Mathieu Venturini, directeur de l’agence événementielle Win-Win, créé en 2007 à Paris et installée à Marseille depuis 2015, nous reçoit dans son studio TV flambant neuf du 7e arrondissement de Marseille. Tout semble bien pensé : le salon à l’entrée habillé de jaune et bleu, les bouées qui flottent au plafond, la fausse cabine d’essayage pour le fun ou encore le bureau du patron fabriqué avec une table de ping-pong renversée. Designer de formation, Mathieu Venturini a créé une ambiance stimulante qui attise la curiosité.
Nous serions presque tentés d’oublier l’impact de la crise sanitaire sur le secteur de l’événementiel, qui souffre beaucoup. Mais dès mars 2020, les associés de Win-Win, Mathieu Venturini et Christophe Cousin ont pris le virage du 100% digital, conscients de la transition historique qu’allait subir l’événementiel. Et ça a payé.
Les événements sont à l’arrêt depuis un an. Comment a évolué l’activité de Win-Win ?
Mathieu Venturini : En 2019, le chiffre d’affaires était de 15 millions d’euros alors qu’en 2020 nous sommes plutôt autour de 11 millions d’euros. Notre chiffre d’affaires a baissé depuis mars, mais notre marge, elle, a augmenté : nous sommes passés de 25% à 75% de marge. Auparavant nous avions les coûts des salles de réception, le coût des traiteurs… alors qu’en digital il n’en est plus question. Pour vous faire un parallèle, nous gagnons autant d’argent avec un événement à 100 000 € en distanciel qu’avec un événement à 400 000 € en présentiel.
Votre chiffre d’affaires ne s’est pas effondré et votre marge a augmenté. La crise sanitaire est-elle un avantage pour l’agence ?
M V : Non, car nous avons beaucoup travaillé pour en arriver là. Aujourd’hui notre métier a changé, c’est un travail d’équilibriste. Certains ont tout de suite aimé produire des événements digitaux alors que d’autres non. D’un autre point de vue, la crise a été un avantage puisque nous avons pu développer de nouveaux outils comme le studio TV pour avoir une capacité de production de contenu, sans externaliser la compétence.
Vous avez rebondit sur le digital rapidement. Expliquez-nous votre cheminement.
M V : Tout a commencé avec une opportunité en mars 2020. Nous devions organiser un événement virtuel pour un client dans la réanimation, ESIGM en Belgique, avec 9000 médecins réanimateurs. L’événement devait permettre de réunir en distanciel différents médecins en Europe afin d’échanger sur le thème : « comment traiter la covid-19 ? ». Et nous l’avons fait. Normalement, quelques 5000 médecins se rassemblent lors de l’événement en physique, cette année la production digitale a drainé 55 000 visiteurs lors de la journée. Nous avons perçu que le modèle était intéressant !
Nous avions aussi la chance d’avoir des équipes déjà formées à la 3D, à la scénographie et au développement web. Ce que nous avons dû vraiment apprendre, c’est à gérer 4000 personnes connectées en même temps lors d’un évènementiel virtuel. Pour cela, nous avons pris un hébergement web bien soutenu chez Jaguar Network à Marseille et nous avons ajouté des compétences techno en temps réel.
Vous le dites vous-même, votre métier est celui d’un équilibriste depuis la crise. Comment percevez-vous sa transformation ?
M V : J’y vois une opportunité avec un sens différent. Nous pouvons faire de l’événementiel avec un peu moins de débauche d’énergie et de pétrole pour mieux respecter notre environnement. Nous sommes en train de passer la norme ISO 20121 (norme internationale pour les événements qui s’inscrivent dans une logique de développement durable, NDLR), puisque les gros groupes devront bientôt exiger cette norme pour organiser des événements. Au-delà de l’obligation, nous sommes aussi en quête de sens. Nous essayons de compenser le carbone que nous consommons. En 2021, pour tous les événements que nous vendrons, nous nous engageons à planter des arbres au prorata de la consommation de l’événement, en partenariat avec l’association Reforest’Action. En parallèle, cherchons un terrain dans les Bouches-du-Rhône pour planter des oliviers et le faire pour des clients. Quitte à le faire, nous voulons vraiment le maîtriser !
Plusieurs actions sont menées sous la coupe de Win-WIn. D’un point de vue plus personnel, avez-vous un cause à défendre ?
M V : Il y a un sujet me tient à cœur, mais avec lequel je rame à Marseille. Nous avons racheté une ancienne barge, de 12 mètres par 26 mètres. Elle devait servir pour la gare maritime des îles du Frioul mais elle a été remplacée par un bateau. Nous avons le projet d’en faire un espace de coworking. 300 m2 couverts et 300 m2 de terrasse, pour les startups de l’économie verte (écologie) et bleue (maritime). Néanmoins, on pédale pour réussir à obtenir un emplacement à l’heure actuelle. Ce n’est qu’au bout d’un an et demi, en juillet 2020, que nous avons fini par comprendre la procédure qui passe par le Port de Marseille, et le fait qu’en fonction des zones, le dossier peut être géré par la Métropole Aix-Marseille. Il y a une inertie : la commission ne s’est toujours pas réunie au bout de neuf mois ! Surtout que nous ne demandons rien, ni d’argent, ni de rénovation, seulement un emplacement. Dans l’idée, nous voudrions l’installer soit dans le bassin du Mucem soit entre les Terrasses du Port et le Mucem.
Autre que la barge qui est un projet d’envergure, avez-vous réalisé des achats fonciers ?
M V : Oui, nous avons racheté les anciens locaux de la Frac à côté de la Vieille Charité en 2017 (un espace de coworking de 700m2 au 1 place Francis Chirat, NDLR). Nous avons refait nos directions régionales et nous faisons aussi de l’aménagement d’espace. En revanche, nous voulons avoir des vrais actions, à impact. Par exemple, cette semaine j’étais au Fort d’Entrecasteaux qu’Acta Vista rénove actuellement. Ils recherchent une agence pour commercialiser le lieu en tant qu’agence événementielle. Alors, oui le projet nous intéresse pour y monter un espace de formation à l’événementiel physique et digitale, mais il faut que ça bouge !
Pour financer tous ces projets, apportez-vous des fonds propres ou envisagez-vous une levée de fonds ?
M V : L’agence prépare une levée de fonds de 7 millions d’euros avant l’été. Si nous y parvenons, Win-Win projette de monter un centre de formation à Marseille pour les métiers de l’événementiel digital et présentiel. Toujours à Marseille, nous allons embaucher une dizaine de personnes d’ici la fin de l’année, en plus des quatre talents recrutés depuis mars 2020. Enfin, nous voulons également ouvrir une antenne à Bruxelles pour un rayonnement européen.
Repères :
CA : entre 11 et 15 millions d’euros
Salariés : 15 à Marseille et 25 à Paris
Levée de fonds prévue : 7 millions d’euros à l’été 2021
Clients importants : BPI (représente 25% du CA)
Recrutement : 10 personnes d’ici fin 2021
> Site internet : https://www.win-win.com
Liens utiles :
> L’agence événementielle Win-Win.Com ouvre ses nouveaux locaux à un coworking volontairement sélectif