A Marseille, la rentrée des classes prend également des allures de rentrée politique, après la mise en confinement de la campagne des municipales dans la foulée du premier tour, le 15 mars. Alors que Benoît Payan, chef du groupe d’opposition de gauche au conseil municipal, claquait la porte de la cellule de crise Covid-19 avec fracas la veille, le Printemps marseillais a tenu ce mercredi 6 mai une conférence de presse dédiée à la réouverture des écoles et des crèches qu’il dénonce avec la plus grande vigueur, en y opposant 14 propositions.
Le Printemps marseillais regrette un manque de concertation
Il y avait bien longtemps qu’ils n’avaient plus tenu une conférence de presse – fut-elle virtuelle. Ce midi-là, Michèle Rubirola, Benoît Payan et Jean-Marc Coppola étaient bien au rendez-vous, pour « demander la transparence sur la réouverture des écoles ». Pour la chef de file du Printemps marseillais, arrivée en tête lors du premier tour des élections municipales dans la cité phocéenne, il y a un « risque de recrudescence de cette épidémie ». Elle exprime en particulier la nécessité d’un « accompagnement du retour à l’école », et déplore que ce point « n’ait pas été discuté ». Cette médecin de formation appelle donc à la « formation du personnel qui prend en charge les enfants ».
« Au-delà de toute concertation, au-delà de toute transparence, Jean-Claude Gaudin à décidé de rouvrir toutes les écoles et toutes les crèches » abonde Benoît Payan, qui ne décolère pas. « On a amorcé dès le lendemain du confinement un processus constructif » dit-il, précisant avoir, sur le sujet des écoles, « fait une quinzaine de propositions, avec pour fil rouge la garantie de la sécurité sanitaire des parents, des professeurs, des personnels ». Sans parvenir à convaincre le maire de Marseille de différer la rentrée des classes.
Benoît Payan dénonce une « mascarade »
« La santé des Marseillais n’a pas de prix » renchérit l’élu PS, qui fut candidat chef de file du Printemps marseillais dans les 2e et 3e arrondissements (arrivé en tête devant Lisette Narducci). « Je ne voulais plus rester dans une cellule de crise où je pouvais servir d’alibi » explique-t-il pour justifier son départ de cette structure créée en avril à l’initiative de la Mairie pour faire face à l’urgence, jugeant que la maire « va au devant d’une situation de crise » en rouvrant les écoles. « Revenez sur votre décision » dit-il encore à l’adresse de Jean-Claude Gaudin. « On ne participera plus à une mascarade », conclut-il, estimant que « on ne peut pas pendant 20 ans avoir esquivé 15 à 20 millions d’investissements, et avoir une rentrée idyllique ».
Un point de vue partagé par Jean-Marc Coppola, qui voit dans la décision du maire le souci de « relever coûte que coûte l’économie, en utilisant l’école comme une garderie ». « Une mauvaise garderie » précise-t-il, dénonçant 25 ans « d’incurie » de la gestion municipale sur le sujet des écoles. « C’est jouer avec le feu que de mettre les enfants dans ces conditions » s’alarme-t-il, jugeant que « en l’état, l’école ne peut rouvrir dans de bonnes conditions ». Souhaitant remettre la concertation au centre de ce sujet, il formule une proposition : « la tenue de conseils d’école » en préalable de chaque réouverture d’établissement, qui permettrait le dialogue entre toutes les parties prenantes. Une méthode qui n’est pour le moment pas privilégiée par la mairie centrale.
Les propositions du Printemps marseillais sur la réouverture des écoles
> Proposition 1 – Conseil d’école : En lien avec l’Inspection académique, les Conseils d’école réunissant enseignants, parents et Mairie doivent se réunir avant le 11 mai, si besoin par voie dématérialisée, afin de mettre en place l’ensemble des mesures nécessaires et spécifiques à chaque école (horaires d’entrées et de sorties, modification des récréations, gestion de la cantine, besoins en matériel).
> Proposition 2 – Pas d’écoles sans point d’eau : L’utilisation de gel hydroalcoolique étant déconseillée voire interdite pour les enfants, aucune école ne doit ouvrir si elle ne possède pas des points d’eaux suffisants, du savon de Marseille, des serviettes à usage unique pour que le lavage des mains puisse avoir lieu fréquemment.
