Quel maire en France pourrait faire monter sur scène huit porteurs de projets industriels sur sa commune, représentant une douzaine de milliards d’euros d’investissements ? C’était à Fos-sur-Mer, le jeudi 28 novembre dernier et c’est nulle part ailleurs. René Raimondi accueillait le 2e business meeting de la commune avec tout ce que l’étang de Berre et le golfe de Fos comptent d’acteurs industriels. Plusieurs centaines de personnes (plus de 600 selon la mairie), dirigeants d’entreprises, organismes de formation, cadres de terrain, sous-traitants en quête de marchés, jeunes en quête de stage se sont rassemblées dans la salle polyvalente Parsemain transformée en un vaste espace accueillant de networking.
René Raimondi ne boude pas l’emphase par moments, assurant que Fos vit « la plus belle histoire depuis 2000 ans », mais il plaide avec réalisme pour un « modèle vertueux ». « L’industrie, dit-il, est devenue notre culture ». Le maire, les élus, les services municipaux ont appris à recevoir les porteurs de projets et à les aiguiller dans les chicanes des implantations. Et rien n’est gagné d’avance, nous devons, souligne René Raimondi « jouer collectif » mais aussi, rappelle-t-il toujours régulièrement, penser aux habitants et à leurs déplacements dans une ville qui est déjà saturée sur ces voies de communication routière. Une cité de 15 000 habitants qui doit accueillir 10 000 emplois nouveaux.
Huit projets dont quatre sont en concertation publique.
Le grand port maritime peaufine son projet de plateforme Deos pour l’éolien en mer, 550 millions d’euros à trouver avec à la clé 500 à 1 500 emplois et une capacité de mettre à la mer 25 éoliennes par an. Anastasia Touati, directrice de la valorisation du patrimoine et de l’innovation au Port de Marseille Fos, ingénieure des ponts, ancienne chef de projet à la Banque mondiale, souligne que Marseille Fos est encore un port pétrolier, mais qu’il doit devenir un hub d’avitaillement en méthanol.
Le projet de giga-entreprise Carbon est présenté par un ancien d’Airbus Industries, Laurent Vergely. Il défend un modèle basé sur la massification. Il faut voir grand pour amortir les charges de fabrication, la verticalisation, en allant du silicium au panneau solaire, l’innovation, en investissant fortement dans la recherche avec un centre de R & D et de formation en cours de finalisation à Istres sur un terrain ciblé de 14 hectares.
Carbon passe sur deux étages
Dans son parcours entre la concertation et les autorités de contrôle, le projet Carbon s’est densifié : les bâtiments auront deux étages pour limiter l’impact au sol à 45 hectares. L’investissement prévu est toujours de 1,7 milliard d’euros avec 3 000 emplois en perspective. Pour Laurent Vergely l’usine doit fonctionner à plein régime, avec 5 équipes de 560 personnes qui tourneront en 3 x 8 en semaine et en 2 x 12 les week-ends. Carbon veut « réenchanter l’industrie » et offre 700 postes de techniciens et 1 800 postes d’opérateurs.
« H2V doit être prêt pour le 1er janvier 2030 », explique François Guillermet, directeur de projets basé à Marseille, afin de livrer du carburant de synthèse à l’aviation qui devra l’intégrer à cette date dans ses approvisionnements. Deux unités de production, l’une pour l’hydrogène, l’autre pour le e-éthanol représentent 910 millions d’euros d’investissements à déployer en 5 ans.
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Neocarb porté par Elyse Energy se positionne aussi sur la production d’e-méthanol à partir d’hydrogène et de carbone recyclé pour le maritime et de e-kérosène pour l’aviation. Maxime Vigot, chef de projets porte un milliard d’investissements et salue « la culture du risque » assumée par le territoire.
Le groupe Marcegaglia, venu d’Italie, détaille son projet de mutation de l’unité Ascometal qu’il a reprise. Sur les 100 hectares doit naître en 2027 une toute nouvelle unité avec 590 millions d’euros d’investissement sur fonds propres. L’entreprise industrielle familiale veut profiter des possibilités de transit maritime et ferroviaire du site.
Les repreneurs suisses de la raffinerie Esso, Rhône Énergie ont bien du mal à plaider pour la décarbonation, l’unité fosséenne représente toujours 13 % du raffinage en France et les véhicules à essence sont toujours majoritaires sur nos routes. Les repreneurs s’engagent à maintenir les 600 emplois et à faire des efforts – on ne saura pas lesquels – pour réduire leur empreinte carbone.
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Enfin, Jean-Philippe Gendarme (qui porte par ailleurs GreenHy) présente un projet plus modeste, mais très efficient sur le plan de la décarbonisation avec l’installation de GF Biochemicals qui veut remplacer des solvants toxiques par des bios solvants issus des déchets de l’agriculture. Porté par l’ancien footballeur marseillais Mathieu Flamini, c’est un investissement qui représente 55 millions d’euros et qui doit générer 45 emplois en 2027 sur cinq hectares.
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