Politiques, médias et professionnels du secteur l’affirment : l’été 2022 aura battu des records en termes de sécheresse. Au niveau local, les alertes sécheresses émises par la préfecture des Bouches-du-Rhône n’ont cessé de s’intensifier depuis avril, en particulier sur l’Huveaune et le Réal de Jouques. L’une des causes principales, selon la préfecture des Bouches-du-Rhône, est l’absence quasi-totale de précipitations ces derniers mois. Sur son site, Météo France souligne également le caractère inédit de cet épisode ainsi qu’un déficit record de précipitations, même si des événements comparables ont été observés en 1976 et 2003. Et ce n’est pas fini : l’organisme annonce de nouvelles chaleurs pour cette semaine, et toujours pas un nuage à l’horizon.
Un taux de précipitations en déficit de 73%
Au total, selon les données observées par le site E-météo Service, l’année 2022 a enregistré 64 millimètres de pluie seulement entre le 1er janvier et le 1er août, soit un déficit de 73%. A titre de comparaison, toutefois, 2022 ne se place qu’à la 4e position en termes de sécheresse, la première position étant attribuée à 2019 durant laquelle seulement 103 mm d’eau sont tombés (contre 115 en 2022 après les intempéries du 15 août, selon E-météo). Les années 2004 (112 mm) et 1989 (114 mm) se classent respectivement en 2e et 3e positions,.
« Les orages du 15 août ont certes été intenses, mais cela ne permet pas de rattraper le manque de précipitations observé depuis janvier. De plus, la terre étant très sèche, la pluie ne pénètre pas dans les sols », souligne Paul Marquis, fondateur du site. Sécheresse et hausse des températures étant intrinsèquement liées, les phénomènes de vagues de chaleur devraient s’intensifier les années à venir : 2022 en a ainsi connu six, un record par rapport à 2007 qui en avait enregistré « seulement » quatre.
« Les hivers froids, c’est fini »
Paul Marquis, météorologue
Pour autant, cette situation estivale ne présage pas d’un hiver plus rude, au contraire : « les hivers froids, c’est fini » note Paul Marquis, qui relève depuis déjà quelques années des températures hivernales de plus en plus au-dessus des normales de saison. Enfin, en raison des fortes chaleurs et du réchauffement de la Méditerranée, les épisodes orageux seraient appelés à devenir encore plus violents dans le futur.
Les réserves en eau maîtrisées
Les gorges du Verdon et le lac de Serre-Ponçon au plusbas à cause de la sécheresse (voir tweet ci-dessous) … Les images qui ont circulé sur les réseaux sociaux montrant les deux principales réserves d’eau servant à alimenter la région peuvent faire craindre le pire en termes d’approvisionnement d’eau potable.
>> Le lac de #SerrePoncon vient de franchir les -15m ce matin par rapport à sa côte optimale de remplissage.
— Paul Marquis (Expert Meteo) (@La_Meteo_du_13) August 10, 2022
Sa baisse est constante face à la sécheresse et à l’absence de précipitations (voir graphique).
Image côté bras de l’Ubaye en amont du lac par @Firmin76. pic.twitter.com/LDaA0zaaDe
Du côté de la Société des Eaux de Marseille (Sem), on ne nie pas « une situation inédite » depuis la mise en place du double système d’approvisionnement par le canal de Provence et la Durance en 1830, jusqu’alors inébranlable. Mais la directrice générale Sandrine Motte se veut rassurante : « A cause de la chaleur, nous pensions avoir une explosion de la consommation d’eau, ce qui n’a pas été le cas. On constate une très nette évolution dans l’usage de l’eau chez les particuliers comme chez les collectivités et les entreprises. Grâce à ces efforts collectifs, ainsi que les technologies déployées par la Sem pour limiter les dépenses d’eau, nous avons évité une saturation. » Les restrictions d’eau émises par la préfecture ne sont pas non plus étrangères à cette utilisation plus raisonnée de l’eau.
« Une situation inédite depuis la mise en place du système d’approvisionnement marseillais en 1830 »
Sandrine Motte, DG de la Sem
Parmi les solutions utilisées par la Sem pour éviter au maximum les déperditions d’eau, des capteurs capables d’anticiper à J-1 la consommation d’eau des utilisateurs, et donc de ne prélever que la quantité d’eau nécessaire. Une technologie qui permet d’économiser pas moins de 28 millions de mètres cubes d’eau, soit l’équivalent de la consommation d’une ville de 300 000 habitants. En outre, la Sem mène une chasse aux fuites d’eau : elle renouvelle chaque année 32 kilomètres de canalisations – sur les 3000 km qui ceignent Marseille et dix-huit communes alentours – afin de maintenir une efficacité du réseau à 86%.
Sécheresse : des productions réduites pour certains fruits et légumes
Les fortes chaleurs et la sécheresse ont particulièrement impacté le secteur agricole, qui accuse des pertes importantes. C’est en tout cas ce qui ressort d’un troisième comité de suivi de la situation de sècheresse dans le monde agricole qui s’est tenu ce 22 août en présence du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Marc Fesneau, la secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie et des représentants des agriculteurs.
Si « un bilan de l’épisode n’est pas encore possible » à ce jour, le comité a constaté « un recul des productions pour certains fruits et légumes », relate un communiqué (voir en document source ci-dessous). Parmi les productions les plus impactées, le concombre, le melon, mais aussi le maïs et le tournesol. En revanche, le fort rayonnement et la chaleur ont bénéficié à certaines production comme les abricots, les pêches, le blé et le colza. Le gouvernement annonce la mise en place d’une série de mesure visant à accompagner les producteurs telles que l’exonération de taxes sur le non-bâti ou encore l’augmentation des aides perçues par les agriculteurs dans le cadre de la Politique agricole commune. Selon l’organisme FranceAgriMer, la récolte 2022 devrait cependant permettre de « répondre aux attentes du marché. »
Document source : le compte-rendu de la 3e réunion du comité de suivi de la situation de sécheresse dans le monde agricole
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