Devant l’école Menpenti(10e arrondissement), les habitants et les journalistes se massent contre les grilles de sécurité ce jeudi 2 juin. Le président de la République, Emmanuel Macron, et le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, visitent le« laboratoire de mathématiques » lancé dans le cadre de l’expérimentation des59« écoles laboratoires » à Marseille. Promises dans son discours Marseille en Grand, le Président vient faire un point d’étape sur l’avancée du dispositif amorcédepuis octobre 2021.
Les écoles laboratoires, c’est quoi ?
A Marseille, 59 écoles ont été choisies par l’État pour mettre en place des projets pédagogiques innovants. Une totale liberté a été donnée aux directeurs d’écoles pour proposer leur projet allant du laboratoire de mathématiques, aux classes flexibles ou numériques… Pour fédérer autour du nouveau projet, le directeur de l’école recrute des enseignants sur des postes vacants avec l’aide d’une commission de quatre professionnels : deux inspecteurs, un enseignant et le directeur d’école.
Une enveloppe de 2,5 millions d’euros a été répartie entre ces 59 écoles marseillaises qui testent leur innovation depuis octobre 2021 pour créer un modèle à dupliquer sur le territoire national.Les directeurs d’écoles ont obtenu des financements publics, en fonction des besoins matériels ou immatériels, fixés à la suite de la réponse à l’appel à projets.
Des dizaines de caméras de toutes les chaînes de télévision française sont braquées sur l’entrée de l’école. A l’ombre des grands platanes, Emmanuel Macron et Pap Ndiaye entrent dans l’enceinte du bâtiment sur les coups de 11h30, accompagnés par le maire Benoît Payan, son adjoint au plan écoles Pierre-Marie Ganozzi, et Pierre Huguet, l’adjoint à l’éducation. Puis, les portes se ferment et ne rouvriront que quatre heures plus tard.
Dehors, le soleil est à son zénith. Une trentaine de syndicalistes, relégués au bout de la rue, sont encerclés par les agents de police. Ils réclament « des moyens pour l’éducation ! », à l’arrivée de la voiture présidentielle. Leur demande de manifestation a été rejetée par la préfecture des Bouches-du-Rhône. Ce qui n’empêche pas les militants d’être présents et d’agiter leurs drapeaux rouges et blancs floqués aux couleurs des quatre syndicats FO, CGT, SNES-FSU et SNUipp-FSU. « On demande l’abandon de l’expérimentation dans sa globalité », cingle l’enseignant Maxime Champion (FO) dans le cortège.
Les méthodes de l’État questionnées
Les syndicalistes répondent tous azimuts aux questions des journalistes. « Ce dispositif mené dans une poignée d’écoles est une blague et un coup de com » peste le militant FO. Pour lui, « l’État a seulement financé des projets qui existaient déjà. » Du même avis, une enseignante engagée à la SNUipp-FSU abonde : « Ils ont proposé l’expérimentation aux écoles qui avaient déjà des projets entamés et qui étaient d’accord avec le dispositif. Mais toutes les écoles ont des projets ! L’État doit aider toutes les écoles ! », s’exaspère-t-elle.
Concernant le recrutement des équipes pédagogiques sur les postes vacants, Emmanuel Carrié (FO) insiste sur les « critères opaques de sélection des enseignants ». Cette méthode est une « porte ouverte aux discriminations » qui est « proche de l’enseignement privé », se désole-t-il. Pour rappel, après l’obtention de leur concours ou leur demande de mutation, les enseignants de l’Education nationale sont recrutés et envoyés dans des écoles aléatoirement dans l’Académie qu’ils choisissent. « La commission de recrutement (dure 10 minutes et est constituée de deux inspecteurs, d’un enseignant et du directeur de l’école, Ndlr) n’explique même pas pourquoi elle rejette votre candidature », lance une autre syndicaliste de la SNUipp qui s’inquiète d’une « atomisation à terme des écoles primaires »
Une généralisation de l’expérimentation rapide
Malgré quatre heure d’échanges au sein de l’école entre les enseignants, l’État et la Ville de Marseille, la foule attend patiemment un résumé des discussions quitte à « se mettre en retard au travail », lâche une maman d’élève. « Il doit les connaître par cœur maintenant ses écoles du futur Macron ! », taquine une éducatrice spécialisée qui s’abrite de la chaleur insoutenable avec une enveloppe. Elle veut à tous prix « poser [sa] question » comme une cinquantaine d’autres habitants au sujet des retraites, des moyens dans les hôpitaux ou de la revalorisation salariale des professeurs.
🎥 Après sa visite de l’école Menpenti (10e arrt) @EmmanuelMacron clarifie sa volonté de « mieux reconnaître les professions » d’enseignants et de directeurs d’écoles, « de mieux les former » et « les accompagner » dans les projets. pic.twitter.com/9y1uWafXa4
— Gomet’ (@Gometmedia) June 2, 2022
A sa sortie, Emmanuel Macron est acclamé. Le Président a laissé tomber sa veste de costume pour une chemise-cravate décontractée et s’avance vers la meute de journalistes. « Les retours d’expériences sont formidables ! », se félicite le chef de l’État. « Vous voyez quand on donne plus de libertés et de moyens aux enseignants ils le font bien (référence aux projets pédagogiques innovants réalisés, Ndlr). »
« J’ai demandé à ce que les 470 écoles soient concernées »
Benoît Payan, maire de Marseille
Le maire de Marseille, qui lui emboîte le pas, n’a jamais caché être mitigé au sujet des écoles laboratoires, notamment pour le recrutement de enseignants et le privilège accordé à certaines écoles. « J’ai demandé à ce que les 470 écoles soient concernées », assure-t-il. L’édile reconnaît néanmoins les efforts et la compréhension de l’Élysée au regard de la situation marseillaise :« Depuis un an, le président de la République est très clair. Et vous savez que bien souvent je ne suis pas d’accord avec lui. Mais, sur Marseille et les écoles, il fait plus que jouer le jeu. Il a compris la difficulté de cette ville et la difficulté des moyens. Il les donne et je lui demande d’aller plus loin !»
Alors que l’expérimentation est amorcée seulement depuis neuf mois, Emmanuel Macron entend la « généraliser » sur le territoire national dès l’automne 2022. Cette pérennisation semble précipitée pour certains syndicats et directeurs d’écoles. « Il y a un manque d’évaluation de l’expérimentation », explique un directeur d’école pourtant adepte de la vision et de la méthode Macron. « L’évaluation ne sera que des paroles rapportées » et donc « l’État se base sur du subjectif », regrette-t-il.
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