Dans notre territoire, peu d’entreprises se sont engagées aux côtés de l’Office français de la biodiversité pour « Intégrer de la biodiversité à leur chaîne de valeur ou de production, leur chaîne d’approvisionnement ou encore les décisions d’investissements ». Le spécialiste de l’emballage de Marseille Milhe & Avons est en chemin.
Michel Milhe, patron historique de l’entreprise, y consacre son énergie. Il a passé la main à ses fils, des quadras, Thomas est devenu P.-D.G., Olivier, directeur commercial et le patriarche est passé directeur général adjoint. La biodiversité, l’environnement, le changement climatique, il en est devenu expert. Et militant. Il avait d’ailleurs été retenu comme speaker pour le Congrès mondial de la nature de l’UICN qui devait se tenir à Marseille, depuis reporté à septembre 2021. Il jongle avec les chiffres du pétrole, de la forêt et du carbone, prépare des causeries et fait bouger l’entreprise familiale.
Une histoire de famille
Quatre générations se sont succédé aux commandes. Les Avons, restés dans la marque, n’ayant pas de descendance, ce sont les Milhe qui ont assuré la pérennité d’une entreprise née dans la presse. Françoise Milhe la fondatrice et cheffe d’entreprise est une consœur journaliste. En 1876, elle crée un journal, tendance bonapartiste. Après la révolution de Février en 1848, qui voit naître la IIe République, les Marseillais s’engouffrent dans les activités industrielles et logistiques, que le second Empire offre à Marseille dès 1852. Marseille soutient l’Empereur qui a fait de la cité phocéenne la porte des colonies et du commerce entre Méditerranée et Afrique.
L’arrière-grand-mère voit son journal prospérer, mais il est aussi utilisé par les poissonniers, les bouchers, les marchands de légumes pour un tout autre usage que la lecture.
Femme d’affaires plus que femme de plume, elle réoriente l’entreprise vers l’emballage : inutile de mettre des articles sur des feuilles qui termineront sur l’étal du boucher ou la balance du poissonnier.
Milhe & Avons a donc trouvé son créneau. En 1960, l’entreprise installe 4000 mètres carrés d’ateliers modernes d’impression et de découpe à Saint Barnabé (12e arrondissement).
Et l’entreprise va s’adapter au fil des modes, des pratiques et des mutations du commerce.
Dans les années soixante, l’Europe découvre les vertus du plastique et la vallée d’Oyonnax devient la capitale de l’innovation. Les bassines, les fleurs, les sacs passent au plastique, au polyéthylène qui offre ses qualités d’imperméabilité, de conservation, de souplesse inédites. Au temps des Beatles, la France rêve de formica et de transistor. En 1965, Milhe et Avons produit elle-même ses plastiques et s’équipe pour extruder à domicile la matière tant prisée des années soixante. Le papier est alors devenu ringard. Trop fragile, trop cher, trop inflammable, il a tous les défauts. Répondant à la demande de ses clients, Milhe & Avons produit à 90 % des emballages en plastique, le papier étant résiduel à 10 %.
Retour aux sources
Après un incendie à l’aube des années 90, l’entreprise déménage et prend ses quartiers dans 7000 mètres carrés près de Château-Gombert (13e arrondissement). Peut-être un tournant pour l’entreprise ?
Changement progressif autour des années 2000, l’écologie se fraie un chemin et sort des marges. Le papier redevient à la mode. « C’est un matériau qui nous vient de Chine, il a été inventé il y a 2 200 ans, explique Michel Milhe à Gomet’, citant le livre d’ Erik Orsenna « Sur la route du papier ». Il est devenu le matériau le plus recyclé, à 56 % dans le monde, à 80 % en France. » Et il est respectueux de la planète.
L’arbre nous est indispensable pour sa production d’oxygène, pour retenir et enrichir les sols, pour la fraîcheur qu’il instaure… Mais l’exploitant doit trouver un débouché sonnant et trébuchant pour cultiver son « jardin », sa plantation, renouveler les espèces, diversifier les essences, planter, tailler et couper. « S’il n’y a pas d’économie, personne ne va entretenir les espaces boisés », plaide-t-il (NDLR. : 75 % des forêts française sont privées, mais elles ne sont à l’origine que de 60 % du commerce du bois.)
« Nous sommes revenus à ce que faisait notre entreprise il y a 140 ans »
Michel Milhe
Paradoxalement Michel Milhe est plutôt pour un cours élevé de la pâte à papier qui va inciter vertueusement, et non à coups de subvention, les propriétaires à produire du bois. « Soyons clair, argumente-t-il, le premier usage mondial du bois dans le monde est l’énergie, deux milliards d’êtres humains utilisent le bois pour faire cuire leur repas ou se chauffer, la seconde part est utilisée dans la construction et l’ameublement. Le papier carton ne représente qu’environ 10 % de la production mondiale de bois. Et les usages du papier carton sont de trois ordres : les usages graphiques plutôt en baisse, l’emballage qui est stable et les produits d’hygiène et de santé qui sont en hausse ».
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