Une feuille de papier blanc, un pinceau, de la peinture acrylique noire et de la colle à papier peint : telles sont les armes du collectif Collages Féministes Marseille. Les membres du groupe, femmes et personnes trans, ne font pas de l’art. Elles interpellent avec des mots qu’elles collent sur les murs de la ville : « Je te crois », « Nos corps, nos choix » ou « Toutes guerrières ». Ces serial colleuses placardent des phrases chocs pour donner à voir et lutter contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre. Le 30 mars dès potron-minet, Gomet’ a rencontré trois membres du collectif pour suivre leur action, de la création au collage, et comprendre la quintessence du mouvement. Ce troisième et dernier volet de notre série explore les raisons qui poussent ces femmes à s’affranchir à la fois des normes légales et sociales, pour afficher leurs convictions.
Une action illégale mais libératrice
Légalement, les membres du collectif encourent une amende pour affichage sauvage et dégradation de biens publics ou privés. Avant d’en arriver là, chacune tente d’expliquer aux forces de l’ordre leur action : si elles sont compréhensives, les filles retirent leurs collages sans rétribution financière, mais si elles exigent une amende, elles « s’arrangent suivant les moyens de chacune » explique Lucy.
Pour Anna « La notion d’interdit fait partie du jeu ». Affichant un sourire en coin et un regard pétillant, elle poursuit : « Je ressens de l’adrénaline dans la transgression. Il y a un côté grisant quand on colle », puis ajoute : « Souvent quand on est une meuf, on ne fait pas de trucs illégaux, c’est le terrain des “homsices”».
Entendu à plusieurs reprises dans leur discours, le terme « homsice » est défini par le collectif comme « un homme né de sexe masculin se revendiquant homme ». Anna le qualifie de « roi absolu », expliquant que « rien ne le pousse à se déconstruire puisqu’il jouit déjà des privilèges ». En revanche, les membres du collectif n’expriment aucune rage envers eux. Elles expriment plutôt leur lassitude à devoir « souvent les éduquer et leur faire remarquer leurs paroles ou actions discriminantes ».
Une non-mixité assumée
Le collectif Collages Féministes Marseille n’accepte pas les « homsices ». L’unique condition pour rejoindre le groupe est d’être une femme ou une femme transsexuelle. Ce groupe est ainsi caractérisé comme non-mixte, puisque le genre masculin est exclu.
Cette question de non-mixité des groupes interroge. Marguerite Stern explique cette démarche à Gomet’ : « En dehors du message collé sur un mur, la volonté des collages est de s’approprier l’espace public. J’ai souvent remarqué dans des réunions mixtes, que les hommes avaient tendance à couper la parole aux femmes. Notre enjeu est de nous approprier l’espace public avec notre corps : de donner une image différente de ces corps hyper sexualisés. Avec ces actions, nos corps deviennent des corps de guerrière. Et les hommes n’ont pas besoin de se réapproprier l’espace public, pour eux ça va ».
Anna, elle, évoque « le besoin d’un cocon, de se confier et d’échanger en toute confiance ». Pour la jeune militante, cet unique argument suffit à expliquer cette volonté de rester entre femmes. Lisa ajoute : « Nous luttons contre ceux qui nous oppriment, ce n’est donc pas pour qu’ils collent avec nous ».
De son côté, Marguerite Stern se désole parfois de l’immaturité de certains messages affichés comme « Patriarcaca » qui est un terme qui peut susciter l’incompréhension : « Pour moi ça agace plus les gens que ça ne les fait réfléchir » en rappelant la vocation essentielle des collages « de parler à tout le monde dans la rue ».
Que l’on soit pour ou contre leurs méthodes, certaines phrases résonnent comme ce matin-là : « Nous arrêterons de coller lorsque vous arrêterez de nous tuer ». Voilà la puissance de ce mouvement, illégal certes, mais réunissant par les mots près de 200 membres à Marseille et des milliers de femmes dans le monde. Tant que les femmes souffriront, les collages existeront.
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