Le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) a été présenté en conseil des ministres lundi 26 novembre, par Elisabeth Borne, ministre des Transports. Des assises de la mobilité, lancées en septembre 2017, ont notamment permis aux acteurs concernés de travailler sur les sujets abordés dans le texte. Un projet qui se télescope avec le mouvement des « gilets jaunes », qui a mis en lumière les problématiques de transports du quotidien et le manque d’infrastructures adaptées.
Pour répondre à cet enjeu, et financer les grands projets, la Métropole Aix-Marseille Provence comptait sur la création d’un établissement public de la mobilité, associant l’Etat, la Région et plusieurs collectivités locales. Le sujet avait été évoqué par les élus du département avec Emmanuel Macron, vendredi 6 septembre, lors d’une rencontre précédent son rendez-vous avec la chancelière allemande Angela Merkel, au palais du Pharo. La demande, qui a été formulée à de nombreuses reprises depuis le lancement de l’agenda de la mobilité métropolitaine en décembre 2016, avait été réitérée par Martine Vassal, lors cette entrevue avec le chef de l’Etat.
Or, rien dans la loi ne prévoit la création d’un tel établissement. Un arbitrage du gouvernement que Jean-Marc Zulesi, député LREM de la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône, et responsable du texte sur le volet innovation, « regrette ». Mais le parlementaire estime qu’il reste encore de la marge. « Il n’y a pas de fatalité puisque le texte ne sera présenté qu’en février (décalé à mars en raison du grand débat national, NDLR) et en mai à l’Assemblée nationale. Il y a un vrai consensus entre les élus pour que cet établissement soit intégré dans la loi des mobilités.» Jean-Marc Zulesi travaille avec la ministre des transports pour atteindre cet objectif précise-t-on dans son entourage.
Les infrastructures concernées
Un autre volet de ce projet de loi prévoit une programmation des infrastructures pour les dix ans à venir. 758 millions d’euros vont être investis pour les infrastructures, dans les cinq prochaines années, dans la région Sud. L’élaboration s’est appuyée sur les travaux du Conseil d’orientation des infrastructures présidé par Philippe Duron, ancien député (PS) du Calvados, ancien président de l’Agence de financement des infrastructures de France (AFITF). Selon la ministre, la programmation a été établie autour de cinq priorités : « l’entretien des réseaux existants »; « la désaturation des grands noeuds ferroviaires », avec un investissement de 2,6 milliards d’euros sur dix ans; « l’accélération du désenclavement routier des villes moyennes et des territoires ruraux », auquel 1 milliard d’euros sur 10 ans sera consacré; « le développement de l’usage des mobilités propres, partagées et actives au quotidien », qui fera l’objet de plusieurs appels à projets de 1,2 milliard d’euros sur dix ans, et « le renforcement de l’efficacité et du report modal dans le transport de marchandises », avec 2,3 milliard d’euros investis par l’Etat sur dix ans.
Le contournement d’Arles
Deux projets ont été entérinés sur le territoire : le contournement d’Arles et la liaison entre Salon-de-Provence et Fos-sur-Mer. Le projet arlésien consiste, dans le cadre d’une concession autonome, à mettre aux normes autoroutières, 13 kilomètres de la RN113 et à réaliser un contournement sud de 23 kilomètres d’Arles assurant la continuité de l’A54 en limite du parc naturel régional de la Camargue. Engagée depuis le début de son mandat à porter la réalisation de ce contournement, la députée de la 16e circonscription, Monica Michel, se réjouit de constater « que ce projet avance enfin vers sa réalisation après 20 ans de stagnation. C’est un enjeu majeur de santé publique pour les riverains mais aussi un enjeu économique et territorial, et un enjeu de réhabilitation urbaine du centre-ville d’Arles, pour aller au-delà du projet cœur de ville entre l’Etat et la commune. » Si aucun calendrier n’est encore fixé, toutes les dispositions ont été prises par les services de la Dreal Provence-Alpes-Côte d’Azur « pour respecter ces décisions gouvernementales », et permettre que l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique se tienne début 2021.
La liaison Salon-Fos
Quant à liaison Salon-Fos : le projet abandonne la construction d’une autoroute (deux fois deux voies avec échangeurs dénivelés) sur 25 kilomètres entre la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer et l’autoroute A54 au niveau de Salon-de-Provence, au profit d’un doublement de la voie existante. Le rapport Duron indiquait que ce projet est « classé dans ses toutes premières priorités ». Le Conseil préconisait « qu’un parti d’aménagement non autoroutier et donc à la fois moins impactant sur le plan environnemental et moins coûteux en crédits publics, avec des vitesses de référence abaissées et des carrefours aménagés à niveau (giratoires), est largement possible tout en apportant les services recherchées ». Cette solution d’aménagement, évaluait à 300 millions, pouvant se traduire par des aménagements simples des voies existantes pour améliorer la sécurité et ponctuellement la capacité. Le gouvernement a décidé de suivre cette préconisation qui va dans le sens du renforcement des structures existantes. Le coût du chantier rééavalué s’élève à 370 millions d’euros, dont 60% pris en charge par l’Etat. Le rapport préconise aussi d’engager sans tarder le débat public. Les concertations devraient intervenir dans le courant 2019. Elles porteront sur le schéma d’aménagement et la capacité à absorber le flux routier entre l’A7 à Salon, et le port à Fos.
