Gomet’ présentait à Marseille, à la Cité des métiers de Provence Alpes Côte d’Azur, mercredi 29 mars, son baromètre des levées de fonds . Elaboré avec ses partenaires Région Sud Invest (RSI), Crowe-Ficorec et Webtime Medias (Sophia), ce baromètre permet de prendre la température des levées de fonds en Provence-Alpes-Côte d’Azur et de se projeter sur l’année 2023. Ainsi, en 2022, 436 millions d’euros ont été levés sur l’ensemble de la région, dont 336 millions sur le seul territoire Marseille Provence.
En introduction, Christian Apothéloz, journaliste à Gomet’, rappelle la méthodologie employée pour établir le baromètre : « Certaines levées de fonds n’ont pas été identifiées, et une quinzaine ne sont pas communiquées. C’est donc un baromètre “a minima”, c’est-à-dire que la situation ne peut être que meilleure. » A noter également que le distinguo n’est pas établi entre les différentes tailles d’entreprises ou en fonction du détail de financement des levées de fonds.
« Au niveau de la région Sud, ce n’est pas une année record, mais c’est tout de même une bonne année qui marque un retour avant covid » commente Pierre Joubert, directeur général de RSI. « Le ticket moyen est à 7,4 millions d’euros sur la région. On commence en outre à constater une forte attractivité de la région pour les fonds extérieurs », note pour sa part Matthieu Capuono, directeur associé de Crowe-Ficorec.
Levées de fonds : la biotech en force en Provence-Alpes-Côte d’azur
Lorsqu’on regarde les différents secteurs, celui qui a réussi à lever le plus de fonds est celui des biotech. Avec, en tête de palmarès, la société marseillaise Imcheck Therapeutics, qui se hisse en haut du podium des levées de fonds, avec 96 millions d’euros récoltés en juin 2022. Dans la région, le réseau biotech est notamment porté par le pôle de compétitivité Eurobiomed. Au total, les levées de fonds dans le secteur biotech en 2022 se chiffrent à hauteur 143 millions d’euros.
Tout de suite après viennent les fintech (finances et technologies), qui ont agrégé 124 millions d’euros. Sur le podium des entreprises qui ont le plus levé en 2022, en deuxième et troisième position, on retrouve respectivement l’entreprise de courtier en assurances +Simple (90 millions d’euros) et la plateforme d’investissement Akt.io (27 millions d’euros).
Enfin, le secteur de la logistique tire son épingle du jeu, en particulier dans les Bouches-du-Rhône. Matthieu Capuono note en revanche l’absence dans le baromètre des secteurs du “retail” (distribution et comerce) et de l’analyse de données, « qui sont prometteurs mais qui ne génèrent pas encore de financements. »
Les clés de la réussite d’une levée de fonds : « Il faut arriver à donner du concret »
Comment réussir une levée de fonds ? Ce sont encore ceux qui le font qui en parlent le mieux. Pour présenter son baromètre, Gomet’ a invité deux entrepreneurs qui ont réalisé une levée de fonds en 2022 et 2023 : Pierre d’Epenoux, CEO d’Imcheck Therapeutics, et Nelson Lukes, fondateur de l’entreprises K-Motors, qui propose un système d’économie d’énergie sur les batteries automobiles.
L’une des premières clés de la réussite pourrait ainsi être de s’adresser à des personnes qui connaissent le secteur : « Tous les investisseurs qui sont dans notre board sont des experts sur les questions de biologie et dans tous les domaines que nous couvrons » témoigne Pierre d’Epenoux. Pour parvenir sa troisième levée de fonds à 96 millions d’euros, le PDG d’Imcheck Therapeutics a en outre réalisé pas moins de 200 présentations.
De son côté, Nelson Lukes a bénéficié à la fois de l’accompagnement de RSI et du réseau Provence Business Angels pour réaliser sa toute première levée de fonds en amorçage d’un montant d’un million d’euros. « Lever de l’argent n’est pas une fin en soi. Il faut arriver à donner du concret, et donner au moins une bonne nouvelle par jour aux investisseurs, sinon, il vous oublient », illustre-t-il.
Patrick Siri, membre de Provence Angels, qui a investi dans K-Motors, donne également son point vue : « Ce qui m’a séduit dans le projet de Nelson Lukes, c’est sa proposition de valeur mais aussi sa personnalité », assure-t-il. De fait, la relation de confiance est primordiale pour rassurer l’investisseur, surtout en phase d’amorçage, dans un contexte post-covid où de nombreuses entreprises se voient contraintes de rembourser leurs prêts garantis par l’Etat (PGE). « Aujourd’hui, il faut avoir un horizon assez court de rentabilité », poursuit Patrick Siri.
