Le Département des Bouches-du-Rhône, réputé parmi les plus riches de France, multiplie les emprunts pour compenser ses baisses de ressources et continuer à investir. La majorité de droite au pouvoir assume et anticipe une explosion de la dette dans les années à venir.
Dans un peu moins de deux mois, les habitants des Bouches-du-Rhône vont élire un nouvel exécutif à la tête du Conseil départemental. Un scrutin qui peine à passionner les foules et dont les taux de participation sont habituellement très bas, ne dépassant que rarement les 50%. Pourtant, sur le plan politique, cette élection reste stratégique. Les différents partis se disputent âprement son contrôle car la collectivité affiche un budget exceptionnel, le deuxième plus gros du pays. Comparé à la Ville de Marseille ou à la Métropole, le Département affiche encore une belle santé financière même si la situation tend à sérieusement se dégrader ces dernières années.
Une hausse des dépenses « inévitable »
A chaque nouvel exercice, le budget du Département des Bouches-du-Rhône ne cesse de gonfler. De 2,6 milliards d’euros en 2016, il a dépassé les 3,3 milliards l’an dernier. « Ce fut tout de même une année spéciale avec la crise du Covid qui a entrainé pas mal de surcoût », prévient Didier Réault, le vice-président délégué aux finances de la présidente LR Martine Vassal. L’année précédente, il restait effectivement plus modeste à 2,85 milliards d’euros, avec tout de même une hausse de 10% en trois ans. « Cette hausse est inévitable », estime l’élu. « L’Etat nous demande d’assurer toujours plus de missions à sa place, ce qui implique des moyens humains supplémentaires », explique-t-il « Et pourtant, sa dotation ne cesse de baisser », dénonce-t-il.
L’Etat n’est pas à la hauteur des remboursements du RSA
Le plus gros poste de dépenses du département est sans conteste le versement des aides individuelles de solidarité avec près de 800 millions d’euros d’aides versées aux allocataires. La plus importante étant le revenu de solidarité active (RSA). Depuis l’acte II de décentralisation en 2004, le Département est totalement responsable de la gestion de l’allocation et de l’organisation de l’insertion. Une lourde responsabilité pour laquelle l’Etat est censé assurer à l’euro près le financement. « Mais dans les faits, on est loin du compte », affirme Didier Réault. Il estime sur ce volet que l’Etat doit plus de 200 millions d’euros au Département des Bouches-du-Rhône. Le conseiller départemental communiste Gérard Frau évalue pour sa part la note à près d’un milliard. Que ce soit chez les élus de droite de la majorité ou ceux de l’opposition de gauche, le constat est unanime sur l’iniquité des remboursements de l’Etat concernant ces aides. Face à la grogne montante dans l’ensemble des départements de France, le gouvernement planche sur une renationalisation du RSA. Une expérimentation a été lancée en Seine Saint-Denis et certains élus locaux dont Gérard Frau plaident en sa faveur pour l’appliquer dans les Bouches-du-Rhône.
Lors du vote du dernier budget primitif en février dernier, le conseiller départemental et maire socialiste de Miramas, Frédéric Vigouroux, livre son constat : « Depuis le changement de majorité en 2015, il y a eu une lente dégradation de la situation financière à cause des choix des gouvernements concernant les transfert de compétences sans moyens, sorte de délestage de l’Etat vers nos collectivités et particulièrement dans le social », raconte le maire. En 2021, le Département anticipe une dépense de 1,47 milliard d’euros pour la solidarité, soit près de la moitié de son budget total. « Tout cela s’accompagne forcément d’une augmentation des charges qui baisse notre capacité d’autofinancement et mécaniquement entraîne de l’endettement », poursuit-il. Car la grosse différence entre le Département riche dans les années 2000 sous Jean-Noël Guérini et l’institution dirigée par Martine Vassal est l’explosion de sa dette à des niveaux alarmants.
L’explosion de la dette sous la présidence Vassal
En 2008, le conseil départemental affiche une dette plus que raisonnable de 172 millions d’euros, soit moins de 10% de son budget de l’époque. Alors dirigée par le socialiste Jean-Noël Guérini, la collectivité affiche une solide assise financière et réussi à maintenir un endettement limité. Au cours de son deuxième mandat, la situation commence à changer et les recours à l’emprunt s’accélèrent pour terminer à 639 millions d’euros de dette, soit déjà une augmentation de plus de 350%.
Mais ce n’est rien comparé à la course effrénée qui va s’enclencher avec l’arrivée au pouvoir de Martine Vassal. En cinq ans, la dette a plus que doublée pour atteindre 1,4 milliard d’euros. « Lorsqu’ils étaient dans l’opposition, les élus de droite considéraient l’emprunt comme un tabou et depuis leur investiture, ils n’ont cessé de la laisser filer », s’amuse Gérard Frau. Et selon les prévisions de l’équipe en place, la hausse devrait se poursuivre sur le même rythme dans les années à venir. Lors du vote du dernier budget primitif, la majorité a présenté un plan avec un objectif de 2,4 milliards d’euros de dette en 2024, soit une dette par habitant qui passera de 696 euros aujourd’hui à 1210 euros dans quatre ans.