Construire une centrale nucléaire sur le port de Marseille-Fos ? « Ce n’est pas une question absurde du tout », a lancé Emmanuel Macron lors la dernière étape de son séjour à la gare maritime de la Joliette (2e). Aux côtés de Christophe Castaner, le président du conseil de surveillance du port, le président de la République semble même prendre ce sujet à cœur : « La décarbonation de notre industrie et l’explosion du numérique vont supposer d’accélérer sur le renouvelable et le nucléaire. Il faut donc regarder en concertation si cet ensemble de bassins économiques est prêt à accueillir des tranches et des centrales », demande-t-il aux élus de la région.
Les parcelles des bassins ouest à Fos-sur-Mer pourraient donc accueillir des activités nucléaires, selon Emmanuel Macron : « C’est un terrain qui a une vocation en la matière. Pourquoi ? Les centrales à venir auront vocation à être beaucoup plus près de la mer parce que l’on a un immense sujet de refroidissement des centrales. »
Cette hypothèse n’a pas manquée de faire réagir l’adjoint à l’environnement de Marseille, Sébastien Barles (EELV) qui la juge « improvisée » au regard du danger et de l’inhabilité qu’elle représente. « Que ce soit un SMR (des mini réacteurs d’une puissance de 20 et 300 MW par unité, Ndlr) ou un EPR (réacteur pressurisé européen d’une puissance de 1 670 MW, Ndlr), il y a un risque sismique sur les bassins de Marseille et un risque de submersion sur les bassins de Fos », alerte l’élu écologiste.
Des centrales plutôt envisageables sur le Rhône
D’autant que, dans la loi promulguée le 22 juin 2023, la construction de nouvelles centrales doit être réalisée sur des sites déjà existants. Or, sur le port de Marseille-Fos, il n’existe aucune infrastructure nucléaire. « Cette annonce est très surprenante. L’ambiguïté est difficile à comprendre. Personne, depuis 20 ans, n’a construit des EPR ou SMR sur un site non existant », observe auprès de Gomet’, Yves Marignac , spécialiste indépendant du nucléaire, chef du pôle énergie de l’association NegaWatt.
La députée Renaissance Claire Pitollat explique que cette loi permet « d’accélérer les procédures comme les permis » pour construire des centrales. Mais « toujours sur des sites existants », ajoute-t-elle. La construction de centrales sur le port de Marseille-Fos nécessiterait de « très longues études », et de fait, prendrait de nombreuses années, voire des décennies. « A moyen terme, le président parlait plutôt des sites de Bugey et de Tricastin installés le long du Rhône », estime l’élue.
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Nucléaire : une logique « productiviste »
Mais alors pourquoi Emmanuel Macron a laissé entendre que la construction d’une centrale serait possible sur le port ? « C’est une surenchère d’effets d’annonce. Au lendemain de sa réélection, il a annoncé six EPR, puis finalement 14… Emmanuel Macron s’inscrit dans sa stratégie de réindustrialisation forte et de souveraineté numérique de la France. Mais cette logique est productiviste et bien éloignée des objectifs de sobriété énergétique », analyse Yves Marignac.
Sébastien Barles partage également cet avis : « Ce modèle est dépassé. Il ne répond pas à l’urgence climatique car ce projet ne verrait le jour qu’en 2040... Il faut agir maintenant. » L’élu écologiste continue de vanter son modèle de production décentralisée avec son projet de Canopée solaire, une ombrière photovoltaïque recouvrant un tronçon routier. La création d’une société d’économie mixte (SEM) Énergies, portée par les élus EELV, sera soumise aux votes en conseil municipal le 7 juillet pour tenter d’impulser des projets de production d’énergies renouvelables.
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