> Proposition 3 – Masque et matériel de protection : L’ensemble du personnel doit pouvoir disposer de masques, de sur-blouses, enseignants comme agents territoriaux, ainsi que les enfants en fonction de leur âge. Dans l’ensemble des établissements, et plus particulièrement dans les crèches, des thermomètres devront être présents et opérationnels.
> Proposition 4 – Gestion des flux à l’entrée et à la sortie des classes : Les entrées et sorties des élèves génèrent beaucoup de passages. Il est impératif que la Mairie réfléchisse à la gestion de ces flux, en échelonnant les horaires de sorties et en généralisant le périscolaire, en rendant les rues piétonnes lorsque les trottoirs sont trop étroits, en mettant en place des marquages au sol.
> Proposition 5 – Propreté et entretien: La réouverture des écoles sera un défi sanitaire. Après un premier passage complet dans l’ensemble des classes et lieux communs d’ici au 11 mai, il conviendra de répertorier le personnel disponible pour assurer un entretien plus régulier (plusieurs fois dans la journée). Un cahier des charges, capable de rassurer le personnel éducatif, les élèves et les parents d’élèves, devra être mis en place après concertation.
> Proposition 6 – Qualité de l’air : L’ensemble des huisseries des salles de classe doivent être vérifiées afin de pouvoir aérer régulièrement la classe, avant les cours et lors des récréations. Les fenêtres défectueuses doivent être réparées afin de permettre l’ouverture de la classe.
> Proposition 7 – Formation aux gestes barrières : Mise en place d’un module « gestes barrières » dans les écoles par du personnel municipal formé et volontaire. Ce module, régulier, serait une manière d’inculquer aux enfants, et par transmission aux parents, les gestes élémentaires pour limiter la propagation du virus. Cela serait complété par des marquages au sol et une signalétique simple et efficace pour les enfants.
> Proposition 8 – Penser l’espace des salles de cours : Pour éviter que les classes soient surchargées, il est nécessaire que la Mairie entame une réflexion en prenant en compte le nombre d’enfants par mètre carré. Dans un second temps cette réflexion va permettre de mettre en place un marquage dans les classes.
> Proposition 9 – Tester l’ensemble du personnel enseignants et du personnel en lien avec les enfants : Une première phase massive aurait lieu avant la rentrée, et permettrait de tester tout le personnel en lien avec les enfants. Pour se faire la Mairie peut s’appuyer sur le centre devaccination municipal, et sur les centres de dépistage dans les secteurs. Régulièrement des tests seraient proposés, afin de s’assurer qu’aucune personne en lien avec les enfants n’a le Covid.
> Proposition 10 – Fracture numérique : La fracture numérique a été accrue par l’école à distance. Cette situation va perdurer, puisque de nombreuses familles risquent de renoncer à mettre leur enfant à l’école. La ville devra, en lien avec des entreprises et des associations, récupérer du matériel informatique et le mettre à la disposition des familles les plus précaires.
> Proposition 11 – Inscriptions: Mettre en place au plus vite des procédures d’inscriptions des élèves, notamment de primo inscrits. La crise informatique et les impératifs sanitaires imposent de réfléchir au plus vite à une procédure adaptée.
> Proposition 12 – Cantine : Beaucoup de familles subissent actuellement des pertes de revenus. Le retour de leur enfant à l’école marque aussi la possibilité de lui faire reprendre le chemin de la cantine, et donc d’un repas équilibré, dans le respect des gestes barrières. La ville doit aussi garantir la gratuité à l’ensemble des familles, dans un geste financier qui permette de retrouver du pouvoir d’achat pour les familles, et facilite l’inclusion.
> Proposition 13 – Stage de remise à niveau : A l’occasion des vacances scolaires, des stages de remise à niveau et de continuité pédagogique doivent être proposées aux enfants, en priorité dans les zones d’éducation prioritaire. Ces stages pourront être dispensés par des fédérations d’éducation populaire et des enseignants volontaires.
> Proposition 14 – Extra-scolaire : Lorsque les enfants n’auront pas cours, notamment lors de la mise en place des enseignements alternés, la Ville doit mobiliser ses centres-aérés, centres municipaux d’animations, centres sociaux et structures associatives, sportives ou culturelles.
Lien utiles :
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