En l’espace de quelques heures à Marseille, il aura vu le soleil, les nuages, la pluie, la foudre et peut-être même la grêle. Le secrétaire d’État en charge de la Mer, Hervé Berville, était de passage dans la cité phocéenne mercredi 14 juin. Une journée riche en rencontres que le natif de Kigali (Rwanda) a entamé dans le hall de l’espace Bargemon (2e), en inaugurant la 20e réunion de la Commission méditerranéenne du développement durable (CMDD). Et ce, sous le regard de plusieurs élus locaux dont Samia Ghali, la maire adjointe de Marseille.
C’est la première fois au XXIe siècle que ce rendez-vous international dédié à la Méditerranée se tient dans l’Hexagone. L’enjeu est de taille pour la France puisqu’elle présidera la CMDD pour les deux ans à venir. Et le travail a déjà commencé. À Marseille, jusqu’au 16 juin, les membres de cette instance consultative vont discuter d’une stratégie méditerranéenne à adopter en matière de développement durable et d’économie bleue. Un cap doit être fixé pour une Méditerranée plus résiliente.
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Hervé Berville rêve d’une économie maritime « décarbonée et durable »
Différents acteurs se retrouvent à Marseille pour participer pendant trois jours à cette grand-messe méditerranéenne. Parmi eux, les représentants des 21 pays du bassin, de l’Union européenne et de la société civile (élus locaux, scientifiques, ONG, etc.) L’évènement représente un point d’étape important avant la conférence mondiale sur les océans (Unoc), qui aura lieu à Nice en 2025.
Après un mot d’accueil prononcé par Samia Ghali, le représentant du gouvernement tricolore, Hervé Berville, détaille les priorités françaises. Le secrétaire d’État à la Mer souhaite conjuguer en Méditerranée la protection de la biodiversité, le développement de la connaissance scientifique et la quête d’une souveraineté économique et alimentaire.
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La France veut faire de la Méditerranée « une mer exemplaire »
La Méditerranée est un symbole planétaire de l’urgence environnementale. « Si rien n’est fait, le réchauffement climatique dans le bassin sera 20% supérieur à la moyenne mondiale d’ici 2100, et la température de l’eau pourrait augmenter de 3% », signale Hervé Berville. Il rappelle par ailleurs que 730 tonnes de plastique pénètrent chaque jour la Grande Bleue, ce qui en fait une des mers les plus polluées par les déchets au monde.
Nous ne réussirons pas à répondre au défi du siècle sans renforcer la souveraineté économique de nos pays.
Le ministre en est convaincu : « nous ne réussirons pas à répondre au défi du siècle sans renforcer la souveraineté économique de nos pays ». La pêche ou encore le tourisme peuvent selon lui continuer à se développer, mais de manière raisonnable et décarbonée, « dans le sens de la transition écologique ». C’est l’objectif de la planification maritime. Un outil que la France juge nécessaire de mettre en place à l’échelle méditerranéenne.
Mais selon le secrétaire d’État originaire de Bretagne, le développement d’une économie bleue durable nécessite une meilleure expertise scientifique. « Notre connaissance de la Méditerranée est encore lacunaire », concède Hervé Berville. C’est pourquoi la France réaffirme à Marseille son soutien aux réseaux d’experts et aux observatoires méditerranéens dont le Plan Bleu fait partie. Elle espère ainsi « renforcer le lien entre science et politique publique ».
Sur la biodiversité, Hervé Berville propose à la commission de soutenir un plan d’action qui vise à protéger 100% des herbiers de posidonie en 2030. L’objectif étant d’appuyer la mise en place de mouillage écologique, de financer des programmes de restauration. Il souhaite par ailleurs créer un festival annuel et multiculturel méditerranéen dédié à la posidonie afin de mobiliser la jeunesse, les collectivités et les élus locaux.
Nous avons rencontré le secrétaire d’État en charge de la Mer, Hervé Berville, sur le Vieux-Port, quelques minutes après son discours.
La France joue à domicile pour cette 20e réunion et prend temporairement la présidence de la CMDD. Qu’est-ce que cela change ?
Hervé Berville : Premièrement, c’est une chance d’avoir cette présidence. Cela permet évidemment de porter, de pousser des priorités qui sont importantes pour le président de la République, et pour moi. C’est d’abord la protection des océans ; protéger nos mers et notamment la biodiversité marine, les habitats comme la posidonie. On sait que la posidonie, c’est le poumon de la mer Méditerranée. Et donc nous allons porter une ambition très forte, demander, convaincre les autres pays du pourtour méditerranéen de s’engager dans la protection de la posidonie.
