« Si la sidérurgie était un pays, il serait le 5e émetteur de CO² au monde ». Au Sky Center de la tour La Marseillaise (2e), José Noldin, le PDG fraîchement recruté au Brésil pour le mega-projet GravitHy, est conscient de la mission qui lui incombe. GravitHy, start-up née de l’incubateur européen EIT InnoEnergy, a organisé lundi 24 avril, devant un parterre composé d’élus et de partenaires, une présentation de son projet de production de fer bas carbone à partir d’hydrogène.
Ce jour-là, René Raimondi, le maire de Fos-sur-Mer est assis aux premiers rangs, aux côtés de Hervé Martel, le président du directoire du port. Tous deux expriment leur « grand intérêt » pour ce projet chiffré à 2,2 milliards d’euros, qui promet notamment la création de 500 emplois directs (et 2500 indirects) garants de nouvelles compétences locales. « Une chance incroyable», se réjouit Hervé Martel.
GravitHy souhaite produire à Fos-sur-Mer, à compter de 2027, du minerai de fer préréduit. Cette “denrée” obtenue à partir d’énergie hydrogène, lui-même produit sur site, sera ensuite vendue aux sidérurgistes – comme ArcelorMittal – qui cherchent à décarboner leur activité. GravitHy promet 90% d’émissions de CO² en moins. Sa méthode nécessite toutefois des besoins conséquents en électricité. L’usine va tout simplement doubler la consommation énergétique de la région.
GravitHy, futur voisin d’Ascométal à Fos
La jeune pousse s’est structurée. En l’espace de quelques mois, ce qui était un projet ambitieux est devenu une entreprise concrète, « une réalité industrielle », souligne Karine Vernier, PDG France de EIT InnoEnergy. Grande étape annoncée ce lundi : GravitHy a trouvé un terrain pour s’implanter. L’usine de réduction directe du fer sera construite au sud d’Ascométal à partir de 2024 avec une « tour DRI (Direct Reduced Iron) » de 135 mètres de haut (presqu’autant que la tour CMA CGM à Marseille qui culmine à 143 m) sur les parcelles des bassins ouest du port de Marseille-Fos.
Le port voit surtout en GravitHy une « opportunité » en termes de flux commerciaux. Le projet prévoit d’importer trois millions de tonnes de minerais de fer et d’exporter deux millions de tonnes de DRI produit dans l’usine de 70 hectares. « Nous pourrons rester un port polyvalent et pérenniser le vrac qui a souffert ces dernières années », ajoute Frédéric Pellegrin, le président de Somarsid et du Syndicat général FO territoriaux Marseille et de la Métropole (Semfos).
« Nous tenons notre calendrier initial »
Mais avant de construire l’usine, la société doit trouver des fonds pour compléter les études d’ingénierie, déposer le permis et lancer des appels d’offre. L’un des premiers profils recrutés est d’ailleurs le directeur financier, Nicolas Chabannes qui vit toujours à Paris. Cet ancien cadre de TotalEnergies a mené la première levée de fonds d’une dizaine de millions d’euros en 2022, et annonce la préparation d’un deuxième tour de table, en juin 2023, à hauteur de 70 millions d’euros. « Nous sommes dans les temps, nous tenons notre calendrier initial», ajoute Jean-Luc Ngoie Kadita, le chef de projet.
Pour ses recherches de fonds – qui représentent au total plus de 2,2 milliards d’investissement – Nicolas Chabannes est accompagné par Rothschild et laSociété Générale. Lénaïg Trénaux, la responsable monde du financement Mines, métaux et industries de la Société Générale, s’est même déplacée pour rencontrer les élus et le monde économique local afin de rappeler le rôle majeur de l’acier vert dans la production d’éoliennes ou de véhicules électriques à venir.
La Commission nationale du débat public bientôt saisie
Selon les porteurs du projet Gravithy,« la faisabilité économique, technique, environnementale et règlementaire du projet industriel sont définitivement confirmées. Cette première phase d’études a mobilisé plus de 3M€ et plus de 50 ingénieurs expérimentés au cours des 3 derniers mois. GravitHy dispose dorénavant d’une planification de projet et d’un plan de masse fiabilisé.» Les phases suivantes permettront de préparer la planification globale du projet et de lancer les 1ers appels d’offres assurent-ils dans le communiqué diffusé le 25 avril. Et de préciser :« En complément, les études environnementales sont engagées et se poursuivent ; la Commission Nationale du Débat Public devrait être saisie dans les prochaines semaines.»
Cinq autres grands noms de l’industrie européenne sont à l’origine du projet Gravithy. Trois sont Français : Engie, à travers sa filiale capital-risque Engie New Ventures, « Invest innovation » filiale du groupe Idec, et l’équipementier automobile Forvia. Et deux firmes étrangères : Primetals Technologies, un gros fabricant londonien de DRI et Plug Power, un électrolyseur américain spécialiste de la pile à hydrogène. Ces entreprises s’intéressent de près au DRI pour verdir leur chaîne de valeur.
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