Nous poursuivons aujourd’hui la publication d’extraits de l’entretien accordé par l’ancien préfet Christophe Mirmand, à quelques journalistes, vendredi 3 janvier alors qu’il allait être officiellement nommé dans la journée dans ses nouvelles fonctions de directeur de cabinet du ministre Manuel Valls. Après avoir abordé les dossiers du logement et de la transformation industrielle du territoire, il s’est expliqué longuement sur le déroulé du projet Marseille en grand.
Lorsque qu’Emmanuel Macron a prononcé son discours sur Marseille en grand, il insistait, dans les conditions du succès, sur la fin des chicayas politiques et, en termes de communication, sur une association avec les habitants pour les engager dans cette nouvelle ambition. Quel bilan tirez-vous sur ces deux points ?
Christophe Mirmand : D’abord, je veux relever que l’on avance sur Marseille en grand puisque l’on est aujourd’hui, sur les différents projets, à un taux d’engagement qui dépasse les 30% en termes d’autorisations. L’Etat n’assume pas pour la quasi totalité des projets une maîtrise d’ouvrage directe, celle-ci étant assumée par les collectivités locales, mairie pour les écoles, Métropole pour les mobilités. Elles reçoivent des subventions de la part de l’Etat. Ce niveau des autorisations d’engagements est important car c’est sur cette base que sont ensuite mobilisés des plans de financement. Il est trop réducteur de s’en tenir aux seuls crédits de paiement. Les versements des subventions interviennent en général après l’essentiel des investissements réalisés par les collectivités territoriales. Nous sommes donc sur un plan qui avance. Il nécessite, c’est vrai, un suivi très attentif de la part de l’Etat, hebdomadaire, mensuel, trimestriel. Un dispositif rebours, en quelque sorte, des critiques exprimées considérant qu’il n’y aurait pas de suivi de Marseille en grand et qui permet d’être rassurant quant à la tenue des objectifs. Vous avez vu qu’il y des écoles qui ont été inaugurées, des lignes de transport qui le seront à partir de cette année 2025. Quand on regarde aussi ce qui est fait en matière d’offre sanitaire, on voit par exemple que la première pierre du Samu a été posée l’année dernière et on devrait livrer le bâtiment en 2025. Des investissements structurants sont réalisés avec le pôle mères-enfants à La Timone, sur l’Hôpital Nord, le nouvel hôpital des armées bientôt.
Concernant la gouvernance, il faut d’abord noter qu’un certain nombre de freins ont été levés. Avec la loi 3DS et la réforme de la Métropole, les conseils de territoire ont été supprimés et une dotation de solidarité a été mise en place dont Marseille, notamment, a profité. D’autres ne l’ont pas été à date, comme la refonte du pacte budgétaire propre à la Métropole. L’Etat ne peut pas se substituer aux élus. Les sujets avancent tout de même. On ne va jamais assez vite et loin quand il s’agit de répondre à des retards, des désordres, des problèmes que les habitants rencontrent en matière d’habitat, de logement, de transports, de services à la population.
Concernant la communication, les collectivités n’étaient pas forcément pour une communication globale sur le plan, même si elle a été faite dans des supports institutionnels et autres sites internet, comme la communication à l’occasion des voyages officiels et des restitutions régulières. Les collectivités ont plutôt communiqué au travers du dispositif de la politique de la ville parce que, parallèlement au déploiement de Marseille en grand, nous étions aussi sur une phase de concertation sur les neufs territoires où les projets de renouvellement urbain étaient en cours de validation ou de lancement. C’est à ce niveau-là que la concertation a été prise en compte et organisée.
Des résultats mais en travaillant différemment que dans d’autres régions
Les chicayas locales qui persistent ont-elles freiné l’action de l’Etat ?
Christophe Mirmand : Ce qui est intéressant, quand on est préfet, c’est d’avoir l’opportunité de servir l’Etat dans différents territoires et départements. Cela permet de mesurer que Montesquieu n’avait pas totalement tort avec sa théorie des climats, quand il disait que la sociologie n’était pas comparable selon la géographie. Ici, le collectif et le partenariat est peut-être plus complexe à construire qu’ailleurs. Et il faut donc mobiliser, s’agissant de l’Etat, peut-être plus d’énergie pour pouvoir contribuer à mettre autour de la table l’ensemble des acteurs et faire converger vers une vision partagée. On arrive à obtenir des résultats mais en travaillant différemment que dans d’autres régions.
Regrettez-vous que Marseille en Grand ne soit plus porté par un membre du gouvernement comme ce fut le cas avec Sabrina Agresti-Roubache ?
Christophe Mirmand : Marseille en grand est toujours porté par un membre du gouvernement. Il y a eu Madame Agresti-Roubache qui l’a porté parallèlement à sa mission qui était d’être ministre chargée de la politique de la Ville et de la rénovation urbaine. Madame Vautrin, lorsqu’elle a été ministre des collectivités territoriales et du partenariat avec les territoires, en a été chargée. Dans la nouvelle organisation gouvernementale, on verra, en fonction des décrets d’attribution, quel est le ministre qui sera en charge du suivi de Marseille en grand. Mon successeur continuera à suivre le dossier comme moi je l’ai fait. Et puis il y aussi le rôle de la sous-préfète, Virginie Averous, qui est à titre exclusif chargée du suivi de Marseille en grand.
Quels sont les crédits qui sont actuellement sanctuarisés pour Marseille en Grand ?
Christophe Mirmand : Une des critiques de la Cour des comptes était de dire qu’il n’y avait pas eu de loi cadre qui aurait permis de donner de la visibilité pluri-annuelle au financement de Marseille en grand. Même s’il y avait une telle loi ou un support budgétaire ad hoc, comme c’est le cas par exemple pour le plan exceptionnel d’investissement pour la Corse, on aurait de toutes les façons était soumis à l’annualité budgétaire dans le cadre du vote du projet de loi de finances qui permet de fixer le niveau des crédits de paiement et des autorisations d’engagement disponibles année après année. Une partie des enveloppes financières a été néanmoins “sécurisée”.
Les subventions versées à la Ville de Marseille via la Société des écoles, qui concernent le plan de rénovation des 188 écoles, ont été très largement déléguées avec 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement. Et des tranches complémentaires seront mises en oeuvre. C’est le cas aussi pour le plan de rénovation urbaine avec 650 millions d’euros en crédit de l’Anru, ainsi que pour la première tranche de 250 millions de subventions à la Métropole pour la mobilité. La seconde tranche de 250 millions d’euros a été arbitrée favorablement par le cabinet du Premier ministre précédent, au mois de décembre dernier. Les 500 millions de la participation de l’Etat sont donc confirmés. Ce qui me permet de voir l’avenir avec confiance, c’est aussi l’importance des besoins sur Marseille. Tout le monde s’accorde à dire qu’ils justifient le maintien de l’aide exceptionnelle de l’Etat.
Demain : le 4e et dernier volet de notre série :
Cité judiciaire, extension d’Euroméditerranée : état des lieux avec Christophe Mirmand