Ligne Nouvelle : quatre phases et un chantier à 14 milliards d’euros
Pour le ferroviaire, s’agissant de la liaison Marseille-Nice, le gouvernement envisage d’abord des améliorations à Marseille, Toulon et Nice (avec des travaux lancés dans le quinquennat), puis la diamétralisation de la gare par la réalisation d’une gare souterraine à Saint-Charles et des aménagements sur le reste de la ligne. Un chantier évalué à 14 milliards d’euros et échelonné en quatre phases, détaillées dans le rapport Duron :
Phase 1 : un premier réaménagement et une optimisation du fonctionnement du plateau Saint-Charles, à Marseille, une première phase de l’aménagement du pôle d’échange multimodal (PEM) de Saint-Augustin à Nice et la gare de la Pauline à Toulon, pour 860 millions d’euros.
Phase 2 : la gare souterraine et la finalisation des aménagements du plateau Saint-Charles à Marseille ainsi que la bifurcation de Grasse et le remissage des TER à Cannes, l’aménagement de la ligne classique Cannes-Nice (pour passer à 8 trains/heure), pour 2,9 Mds€.
Phase 3 : la gare de La Bocca à Cannes, la deuxième phase de l’aménagement du pôle d’échange multimodal de Saint-Augustin à Nice et la ligne nouvelle Nice-cannes (boucle azuréenne pour 3,9 Mds €).
Phase 4 : les sections de ligne nouvelle entre Aubagne et Toulon et entre Cannes et Le Muy pour 6,4 Mds €.
Les premières études de la phase 1 et 2 devraient être engagées d’ici à 2022. Pour les travaux, deux scénarios sont envisagés : le premier vise une livraison entre 2023 et 2027, et le deuxième, entre 2028 et 2032.
Favoriser les « mobilités propres »
Le projet de loi ambitionne, en outre, de décliner la transition écologique dans le secteur des transports en favorisant les « mobilités propres ». Il prévoit la création de « zones à faibles émissions » (ZFE) qui permettront aux collectivités locales de limiter la circulation aux véhicules les moins polluants, selon les critères de leur choix (horaires, zones, types de véhicules… Les agglomérations de plus de 100 000 habitants seront tenues d’étudier la mise en place d’une ZFE et les communes et intercommunalités dans lesquelles les normes de qualité de l’air sont régulièrement dépassées devront mettre en place une ZFE avant fin 2020. Le Département et la Métropole se sont déjà engagés à créer une « Zone à faibles émissions », notamment dans le centre de Marseille. Le 8 octobre, la Métropole a d’ailleurs signé un pacte d’engagement avec l’État, dans ce sens.
La transition des parcs de véhicules vers des énergies propres sera encouragée avec une réduction du coût de raccordement des infrastructures de recharge de véhicules électriques, « grâce à un plafond de prise en charge qui pourra passer de 40 à 75 % », selon le ministère. Pour rappel, dans le cadre de son agenda environnemental, la Métropole prévoit l’installation de 475 bornes de recharges déployées sur le territoire, soit une capacité de 950 véhicules. 120 seront installées l’année prochaine et la totalité d’ici à 2021. Une centaine sera financée par la Région Sud dans le cadre de la « Cop d’avance ». La ministre a également dévoilé des mesures comme le développement d’offres en libre-service (« freefloating »), la mise en place d’incitations pour favoriser les déplacements en covoiturage ou en vélo.
L’innovation dans les transports
Enfin, le texte comporte un volet dédié au numérique et à l’innovation, avec la mise en circulation de navettes autonomes dès 2020. Il prévoit aussi d’ouvrir les données « statistiques » de mobilité (arrêts, horaires, tarifs, accessibilité, perturbations…) d’ici fin 2021, afin de favoriser le développement de nouveaux services. Les Régions devront proposer aux usagers un service d’information multimodale aux usagers sur l’ensemble de leur territoire d’ici fin 2021. Pour Jean-Marc Zulesi, l’innovation dans les modes de transport est la « priorité ». « En France les transports représentent une part importante des émissions de gaz à effet de serre et 40% de ces émissions proviennent de nos voitures. Il y a urgence à mettre fin à “l’autosolisme” et je salue les mesures visant à proposer des solutions alternatives aux Français, dans tous les territoires, et pas seulement dans les grandes villes. » Le député salut également l’augmentation de 40% des investissement pour améliorer les transports du quotidien. « Pendant des années les investissements publics se sont concentrés sur les liaisons entre les grandes métropoles. Aujourd’hui le Gouvernement investit dans les transports du quotidien afin que chacun puisse se voir proposer une alternative à la voiture individuelle. » La discussion du projet de loi doit être examiné au Parlement, début 2019.