La posidonie, c’est le poumon de la mer Méditerranée.
Ensuite, le deuxième élément, c’est celui d’une économie maritime. Pour répondre aux enjeux de souveraineté économique, de souveraineté alimentaire, nous avons besoin d’avoir des pêcheurs en Méditerranée. Nous avons besoin d’avoir des énergies marines renouvelables. Et tout cela se fait dans un cadre qui doit être celui d’une économie maritime qui permet le progrès pour tous, et qui crée des boulots partout sur le territoire.
Et puis le troisième aspect qui est important pour nous, et qui est une priorité, c’est l’enjeu de la planification maritime intégrée. C’est un outil qui permet de garantir la cohabitation des usages. On a une mer qui est sous la pression de multiples usages : le tourisme, l’industrie, et d’autres secteurs économiques. On voit bien ce que cela peut apporter en termes de pollution. Et surtout avec l’accélération du changement climatique, on a une mer qui est sous pression : canicules sous-marines, dégradation de la biodiversité…
On a une mer qui est sous la pression de multiples usages.
La planification, cela permet de dire où on va mettre des énergies renouvelables, où on va permettre le développement de zones de pêche, (…) du tourisme, où on va réguler les mouillages et la plaisance, pour éviter d’avoir trop de pressions à un même endroit. Bref cela va nous permettre de travailler mieux ensemble, et d’atteindre deux objectifs : la lutte contre le changement climatique et la souveraineté économique de notre territoire.
La France, aux côtés du Plan Bleu, a joué un rôle moteur dans l’élaboration d’une zone de contrôle des émissions d’oxydes de soufre et de particules (Seca), dont la mise en place est prévue en 2025. Où en est la réflexion sur l’ouverture d’une zone Neca, pour réguler les émissions d’oxydes d’azote ?
H.B : Cela fait partie des discussions. On a bien commencé avec la Seca (…) on a aussi la ZMPV (zone maritime particulièrement vulnérable) dont la création vise à protéger les cétacés. D’autres exemples existent pour limiter d’autres particules fines. Mais la question de la zone Eca (emission control area) est la prochaine étape, elle est indispensable. Nous avons réussi à le faire sur Seca, nous arriverons aussi à le faire sur ces enjeux là.
À Marseille, la croisière génère des tensions entre le monde économique, la classe politique et les riverains, dont certains se plaignent des fumées émises par les navires à proximité du port. Comment peut-on apaiser ce conflit ?
H.B : Par le dialogue, par un travail précis et rigoureux, par la science et par les engagements de chacun. Il faut un engagement collectif. C’est la raison pour laquelle, la dernière fois que je suis venu à Marseille (le 20 octobre 2022, ndlr), c’était justement pour signer une charte sur la croisière, pour lutter contre les pollutions. Un engagement de l’État, de la Région, des croisiéristes pour réduire ces pollutions, et pour s’engager dans des investissements notamment sur l’électrification à quai.
La croisière fait partie des activités économiques (…) mais face aux enjeux de pollution, nous devons agir.
La croisière fait partie des activités économiques. Cela permet aux gens de voyager, de développer le tissu économique. Mais face aux enjeux de pollution, nous devons agir, et donc interdire un certain nombre de polluants, accélérer la décarbonation du transport. J’y suis pleinement engagé avec un plan « France Mer 2030 ». C’est 400 millions d’euros de financement public et 200 millions d’euros de contribution de CMA CGM, une entreprise bien connue à Marseille. Cela va permettre d’accélérer la décarbonation, de travailler sur des carburants alternatifs, sur l’électrification à quai, l’écoconduite et sur l’efficacité énergétique.
[Maritime] Le collectif « Stop Croisières » tacle Renaud Muselier
📸 Le secrétaire d’État à la Mer @HerveBerville assiste cet après-midi au baptême du navire “Persévérance”, amarré sur le Vieux-Port.
— Gomet’ (@Gometmedia) June 14, 2023
⛵ Ce voilier avitailleur a été spécialement conçu pour l’expédition scientifique Polar POD de Jean-Louis Etienne, prévue fin 2024.#Marseille pic.twitter.com/eXfElt7EcE
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