Aurélie Viaux, qui dirige l’antenne marseillaise d’UI Investissements, rappelle qu’il existe de nombreuses aides publiques et dispositifs pour lancer un projet. « Cela permet d’arriver avec quelque chose de concret auprès d’investisseurs privés » conseille-t-elle.
En conclusion, Christian Apothéloz donne son point de vue de journaliste économique : « Il n’y a pas deux cas pareils. Par conséquent, la recherche du modèle idéal n’existe pas. »
Les tendances 2023 tournées vers le spatial, l’agroalimentaire et les énergies
Les premiers mois de 2023 permettent de donner les premières tendances en matière de levées de fonds : « Il y a un vrai sujet sur les énergies. C’est un secteur qui est en plein développement et nous recevons de nombreux dossiers à ce sujet » analyse Pierre Joubert. Autre secteur qui attire : « le domaine du spatial essaime beaucoup dans les entreprises, que ce soit pour les satellites, pour prédire les conditions météorologiques ou les réseaux de communication » poursuit le directeur général de RSI.
Enfin, l’agroalimentaire n’est pas en reste : « On commence à avoir de vraies opportunités de marché. On peut citer par exemple l’entreprise Futura Gaïa (Tarascon), qui a mis au point un système de mise en culture innovant, pour permettre une croissance optimale. »
Les représentants de RSI soulignent en outre la montée grandissante du critère écologique dans les conditions de financement. « Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer un investisseur mettre de l’argent dans un projet qui utilise du charbon. Plus un projet est vertueux, plus il a de chances d’accéder à des financements, que cela soit pour RSI ou pour d’autres fonds. Mais il y a encore des choses à améliorer et des entreprises pour lesquelles l’écologie doit devenir un sujet », affirme Pierre Joubert. Une éco-conditionnalité confirmée par l’annonce, en début de semaine, du closing à 38 millions d’euros du fonds pour la transition écologique Terra Nea, dont le comité stratégique est présidé par Alain Lacroix, président de RSI (voir notre article).
Sur janvier février, Matthieu Capuono observe pour sa part une montée en puissance au niveau national des cleantech, proptech et deeptech. « On va scruter le nombre d’opérations surtout sur le premier semestre. On sent de la contrition. Les aides d’Etat ne sont plus là. Les entreprises font face à des difficultés plutôt opérationnelles. Il faudra aussi mettre en parallèle le nombre de créations d’entreprises ou le nombre d’entreprises en redressement. Cela peut créer des opportunités », conclut le dirigeant de Crowe-Ficorec. Selon un premier relevé provisoire, réalisé par Gomet’ et Web Time Medias, près d’une quinzaine d’opérations ont été répertoriées sur le 1er trimestre dans la région pour un montant approchant les 115 millions d’euros. Un bon démarrage. Mais attention…
En 2023, de nouveaux arbitrages chez les investisseurs
Les différents intervenants évoquent à de nombreuses reprises un changement de contexte qui s’est installé au cours des derniers mois et qui sera bien présent en 2023. La hausse des taux d’intérêt provoque de nombreux changements. C’est la fin de l’argent facile. Alain Lacroix, en bon pédagogue, confirme le changement d’ambiance :« Il y a toujours un concours dans la rémunération de l’épargne : soit on va chercher du risque parce que les taux sont au “ras du sol” comme c’était le cas dernièrement, soit on va chercher du rendement ce qui est cas le cas aujourd’hui avec une hausse des taux qui permet d’avoir dès à présent des rendements de 4% sur 4 à 5 ans… que les investisseurs vont devenir de plus en plus exigeants.» Sans parler les récentes faillites ou secousses bancaires aux Etats-Unis et en Suisse.« On sait très bien que ce qui s’est passé aux Etats-Unis va toucher les “ventures” en Europe. On vient de vivre une année exceptionnelle mais 2023 va être plus complexe. Les investisseurs vont devenir de plus plus exigeants sur la rentabilité des projets » alerte Aurélie Viaux. Un nouveau contexte qui pourrait entraîner une multiplication des opérations de rapprochements entre entreprises prédit Matthieu Capuono.
Gomet’ remercie tous les intervenants à cette conférence de presse qui ont permis un échange riche et inspirant pour l’économie en Provence-Alpes-Côte d’Azur !
L’intégralité du baromètre 2022 des levées de fonds dans la région Sud, avec l’ensemble des tableaux et les analyses,
sera diffusée lundi dans Gomet’ L’Hebdo n°257
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