Seront pointées cependant les faiblesses d’un mouvement où les appareils politiques, usés mais encore debout, ont cannibalisé la société civile – représentée à la naissance du Printemps marseillais par les collectifs et les associations – après avoir largement bénéficié d’un opportun bain de jouvence nourri du travail de ces Marseillais révoltés. Mme Rubirola a été élue, sans l’accord de sa famille politique, mais avec la complicité d’un attelage audacieux : un PC vieillissant, un PS éreinté, des écologistes façon puzzle et enfin des Insoumis à qui le Lider Maximo, Mélenchon, a lâché pour un temps la bride. Comment cet attelage à la Ben Hur va tenir la distance et dans quel ordre de marche se présentera-t-il aux prochaines échéances ? Question à un million d’euros.
Les canons élyséens ne peuvent pas, sans risque, tirer sur Marseille qui a été rebelle à maintes reprises, jusque dans ses votes.
Mme Rubirola a cependant quelques atouts maîtres dans son jeu. Son équipe est jeune et malgré l’ombre portée des vieilles formations qui se sont partagées Marseille des décennies durant, elle peut faire émerger à ses côtés ces talents qui ont tant manqué à la ville sous l’omnipotent monarque qui l’a dirigée jusqu’au début de l’année. Cette énergie sera d’autant plus nécessaire que les difficultés vont être immenses et les promesses dures à tenir. Il faudra que les nouveaux venus mettent sur la place publique tout le linge sale que les sortants leur ont laissé en héritage, sous peine d’avoir à en assumer la responsabilité tant les Marseillais, comme les Français, ont la mémoire courte. Faute de moyens, confisqués par la droite à ses propres fins à la Métropole ou au Département, la majorité municipale ne peut compter que sur l’Etat. Le cas marseillais est trop grave pour que le docteur Macron joue les mister Hyde. Les canons élyséens ne peuvent pas, sans risque, tirer sur Marseille qui a été rebelle à maintes reprises, jusque dans ses votes.
Une partie des adjoints les plus en vue ont compris – et c’est heureux – qu’il n’était plus urgent d’attendre. Les écoles, l’habitat indigne, la sécurité sont au cœur de leurs ambitions et déjà de leurs efforts. Faire de ces trois thèmes le socle d’un futur immédiat sera un signe fort donné à ceux qui comme dans le désert des Tartares, ont mis tant de temps à voir venir quelque chose. Un Marseillais tristement célèbre pour avoir assassiné la Commune, Adolphe Thiers, disait que « gouverner c’est prévoir ». C’est aussi faire voir, ce dont on est capable. « La dignité est dans la lutte, elle n’est pas dans l’issue du combat » écrivait l’écrivain canadien Pierre Billon. Avant de terrasser le démon, il faut le combattre.