Plus près de Marseille, à Toulon, vous conduisez l’aménagement du quartier Chalucet. En quoi celui-ci consiste ?
Corinne Vezzoni : Je pense que le maire de Toulon, Hubert Falco, est en train de transformer sa ville, et celle-ci va surprendre. C’est une grande leçon pour le débat actuel à Marseille, car c’est un maire qui a su incarner sa ville, qui la connait parfaitement et de fait, il sait la révéler. Il y a dans le quartier Chalucet toutes les composantes de ce qui fait une vraie ville : des écoles supérieures, une médiathèque, des logements, des commerces, des transports… Or c’est ça la ville, c’est la rencontre de tous les usages et de toutes les populations. Je suis très fière de ce projet, j’espère que ce sera une grande réussite, parce qu’il démontre qu’encore au XXIe siècle, on peut répondre à « qu’est-ce que l’urbain ? », à ce que l’on attend de la ville et ce qu’elle peut apporter que la périphérie n’apporte pas.
Beaucoup à Marseille critiquent d’ailleurs la minéralisation excessive de la ville, son manque d’arbres. Adhérez-vous à cette vision ?
Corinne Vezzoni : Les différents discours qui disent qu’il faut réintroduire le végétal dans la ville m’exaspèrent. Toutes les villes qui n’ont pas d’idées proposent la même chose. On ne se mouille pas, on dit « on va faire une coulée verte », c’est le truc bateau. Je trouve cela totalement ridicule et facile. Marseille est une ville minérale comme toutes les villes méditerranéennes, mais elle n’est pas minérale quand on la regarde en vue aérienne. C’est comme pour Rome, Barcelone ou Gênes : le végétal se trouve en cœur d’îlot. Pourquoi ? Il fallait se protéger du mistral, or le végétal ne tient pas bien la route en plein mistral, il n’y a qu’à voir en bord de mer. Le végétal est simplement constitué différemment dans les villes méditerranéennes, Marseille n’est pas l’Angleterre.
Quand j’entends cette mode des coulées vertes, je me dis que les gens n’ont pas d’imagination.
Corinne Vezzoni
A votre avis, pourquoi critique-t-on Euroméditerranée ?
Corinne Vezzoni : Parce que finalement, les villes ont toutes tendance à se ressembler, c’est catastrophique. Quand j’entends cette mode des coulées vertes, je me dis que les gens n’ont pas d’imagination. Il y a tellement d’autres façons de traiter le végétal, en respectant ce qu’est une ville. A Marseille, la pente est présente partout, des fragments de nature encore sauvages s’immiscent dans la ville, l’ensoleillement et les pluies sont violents, l’horizon est présent partout. Rien n’est dans la demi-mesure. Comment tirer parti de tout cela ? On ne doit pas renier ce que l’on est. Ce n’est pas ça l’écologie, c’est trop facile de dire « on plante un arbre », si c’était ça l’écologie, alors nous sommes tous écologistes ! Cela ne veut pas dire que le végétal doit être oublié. Il doit être traité d’une autre façon. Il doit prendre cas des usages et du potentiel agronomique des sols. J’ai été une des premières en 2011 à le proposer sur le projet du Vieux-Port. Cette proposition intéresse beaucoup de monde en ce moment !