’été, et « réfléchir à l’avenir, annonce la directrice. On arrête le stop and go et on se fixe un cap ». Les sessions d’avril – mai annulées seront reportées ou payées. En attendant, il reste encore quelques créations maisons. Pour l’équipe, et pour Francesca « c’est important qu’ils soient vus par les professionnels » et la présence de la jeunesse apporte « une petite lumière nécessaire ». Encore une histoire de lien.
On arrête le stop and go et on se fixe un cap.
Francesca Poloniato
Un bien essentiel
Nous avons pu assister à l’un de ces derniers spectacles avant fermeture. Dividus, du chorégraphe Nacim Battou était joué par la compagnie Ayaghma mardi 23 mars. Des corps qui dansent, et nous rappellent étrangement cette année de covid. Des corps qui se heurtent, et une impression d’avenir agressif et déshumanisé. L’idée qu’on oublie vite, si vite. Et qu’il faut nous rappeler. Il n’y a pas si longtemps, nous savions nous aimer sans masque. Faire la fête, une bière chaude à la main, danser avec des inconnus, vibrer. Nous rencontrer. Entre rires et larmes, de la danse contemporaine sur fond d’électro au chant lyrique en passant par le hip-hop, Dividus essaie de nous réveiller, et nous rappeler ce qu’était la vie ensemble, ce qu’elle doit redevenir – ce qu’on ne doit pas oublier. Désigné comme l’un des domaines non-essentiels, il porte pourtant si bien son nom, le spectacle vivant.
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