Un million d’offres d’emploi ne trouveraient pas de candidats selon Pôle Emploi. C’est le mal du chômage français avec un déphasage flagrant entre les compétences du demandeur d’emploi et les attentes des entreprises. Mais que sont ces emplois dits en tension (1) ? Le Carif Oref (Centre d’animation, de ressources et d’information sur la formation) de la région a sorti discrètement, en septembre une étude sur « Les métiers en tension en Provence – Alpes – Côte d’Azur » qui lève le voile sur le marché de l’emploi, le vrai de notre territoire.
Certes les chiffres sont de 2019, mais les tendances lourdes n’ont pas changé. Nous avons près de 500 000 demandeurs d’emploi dans la région en octobre 2021 (2). Les tensions sur le marché du travail sont en hausse depuis 2015, en région comme au niveau national. 73 métiers (82 sur le plan national) sur les 167 observés sont en tension forte en région Provence – Alpes – Côte d’Azur. Les déséquilibres entre offres et demandes sont particulièrement forts « dans des domaines professionnels où les composantes techniques ou technologiques sont importantes, comme l’électricité, électronique ; l’informatique et télécommunications, la mécanique, le travail des métaux, la maintenance ou encore le BTP. »
L’étude de Fanny Bremond et Pauline Gay-Fragneaud révèle un premier enseignement. Contrairement au satisfecit général sur nos formations d’ingénieurs, la région et particulièrement la métropole Aix Marseille Provence est en retard sur la « production » d’ingénieurs. Trois secteurs sont déficients : l’informatique, les télécoms et la logistique.
Selon les chiffres du ministère la région fabrique 6 234 ingénieurs par an (2019-2020) dont 4 000 sur Aix Marseille, rapportés aux 14 000 offres de job de l’année et aux 9 500 emplois fixes pourvus. Nous avons progressé avec des écoles d’ingénieurs de renom et des établissements cotés, mais, le nombre n’y est pas. Le marché ne recherche pas des formations « tendances » ou exotiques, sur des métiers obscurs ou en devenir.
Les emplois en tensions avec salaires de cadre à la clef sont dans l’informatique, les télécoms et la logistique
Si nos écoles publiques ne s’emparent pas de cette opportunité, gageons que les écoles privées qui sont devenues un business international lucratif s’en empareront en captant la part solvable du « marché ».
Second secteur en tension après les ingénieurs, celui des techniciens en électricité et électronique (770 postes), des dessinateurs en mécanique, les chaudronniers, agents de maîtrise des industries de process, chefs de chantier et conducteurs de travaux… Ces métiers ont deux caractéristiques
- Ils sont accessibles par l’apprentissage, c’est la voie du compagnonnage où « le savoir-faire de la main » se transmet en exerçant le métier.
- La seconde caractéristique est la dépréciation de ces métiers. À force de plaider le numérique, les métiers derrière les écrans, le discrédit du travail manuel, ces métiers sont devenus des repoussoirs pour les jeunes. Il y va de notre responsabilité collective de ne pas donner une image déformée de l’économie réelle donc de l’emploi potentiel.
« Les métiers en tension forte ou élevée peuvent correspondre à des volumes importants d’emploi, mais également à des niches d’emploi stratégiques pour les entreprises régionales »
Carif Oref
Troisième secteur en tension : les métiers d’ouvriers qualifiés concentrés dans quelques domaines techniques spécialisés relevant du BTP, de la maintenance, des matériaux souples, bois, industries graphiques et de la mécanique, du travail des métaux. « Cela renvoie à la rareté des compétences que ces ouvriers détiennent comme à la spécificité́ des formations ».
Enfin, parmi les métiers les plus pourvoyeurs d’emploi en région, la moitié est aussi en tension forte ou élevée. C’est le cas notamment des aides à domicile et aide-ménagères, des cadres administratifs, comptables et financiers (hors juristes), des assistantes maternelles ou des conducteurs routiers. Pour chacun de ces métiers, précise le Carif Oref, « la volumétrie des postes à pourvoir voire l’intensité des embauches amplifient la perception de cette problématique. »
La pandémie de Covid risque d’accentuer les problèmes sur les métiers de « 1re ou 2e ligne. » « Certains métiers, déjà en tension forte ou élevée en 2019, prévoit le Carif Oref, pourraient voir cette caractéristique s’exacerber sur le marché du travail, comme les aides à domicile et aide-ménagères ; les assistantes maternelles ; les aides-soignants ; les infirmiers ; les autres professionnels paramédicaux (dont les masseurs-kinésithérapeutes) ; les techniciens médicaux et préparateurs ; les éducateurs spécialisés, les conducteurs routiers, les conducteurs et livreurs sur courte distance, les personnels de maîtrise des magasins ou encore les bouchers et les boulangers ».
Sur les 101 métiers observés en tension forte ou élevée en région en 2019, un tiers l’est de manière continue ou presque depuis 2011. Parmi eux, figurent les métiers qualifiés, voire hautement qualifiés :
- Du BTP
- De la mécanique
- De la maintenance
- Du commerce
- Des métiers de proximité́
- De l’alimentation
- Des soins.
Cette étude, scientifique, du Carif Oref, précise, rigoureuse, est sans appel : notre appareil de formation est encore à côté du réel. Et des 500 000 chômeurs de la région.
Document source : le panorama complet du Carif Oref
Liens utiles :
> Le site officiel du Carif Oref.
> Formation-Emploi : le Carif Espace Compétences et l’ORM fusionnent…
(1) Parler de métiers en tension, c’est évoquer un déséquilibre entre offres et demandes d’emploi pour un métier donné. Leur repérage repose sur le calcul du ratio de tension, résultat du rapport entre offres et demandes, issu des données collectées par Pôle emploi. Ainsi, un métier est dit en tension quand les offres d’emploi émises sur le marché du travail (OEE) sont supérieures aux demandes exprimées par les personnes cherchant à s’insérer (DEE), ou que l’écart entre les deux est faible. Source OREF
(2) En Provence-Alpes-Côte d’Azur, le nombre de demandeurs d’emploi tenus de rechercher un emploi, ayant ou non exercé une activité s’établit en moyenne à 491 480 au troisième trimestre 2021. DREETS Provence-Alpes-Côte d’Azur.