Le mode de scrutin des élections départementales, majoritaire à deux tours, est traditionnellement présenté comme défavorable au Front National. Et c’est vrai qu’il est plus handicapant que la proportionnelle, mais cette fois, le parti de Marine Le Pen sent qu’il a « une carte à jouer ». Ainsi, lors des élections européennes de mai dernier, le Front National comptait presque un tiers des suffrages exprimés (32.51%), score historiquement haut pour la formation d’extrême droite, qui devançait ce soir-là tous les autres partis. 10 mois après, les candidats que nous avons interviewés dans les 4, 18 et 19 èmes cantons, sont plutôt confiants, même si le type d’élection est radicalement différent. Ils savent que le mode de scrutin leur est défavorable, mais ils sentent « le soutien du peuple ».
Par exemple, Elisabeth Philippe, dans le canton 18, nous confie « J’ai fait 21,88% aux élections législatives de 2012 sur une circonscription englobant le canton, 29.95% aux élections municipales de 2014 sur le 6ème secteur [auquel appartient le canton] et à l’instant je viens de croiser un commerçant qui m’a dit ne plus avoir voté depuis les années 1980 mais qui se déplacera pour placer mon bulletin dans l’urne ». Dans le canton voisin, le 19, le candidat Front National Laurent Comas nous assure « Je pense gagner car j’ai fait près de 48% en 2011, et compte tenu de la dynamique, je pense clairement l’emporter ». Lorsque nous questionnons les candidats sur l’origine de cette dynamique, ils nous répondent pêle-mêle : « la fin du système UMPS », « les événements de janvier qui nous ont encore renforcé » et « l’insécurité ».
En tout cas, tous les interviewés sont certains d’être au second tour. Et les sondages leur donnent raison. Néanmoins, quand il s’agit de remporter des fauteuils au conseil départemental, seul Laurent Comas est sûr de ses chances. Elisabeth Philippe se justifie ainsi « En face de moi, il y a deux conseillers généraux sortants, ce qui n’est pas un atout » tout en ajoutant « l’entre-deux tours, ce sont des arrangements entre amis ».
Mais ces éventuels “arrangements” des deux principaux partis de gouvernement ne sont pas toujours d’actualité. Sur le territoire d’Arles par exemple l’UMP Roland Chassain, qui lors de l’élection législative de 2012 pouvait se maintenir au second tour bien qu’en ballotage très défavorable face au PS et au FN, avait choisi de se désister en appelant ouvertement « à faire barrage au candidat socialiste [en l’occurrence Michel Vauzelle] ». Aujourd’hui, M. Chassain est candidat sur le canton 4 qui englobe la ville d’Arles et aucun événement depuis 2012 ne laisse envisager la possibilité qu’il ait modifié sa consigne de vote. D’autre part, le candidat Front National sur ce canton 4, Jean-Pierre Magini, se considère « gaulliste » et reconnaît été pendant près de six années adhérent à l’UMP.
Une campagne décentralisée.
Jean-Pierre Magini nous explique le fonctionnement interne de la campagne. « C’est la commission des investitures sous l’égide du secrétaire départemental Stéphane Ravier qui a décidé des candidats dans chaque canton. ». Ensuite, la campagne se joue de façon entièrement décentralisée : chaque canton est autonome. Et M. Magini poursuit « Il m’arrive de me rendre dans des cantons voisins pour soutenir les candidats lors de leurs réunions publiques ou inaugurations : à Chateaurenard, à Istres… mais jamais dans le Gard ou à l’est de l’étang de Berre ». Au niveau des affiches et des slogans, la liberté de chaque binôme sur son canton est importante : certains conservent le champ lexical habituel avec « Espérance Bleu Marine » dans le canton 4 tandis que d’autres font preuve d’originalité optant pour « Avant qu’il ne soit trop tard » dans le canton 18.
Quant aux thèmes de campagne, un sujet revient particulièrement et ce quels que soient les cantons : c’est le terrorisme. En effet, de nombreux candidats FN récupèrent les événements de janvier comme des arguments politiques. Ils se présentent dans plusieurs cantons comme « l’alternative au péril islamiste ». Cette thématique est si prégnante qu’elle éclipse parfois les enjeux locaux quand ceux-ci ne sont pas assimilés au thème de l’islam. Elisabeth Philippe évoque ainsi sur son canton le cas d’une mosquée « financée avec l’argent du contribuable et qui d’ailleurs est fréquentée par des salafistes ». Selon nos décomptes, le FN a des chances de pouvoir se maintenir au second tour dans au moins 20 cantons sur les 29 que comptent les Bouches-du-Rhône.
Lire nos précédents volets.
> Départementales : la décomposition au long cours du Parti Socialiste des Bouches-du-Rhône (1/5)
> Départementales : L’UMP-UDI en ordre de bataille derrière Martine Vassal (2/5)
(Photo Jean Yves Delattre)